Israël a utilisé une bombe guidée américaine à lourde charge pour sa frappe de samedi contre deux chefs militaires du Hamas ayant fait selon le mouvement islamiste palestinien des dizaines de morts dans un camp de déplacés au sud de Gaza, estiment deux experts en armement.
Le mouvement islamiste palestinien a annoncé qu'il tenait Washington pour responsable "moralement et légalement" de ce raid.
Selon le ministère de la Santé du gouvernement du Hamas pour Gaza, 92 Palestiniens ont été tués dans ce bombardement israélien sur le camp d'al-Mawasi, près de Khan Younès (sud de la bande de Gaza), secteur déclaré "zone humanitaire" par Israël, et où les civils déplacés avaient été invités à se regrouper.
Israël dit avoir visé Mohammed Deif, le chef des Brigades Ezzedine al-Qassam, la branche armée du Hamas, et Rafa Salama, commandant de cette organisation à Khan Younès, présentés comme "deux cerveaux du massacre du 7 octobre", référence à l'attaque du mouvement islamiste déclenché la guerre.
Salama a été tué. Selon le Hamas, Mohammed Deif a réchappé au raid mais plusieurs dirigeants israéliens jugent fort vraisemblable qu'il ait été tué, sans en avoir encore de preuve formelle.
Des images vidéo de l'AFP prises au moment de l'attaque montrent un gigantesque champignon gris s'élevant au-dessus de bâtiments en arrière-plan d'un camp de tentes. Au point d'impact, un grand cratère était visible au sol.
Voici ce que l'on sait de l'armement utilisé lors de ces frappes.
- Bombe guidée
Se fondant sur un éclat de munition visible dans une vidéo circulant sur internet et vraisemblablement tournée sur les lieux de la frappe, deux experts ont affirmé à l'AFP qu'il s'agissait de l'aileron d'une bombe de précision américaine, guidée, et connue sous le nom JDAM (acronyme anglais pour munition interarmée d'attaque directe, selon la classification Otan). L'AFP n'avait pas encore été en mesure, mardi matin, d'authentifier ces vidéos de façon indépendante.
"A 100%, c'est un système JDAM", a notamment assuré Trevor Ball, ancien spécialiste en explosifs dans l'armée américaine, à propos de ces bombes fabriquées aux Etats-Unis. Selon cet expert indépendant, compte tenu du type de bombes compatibles avec le système de guidage ainsi que du fragment d'aileron visible, la charge utilisée était probablement de 1.000 à 2.000 livres (450 à 900 kilos).
Interrogée à propos des armes utilisées, l'armée israélienne a refusé de s'exprimer.
Mahmoud Abou Akar, interrogé par l'AFP sur place après le raid, avait parlé d'"un tir de drone" suivi de "trois missiles".
Les Etats-Unis avaient suspendu en mai la livraison d'une cargaison de bombes à destination d'Israël. Selon un haut responsable américain, Washington était particulièrement attentif aux bombes les plus lourdes, de 900 kilos, en raison de "l'impact qu'elles pourraient avoir dans des environnements urbains denses comme nous l'avons vu dans d'autres parties de Gaza".
- Impact sur les civils
Dans le cas du camp de déplacés d'al-Mawasi, la moitié des victimes étaient des femmes et des enfants, selon le ministère de la Santé de Gaza, qui évoque plus de 300 blessés.
Pour Wes Bryant, ancien sergent-chef de l'US Air Force et spécialiste des frappes aériennes, éviter les dommages collatéraux aurait été possible, alors qu'Israël assure avoir visé une "zone ouverte entourée d'arbres".
"Mon analyse, c'est que les civils tués dans ce raid étaient dans le camp, pas dans les environs", a affirmé à l'AFP ce consultant indépendant.
"Donc soit l'armée israélienne n'a pas réussi à évaluer la présence de civils, soit... elle a jugé que le risque pour les civils était proportionnel à l'avantage militaire que représente l'élimination de responsables du Hamas", dit-il.
- Les Etats-Unis "responsables"
"Nous tenons le gouvernement américain pour pleinement responsable, légalement et moralement, d'avoir fourni à l'occupation israélienne ces différents types d'armes", a écrit lundi le Hamas dans un communiqué.
Selon le mouvement islamiste, plus de "320 martyrs et blessés sont arrivés à l'hôpital en 48 heures, avec leurs corps brûlés en raison de l'usage (...) d'armes interdites", qui sont "majoritairement de fabrication américaine".
Dénonçant des "massacres" commis par Israël "contre des civils non armés" dans le territoire palestinien assiégé, un dirigeant du mouvement islamiste palestinien a annoncé dimanche que le Hamas suspendait sa participation aux négociations indirectes sur un cessez-le-feu.
La guerre a été déclenchée par l'attaque sans précédent menée le 7 octobre par le Hamas dans le sud d'Israël, qui a entraîné la mort de 1.195 personnes, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP établi à partir de données officielles israéliennes.
En riposte, Israël a juré de détruire le Hamas, au pouvoir depuis 2007 dans la bande de Gaza, et lancé une offensive qui a fait jusqu'à présent 38.664 morts, en majorité des civils, d'après des données du ministère de la Santé de Gaza.