PARIS: Réindustrialisation, fiscalité, chômage ou encore réforme des retraites, voici, à l'aube d'un nouveau gouvernement, un récapitulatif des grands axes économiques sur lesquels le "septennat" Macron s'est concentré.
Réindustrialiser, tout en verdissant
Après le choc du Covid et les pénuries mémorables de masques et de médicaments, Emmanuel Macron a lancé en 2021 le plan France 2030, doté de 54 milliards d'euros, avec l'objectif de rattraper le retard industriel de l'Hexagone dans les technologies innovantes ou la transition écologique.
En octobre 2023, le Parlement a également voté la loi Industrie verte, portant l'ambition de verdir les industries existantes et de faire de la France un leader des technologies de la décarbonation (hydrogène, solaire, batteries, pompes à chaleur...)
French Tech, licornes et "Start-up Nation"
Le président, qui a fait de la "Start-up Nation" un de ses premiers slogans, a encouragé le développement des jeunes pousses de la "tech". Aujourd'hui, on compte une petite trentaine de "licornes", sociétés technologiques valorisées plus d'un milliard de dollars, contre une poignée avant son élection en 2017.
Mais impossible de savoir si leur valorisation n'a pas été emportée par la montée des taux. De plus, si l'objectif du gouvernement fin 2022 était de dix licornes cotées en Bourse en Europe d'ici à 2025, pour l'instant aucune n'a franchi le pas.
Intelligence artificielle
L’Élysée et Bercy se sont particulièrement mobilisés autour de l'intelligence artificielle. Après un premier plan IA en 2018, doté de 1,5 milliard d'euros, le boom des IA génératives comme ChatGPT ou Midjourney pousse Emmanuel Macron à annoncer près de 900 millions d'euros supplémentaires lors des deux dernières éditions du salon Vivatech pour faire émerger des pépites françaises, avec la toute jeune start-up Mistral comme figure de proue.
Décarbonation en marche, mais ambition écologique en recul
Emmanuel Macron avait promis un "quinquennat écologique" à sa réélection de 2022. L'objectif est quasi rempli pour la décarbonation de l'économie, la France ayant atteint pour la première fois le rythme attendu de baisse des gaz à effet de serre.
Mais celui-ci doit encore impérativement s'accélérer pour tenir l'objectif européen (-55% d'ici 2030 par rapport à 1990).
Malgré des succès, comme celui du "leasing social" de véhicules électriques pour les ménages modestes, certaines ambitions écologiques ont été revues à la baisse: la "zéro artificialisation nette des sols" (ZAN), les "zones à faible émissions" (ZFE) des véhicules dans les métropoles, ou la rénovation thermique des logements, victime de coupes budgétaires malgré une hausse sans précédent du dispositif MaPrimeRénov'.
Le chef de l’État avait amorcé un tournant en mai 2023 lorsqu'il avait appelé à "une pause réglementaire européenne" sur les normes environnementales, faisant valoir que l'UE avait fait "plus que tous les voisins" et avait désormais "besoin de stabilité".
La grande déception des ONG écologistes a culminé au printemps avec la refonte d'Ecophyto, le plan de réduction des pesticides. Déjà en 2019, le président était revenu sur sa promesse d'interdire le glyphosate, le jugeant encore vital pour les agriculteurs, malgré les menaces pour la biodiversité et la santé humaine.
Agriculture "souveraine", des lois en suspens
La guerre en Ukraine puis la crise agricole de l'hiver dernier ont recentré la politique macroniste sur la question de la "souveraineté alimentaire", pour produire et consommer plus français, repeupler les exploitations et protéger les agriculteurs de la concurrence d'importations moins-disantes au plan climato-environnemental.
Pour calmer la colère des campagnes, le gouvernement a annoncé plus d'un milliard d'euros de mesures. Mais la grande loi d'orientation promise, qui élève l'agriculture au rang d'"intérêt général majeur", est en suspens, et la révision des lois Egalim (2018-2023) visant à garantir un revenu décent aux agriculteurs est aussi au point mort.
Du côté fiscal
La présidence Macron est marquée par une batterie de réformes fiscales, les plus emblématiques étant le remplacement de l'impôt sur la fortune (ISF) par un impôt sur la fortune immobilière (IFI), l'abaissement du taux de l'impôt sur les sociétés (IS) de 33,3% à 25%, la suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales ou l'instauration d'un prélèvement forfaitaire unique sur les revenus du capital (PFU, surnommé "flat tax").
Organisme chargé de conseiller le gouvernement, France Stratégie estimait fin 2023 que l'instauration de cette "flat tax" avait soutenu les créations d'entreprises en France, mais n'avait eu "aucun effet" sur l'investissement ou les salaires.
Après la crise des gilets jaunes, le barème de l'impôt sur le revenu a également été réformé, entraînant une baisse de 5 milliards d'euros pour les ménages. Pour les entreprises, un impôt de production (CVAE) est partiellement supprimé, à défaut de l'être totalement comme initialement annoncé, en raison de la dégradation des finances publiques.
Soutien aux entreprises
La "politique de l'offre", qui allège réglementations et charges pour favoriser la production des entreprises, et l'économie en général, est consubstantielle du macronisme. Les baisses d'impôts ont atteint plus de 25 milliards d'euros en sept ans, et les créations annuelles d'entreprises sont passées de quelque 600.000 à plus d'un million, même s'il s'agit surtout de micro-entreprises.
Le taux de chômage, à 9,5% en 2017, a baissé de deux points, touchant même un plus bas depuis 1982 l'an dernier, à 7,1%.
La loi Pacte de 2019 a assoupli les réglementations et une seconde loi de simplification, prisée des PME, était examinée au Sénat au moment de la dissolution.
La France vient d'être classée cinq ans de suite pays européen le plus attractif pour l'investissement étranger par le cabinet EY.
Malgré ce libéralisme, les entreprises ont été massivement soutenues pendant le Covid, avec les prêts garantis par l’Etat (PGE).
Les retraites, dossier brûlant
Mesure emblématique de la présidence Macron, l'impopulaire réforme des retraites de 2023 visant à "ramener le régime à l'équilibre", s'est heurtée à l'un des plus longs mouvements sociaux des dernières décennies. Elle est finalement adoptée au forceps via l'article 49.3.
Outre le relèvement progressif de l'âge légal de départ de 62 à 64 ans, cette réforme a changé nombre de paramètres dans le calcul des pensions, notamment les règles en cas de départ anticipé. Elle crée un "coup de pouce" pour les "petites pensions" des retraités ayant travaillé toute leur vie au Smic, ou pour ceux cumulant emploi et retraite. La gauche, comme l'extrême droite, ont promis de l'abroger pendant la campagne des législatives à la suite de la dissolution.
L'assurance chômage, un chemin de croix
Les règles d'indemnisation des demandeurs d'emploi ont été revues à plusieurs reprises: celle de 2019 (entrée en vigueur en 2021) a revu le mode de calcul des allocations, et celle de 2023, tout aussi contestée par les syndicats, a réduit la durée d'indemnisation de 25%.
Dans l'objectif d'atteindre le plein emploi, le gouvernement a annoncé un nouveau tour de vis. Mais au soir du premier tour des législatives, la réforme a été suspendue par Gabriel Attal et les règles actuelles ont été prolongées jusqu'à fin octobre.