Chaque semaine, un nouveau plan visant à réduire l'immigration vers l'Europe voit le jour. Mais je ne suis pas sûr qu'une nation puisse endiguer le flux de personnes déterminées à se rendre dans un endroit sûr – que ce soit pour des raisons légitimes ou non – dans le but de changer de vie et de destin, au moyen de l'argent.
La migration est aujourd'hui une source d'instabilité politique dans de nombreux pays occidentaux. Elle est devenue l'instrument duquel l'extrême droite et les politiciens populistes se servent pour accéder au pouvoir ou amplifier les échecs de l'État, sans proposer de véritables remèdes aux problèmes.
Citons, à titre d'exemples, les projets d'expulsions massives de Donald Trump s'il revient au pouvoir aux États-Unis, ou l'Italie qui tente d'empêcher les réfugiés de partir d'Afrique ou encore la construction de nouveaux centres de traitement des candidats à l'immigration en Albanie. Aujourd'hui, la Suède, refuge de longue date pour les personnes persécutées et terrassées par la guerre, a décidé de commencer à payer les migrants qui acceptent de quitter le pays scandinave.
Pendant des décennies, la Suède a été considérée comme une sorte de superpuissance humanitaire, mais ces dernières années, elle a eu du mal à intégrer un grand nombre de ses nouveaux arrivants. La semaine dernière, son gouvernement de droite anti-immigration a annoncé qu'il était prêt à verser 350 000 couronnes suédoises (34 000 dollars; 1 dollar = 0,90 euro) aux personnes désireuses de retourner volontairement dans leur pays d'origine. Le pays est ainsi devenu la dernière nation à espérer amorcer un changement majeur de sa politique migratoire en raison de ce qu'il décrit comme une incapacité à accueillir et à soutenir un grand nombre d'arrivants.
Le Premier ministre conservateur suédois Ulf Kristersson est arrivé au pouvoir en 2022 à la tête d'un gouvernement de coalition minoritaire soutenu par le parti de droite des Démocrates de Suède, promettant de sévir contre l'immigration et la criminalité. L'espoir est que l'incitation financière séduira certains des centaines de milliers de migrants qui sont soit des chômeurs de longue durée, soit des personnes dont les revenus sont si faibles qu'elles ont besoin des prestations de l'État pour survivre. Mais cela est très simpliste et témoigne d'une méconnaissance des raisons pour lesquelles tant de personnes choisissent d'émigrer ou de demander l'asile en premier lieu.
La plupart des immigrés suédois proviennent de pays en proie à des conflits, tels que l'ex-Yougoslavie, la Syrie, l'Afghanistan, la Somalie, l'Iran et l'Irak. Rien qu'en 2015, au plus fort de la crise migratoire en Europe, la Suède a accueilli 160 000 demandeurs d'asile, soit le nombre le plus élevé par habitant dans l'UE. Mais tous ne sont pas venus parce qu'ils étaient persécutés chez eux – beaucoup voulaient simplement utiliser n'importe quelle excuse pour accéder à la vie dans un pays libre, avec un État-providence généreux sur lequel s'appuyer si leurs efforts d'intégration et de construction d'une nouvelle vie échouaient.
Généralement en Europe, la solution adoptée par les nations est d'injecter de l'argent pour tenter de faire face aux flux de migrants. Bien que cela ait donné quelques résultats à certains moments – le nombre de nouveaux arrivants ayant diminué –, cela n'a duré que jusqu'à ce que les migrants trouvent de nouveaux itinéraires ou de nouveaux passeurs pour les aider à atteindre leur destination.
Cette approche est très simpliste et témoigne d'une méconnaissance des raisons pour lesquelles tant de personnes choisissent d'émigrer ou de demander l'asile en premier lieu.
Mohamed Chebaro
L'argent versé sous forme d'aide pour aider les pays tiers à faire face à l'accueil des réfugiés a parfois offert un répit à certains pays occidentaux, mais cela n'a jamais permis d'endiguer complètement le flux. Les milliards d'euros versés par l'UE à la Turquie pour l'aider à gérer la crise des réfugiés syriens n'ont par exemple pas empêché plus d'un million de réfugiés, principalement des Syriens, d'arriver en Allemagne en 2015. Le Royaume-Uni, quant à lui, dépense des millions pour tenter d'empêcher les migrants de traverser la Manche à bord de petites embarcations.
Cette année, l'Italie a enregistré une réduction de 64% du nombre de nouveaux arrivants en provenance d'Afrique après avoir concentré ses efforts sur le traitement du problème «en amont», puisque la tactique du blocus naval n'a pas permis d'arrêter les bateaux chargés de réfugiés qui traversaient la Méditerranée. Le gouvernement de la Première ministre italienne, Giorgia Meloni, a été le premier à conclure des accords d'externalisation avec des gouvernements autoritaires et des États en déliquescence, qui auraient procédé à des déportations collectives illégales et maltraité des réfugiés cherchant à atteindre l'Europe.
L'Italie, comme le reste de l'Europe, a continué à fermer les yeux sur les activités de milices corrompues et brutales en Libye, qui sont également chargées de contrôler les flux migratoires.
Même le Liban, petit pays en proie à un effondrement politique, économique et social, a reçu de l'aide en échange de la prévention d'un grand nombre de personnes partant par la mer vers Chypre. Ceci est particulièrement important pour l'Europe car le Liban accueille un grand nombre de réfugiés palestiniens et syriens.
Recevoir l'équivalent de 34 000 dollars pourrait être une belle récompense pour les réfugiés suédois qui se trouvent dans une impasse. Mais il s'agit d'une très petite minorité et aucune somme d'argent ne suffira probablement à détourner la plupart d'entre eux d'une vie qui leur a permis de bénéficier d'un État-providence, d'un logement, d'une éducation et de soins de santé pour leurs proches.
Les questions de l'immigration, de l'asile, de l'immigration économique et de la traite des êtres humains sont un fléau pour le monde occidental, principalement riche, et il n'y a pas de solution facile. À l'heure actuelle, les nations souffrent du vieillissement de leur population, de la baisse des taux de natalité et de l'épuisement des ressources.
La solution qui échappe encore à la plupart de ces pays est leur incapacité à offrir un système de candidature équitable et accessible, capable de passer au crible des millions de candidats chaque année. Ces mêmes pays manquent aussi souvent d'un système de contrôle agile pour surveiller et appréhender ceux qui abusent du système ou le tournent à leur avantage.
Une fois que les nouveaux arrivants se sont vu accorder le droit de rester, les pays ne parviennent toujours pas à leur fournir une orientation adéquate susceptible de faire d'eux des citoyens bien intégrés et productifs, qui comprennent les droits et les devoirs régissant leur nouvelle vie. C'est l'une des raisons qui expliquent l'augmentation des hostilités communautaires et des récits toxiques qui rongent le débat sur l'immigration.
Jusqu'à ce jour, il est peu probable qu'un réfugié ou un migrant économique veuille accepter un paiement unique en espèces et retourner à une vie moins sûre, où règnent chômage et insécurité. Jusqu'à nouvel ordre, certaines nations continueront d'être des destinations très convoitées par des personnes prêtes à tout, même à risquer leur vie sur de petites embarcations, à se faire plumer par des trafiquants d'êtres humains ou, dans certains cas extrêmes, à subir l'esclavage moderne, en échange d'une voie d'accès aux côtes de l'Europe ou des États-Unis.
Mohamed Chebaro est un journaliste anglo-libanais, consultant en médias et formateur. Il a plus de vingt-cinq ans d’expérience dans la couverture de la guerre, du terrorisme, de la défense, de l’actualité et de la diplomatie.
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com