DUBAÏ : Salma Dib n’a que 24 ans, mais cette artiste palestinienne porte déjà en elle une histoire hors du commun.
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Installée aux Émirats arabes unis, la jeune artiste présente actuellement l’une de ses œuvres murales dans le cadre de l’exposition Été et Femmes à la galerie d’art moderne Etihad d’Abu Dhabi.
Avec ses « murs générationnels », Dib bouscule les codes de l’art contemporain. Sa démarche ? Audacieuse et singulière. L’artiste marie le brut et le raffiné, amalgamant ciment, gravier et sable sur des panneaux de bois. Ces supports rugueux s’ornent d’inscriptions arabes mystérieuses, créant un contraste saisissant. Le résultat est une œuvre qui interpelle, provoque et fascine. Un véritable choc visuel qui ne laisse aucun spectateur de marbre.
Ces créations aux tons gris, chargées politiquement, sont inspirées des graffitis des murs de Syrie, de Jordanie et de Palestine.
« Ces murs offrent un espace d’expression anonyme », explique Dib, soulignant la dimension contestataire de son travail. « Je crois y avoir trouvé une part de moi-même, moi qui ai toujours été réservée dans mes propos... Ce travail est en grande partie thérapeutique, il me permet enfin de m’exprimer librement. »
Née dans un camp de réfugiés syriens, le parcours de Dib l’a menée des Émirats arabes unis à Chicago, où elle a étudié l’art et exposé ses œuvres. Un chemin semé d'embûches.
« On dit souvent qu’on affronte ses plus grandes peurs dans la vie. Pour moi, ça a toujours été l'incertitude – familiale, nationale, administrative, scolaire. Cette question lancinante : ‘Où est ma maison ?’, que beaucoup d’entre nous connaissent bien », confie Dib à Arab News à Dubaï, sa résidence actuelle.
L’artiste est l’héritière d’une famille palestinienne déracinée, chassée de ses terres en 1948 par l’occupation israélienne. Son grand-père, alors enfant, a gagné la Syrie à pied, pour l’essentiel, avant de s’y établir.
« Cette douleur héritée nous a été transmise », témoigne-t-elle.
C’est dans l’univers précaire du camp de réfugiés de Khan al-Shih, à 27 kilomètres au sud de Damas, que Salma Dib a fait ses premiers pas. Au cœur d’une modeste ferme, la jeune Salma forge ses plus beaux souvenirs d’enfance. Son grand-père lui offre un refuge dans les arbres, cabane partagée avec ses cousins. Pendant ce temps, sa tante et son oncle, artistes dans l’âme, transforment un coin du camp en atelier bouillonnant de créativité.
« Enfants, nous nous amusions simplement avec la peinture dans leur atelier », se remémore Dib. « L’art était alors un jeu. À la ferme, nous peignions sur tous les meubles. »
À l’âge de cinq ans, Dib a suivi son père aux Émirats arabes unis, où une opportunité professionnelle l’attendait. La famille s'est d’abord installée à Abu Dhabi.
C’est à l’adolescence que Dib a commencé à prendre l’art au sérieux. À 15 ans, frappée par le deuil de sa mère, l’adolescente trouve dans l’art une échappatoire.
« C’était un exutoire, sans réflexion – juste de l’action. La création, c’est l’ossature de mon existence », explique-t-elle.
En 2018, désireuse de voler de ses propres ailes, Dib s’est envolée pour les États-Unis afin d’y étudier l'art. À l’École de l’Institut d’art de Chicago, elle a trouvé sa signature artistique. Elle s’essaie à l’art textile, façonne la céramique, apprivoise le néon. L’un de ses professeurs l’a exhortée à briser ses barrières intérieures. « Sans relâche, elle me poussait dans mes retranchements », se souvient Dib. « Ton histoire est un trésor. Laisse ton art en être le porte-voix », me répétait-elle.
L’exposition Été et Femmes se poursuit tout l’été et est ouverte quotidiennement à la galerie d’art moderne Etihad.
Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com