L’ordre mondial connaît une période de transition orageuse

Sur cette photo de famille diffusée par l'agence d'État russe Sputnik, le président russe Vladimir Poutine rencontre les hauts responsables des BRICS chargés des questions de sécurité / les conseillers à la sécurité nationale à Saint-Pétersbourg, le 12 septembre 2024. (AFP)
Sur cette photo de famille diffusée par l'agence d'État russe Sputnik, le président russe Vladimir Poutine rencontre les hauts responsables des BRICS chargés des questions de sécurité / les conseillers à la sécurité nationale à Saint-Pétersbourg, le 12 septembre 2024. (AFP)
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Publié le Vendredi 20 septembre 2024

L’ordre mondial connaît une période de transition orageuse

L’ordre mondial connaît une période de transition orageuse
  • Les BRICS peuvent être un indicateur du changement de l’ordre mondial, mais ils ne sont pas le seul facteur
  • De nombreuses forces contribuent à cette transformation, notamment l’émergence de puissances régionales et l’expansion de leur influence économique et commerciale

Les discussions sur la fin de l’ordre mondial, ou ce que certains décrivent comme la fin de l’ère américaine, ont dépassé la simple spéculation théorique. Elles sont devenues une réalité au cours des dernières années, alimentées par des événements mondiaux tels que la pandémie de coronavirus et la guerre en Ukraine. Même des conflits plus régionaux, comme celui de Gaza, ont contribué au remodelage global de l’ordre mondial.

Le magazine Foreign Policy a récemment publié une proposition selon laquelle les nations occidentales perdent leur domination en tant que puissances mondiales, ouvrant ainsi la voie à la montée de la Russie et des pays asiatiques. Le magazine soutient que le monde subit des changements stratégiques historiques, où les principaux centres de pouvoir échappent de plus en plus à l’influence occidentale. Cela concerne non seulement des rivaux comme la Russie et la Chine, mais aussi des partenaires apparents tels que l’Inde, la Turquie et l’Arabie saoudite, qui semblent peu enclins à rester alignés sur les puissances occidentales.

Cette observation reflète les évolutions régionales et mondiales actuelles. Elle permet également d’expliquer des phénomènes tels que le déclin visible de l’influence et de l’autorité des États-Unis, un acteur central dans l’ordre mondial existant. Les efforts des États-Unis ont échoué à résoudre plusieurs conflits récents, comme ceux de Gaza et du Soudan. Ces crises sont remarquables car les États-Unis n’y sont pas directement impliqués, contrairement à d’autres crises mondiales comme celle de l’Ukraine.

Foreign Policy lie son point de vue à la montée des BRICS, affirmant que les élites occidentales ont sous-estimé son impact. Cependant, je ne partage pas cet avis. Bien que le groupe des BRICS gagne en pouvoir et en influence, il est encore dans une phase formative. Il est trop tôt pour tirer des conclusions définitives sur son rôle dans la transformation de l’ordre mondial, d’autant que de nombreux nouveaux membres des BRICS maintiennent des relations équilibrées avec les États-Unis et leurs concurrents stratégiques des BRICS. Leurs priorités sont économiques et commerciales, plutôt que la participation à des conflits mondiaux.

Les BRICS peuvent être un indicateur du changement de l’ordre mondial, mais ils ne sont pas le seul facteur. De nombreuses forces contribuent à cette transformation, notamment l’émergence de puissances régionales et l’expansion de leur influence économique et commerciale. Par ailleurs, les puissances traditionnelles s’affaiblissent, souvent distraites par des conflits internes qui épuisent leurs forces. Pendant ce temps, les puissances dominantes peinent à s’adapter à l’accumulation rapide de nouvelles sources de pouvoir dans des secteurs émergents comme l’intelligence artificielle, les technologies de l’information et les nouvelles sources d’énergie, qui propulsent les économies émergentes sur la scène mondiale.

La question clé est de savoir si le monde est véritablement entré dans une ère post-occidentale ou s’il reste au seuil de ce que Foreign Policy appelle la phase «non-occidentale». À mon avis, le monde a franchi ce seuil et il n’y a pas de retour en arrière possible. Cependant, nous n’avons pas encore atteint une phase post-occidentale. La période actuelle est transitoire, avec des rôles et des équilibres de pouvoir encore en cours de formation dans divers secteurs.

L’Occident a commencé à reconnaître ce changement. Par exemple, le Premier ministre hongrois Viktor Orban a déclaré, en mars, que la domination occidentale avait pris fin et qu’un nouvel ordre mondial émergeait. De même, en février, Josep Borrell, le Haut Représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, a remarqué que la domination occidentale «avait pris fin» et a mis en garde contre de sombres perspectives pour l’Europe si les tensions géopolitiques persistent. Il a également souligné les accusations de double standard contre l’Occident, appelant à des actions concrètes plutôt qu’à des mots.

Cette phase transitoire ne signifie pas que la structure du prochain ordre mondial puisse être prédite clairement. On ne sait toujours pas si celui-ci sera multipolaire ou fluide et indéfini pendant un certain temps. Il pourrait falloir du temps pour comprendre les nouveaux équilibres de pouvoir et développer une conception plus réaliste de l’avenir de l’ordre mondial. La liste des pays en lice pour des positions de premier plan dans cette hiérarchie est encore incertaine, car les performances économiques fluctuent et les ressources de pouvoir s’accumulent rapidement. De plus, les États-Unis, avec leurs alliés européens, exercent une pression considérable pour orienter les développements en leur faveur, tandis que les réponses des autres puissances à ces pressions restent limitées.

En somme, l’ordre mondial ne changera pas comme il l’a fait lors des périodes historiques précédentes. Il évoluera probablement à travers plusieurs étapes, notamment en raison des appels répandus à des réformes des systèmes d’action internationaux. Les structures organisationnelles et institutionnelles existantes ont connu un déclin majeur et ont presque disparu d’une scène mondiale désormais dominée par des politiques unilatérales. Cela a éclipsé l’idéal de la coopération internationale.

La vérité la plus pressante dans le monde actuel est une crise du leadership. Nous vivons dans un monde sans leaders, où l’absence de leadership mondial fort explique l’aggravation des crises complexes sans solutions.

Dr. Salem AlKetbi est un politologue émirati et ancien candidat au Conseil national fédéral.

X: @salemalketbieng

NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.