Sous la présidence d'Emmanuel Macron, des crises à répétition

Le président français Emmanuel Macron et ses alliés ont entamé le 1er juillet 2024 une semaine de campagne intense en vue du second tour des élections législatives(Fournie)
Le président français Emmanuel Macron et ses alliés ont entamé le 1er juillet 2024 une semaine de campagne intense en vue du second tour des élections législatives(Fournie)
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Publié le Lundi 01 juillet 2024

Sous la présidence d'Emmanuel Macron, des crises à répétition

  • Début 2023, le projet impopulaire du camp présidentiel de repousser de deux ans à 64 ans l'âge légal de départ à la retraite suscite une mobilisation de plus de trois mois,
  • Le 9 juin 2024, le Rassemblement national ressort en tête des européennes avec 31% des voix. Dans la foulée, le chef de l'Etat dissout, à la surprise générale, l'Assemblée nationale, convoquant des législatives anticipées.

PARIS : Le pari perdu d'Emmanuel Macron de dissoudre l'Assemblée nationale, aboutissant à un score historique du RN qui pourrait entrer à Matignon après le 7 juillet, s'inscrit dans une longue série de crises depuis son arrivée au pouvoir en 2017.

Voici les plus marquantes.

- Les Gilets Jaunes -

Cette mobilisation anti-gouvernementale, née sur les réseaux sociaux initialement contre la hausse des taxes sur les carburants, mobilise 282.000 personnes le 17 novembre 2018 à travers le pays. Les manifestants  occupent des rond-points et bloquent des routes.

Le mouvement atteint son paroxysme le 1er décembre avec le saccage de l'Arc de Triomphe.

Après plusieurs samedis de violence, Emmanuel Macron cède à certaines revendications: il fait marche arrière sur la hausse des taxes sur les carburants, les tarifs de l'électricité et du gaz sont gelés, le Smic est revalorisé.

Le mouvement, qui décroît à partir du printemps 2019, est marqué par 11 morts, 23 éborgnés et quelque 2.500 blessés parmi les manifestants ainsi que 1.800 blessés chez les forces de l'ordre.

- "Guerre" contre le Covid-19 -

L'épidémie mondiale de coronavirus arrive en France début 2020, tuant cette année-là presque 70.000 personnes et faisant tourner le pays au ralenti.

Le 17 mars, Emmanuel Macron décrète la "guerre sanitaire" et un premier confinement, alors que l'hôpital croule sous les cas.

Face aux variants successifs, l'exécutif impose des restrictions dans la vie quotidienne, comme le port du masque ou le pass sanitaire.

- Bras de fer sur les retraites -

Début 2023, le projet impopulaire du camp présidentiel de repousser de deux ans à 64 ans l'âge légal de départ à la retraite suscite une mobilisation de plus de trois mois, avec des cortèges dépassant trois fois 1,2 million de personnes, selon la police.

Des raffineries, transports, et ports sont bloqués. La grève des éboueurs transforme les trottoirs parisiens en poubelles à ciel ouvert. Le roi Charles III repousse même sa première visite officielle en France.

Le 16 mars, la Premier ministre Elisabeth Borne actionne le 49.3 pour adopter, sans vote, la loi, validée par le Conseil constitutionnel malgré les recours de la gauche et les tentatives de motions de censure, devenues fréquentes dans une Assemblée nationale où le président ne dispose que d'une majorité relative depuis sa réélection en 2022.

- Emeutes après la mort de Nahel -

Le 27 juin, des violences urbaines éclatent dans le pays après la mort de Nahel, un jeune de 17 ans tué par un tir policier lors d'un contrôle routier à Nanterre (Hauts-de-Seine). Un acte qualifié d'"inexcusable" et "inexplicable" par le chef de l'Etat.

Les émeutes mobilisent 45.000 policiers cinq nuits successives, avec près de 4.000 interpellés. Emmanuel Macron annonce un projet de "loi d'urgence" pour accélérer la reconstruction dans les villes touchées par les destructions.

Le policier accusé de la mort de l'adolescent est mis en examen pour homicide volontaire et écroué, puis remis en liberté sous contrôle judiciaire.

- Défaite aux européennes et dissolution surprise -

Le 9 juin 2024, le Rassemblement national ressort en tête des européennes avec 31% des voix. Dans la foulée, le chef de l'Etat dissout, à la surprise générale, l'Assemblée nationale, convoquant des législatives anticipées.

Le RN et la coalition de gauche Nouveau Front populaire ambitionnent d'accéder à Matignon.

- Score historique du RN au 1er tour des législatives -

Trois semaines plus tard, le 30 juin, le RN et ses alliés remportent plus d'un tiers des suffrages tandis que le parti à la flamme engrange 39 députés dès le premier tour. Le camp présidentiel confirme sa déroute des européennes, en troisième position.

Gauche et macronie appellent à des désistements au second tour qui se mettent en place cahin-caha pour tenter d'empêcher que l'extrême droite dispose d'une majorité absolue au soir du 7 juillet.


Il n'est "pas question" de "gouverner demain avec LFI", lance Macron en Conseil des ministres (participants)

Le président français Emmanuel Macron passe en revue les troupes qui participeront au défilé du 14 juillet de la Bastille à Paris, le 2 juillet 2024. (Photo: AFP)
Le président français Emmanuel Macron passe en revue les troupes qui participeront au défilé du 14 juillet de la Bastille à Paris, le 2 juillet 2024. (Photo: AFP)
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  • "Se désister aujourd’hui pour des élus de gauche face au Rassemblement national ne signifie pas gouverner demain avec LFI", a déclaré le chef de l'Etat
  • "Se désister ce n’est pas se rallier, ce n’est pas se compromettre", a renchéri la porte-parole du gouvernement, Prisca Thevenot, à l'issue du Conseil des ministres

PARIS: Emmanuel Macron a martelé mercredi en Conseil des ministres qu'il n'était "pas question" de "gouverner" avec La France insoumise (LFI) au lendemain des législatives, malgré les désistements du camp présidentiel en faveur du Nouveau Front populaire (NFP) pour faire barrage au Rassemblement national.

"Se désister aujourd’hui pour des élus de gauche face au Rassemblement national ne signifie pas gouverner demain avec LFI", a déclaré le chef de l'Etat, selon plusieurs participants. "Il n’en est pas question", a-t-il ajouté.

Dans un message posté sur X, le Premier ministre Gabriel Attal a insisté en affirmant qu'"il n'y a pas et il n'y aura jamais d'alliance avec La France insoumise".

"Se désister ce n’est pas se rallier, ce n’est pas se compromettre", a renchéri la porte-parole du gouvernement, Prisca Thevenot, à l'issue du Conseil des ministres.

"Combattre le Rassemblement national aujourd'hui, ce n’est pas s’allier à la LFI demain", a-t-elle insisté, en pointant au passage de possibles fractures avec les autres forces du NFP (communistes, socialistes et écologistes) au lendemain du scrutin.

"Est-ce qu'on considère qu'aujourd'hui cette alliance électorale est déjà en train de s'effriter au sein de la gauche ? Je pense que oui", a-t-elle lancé. "On ne peut pas faire de la LFI l’alpha et l'omega de la gauche en France", a-t-elle ajouté.


Pour Thévenot, Le Pen "a une très mauvaise compréhension" du Conseil des ministres

La ministre déléguée au Renouveau démocratique et porte-parole du gouvernement, Prisca Thevenot, prononce un discours lors d'une conférence de presse après la réunion hebdomadaire du cabinet au palais présidentiel de l'Élysée à Paris, le 3 juillet 2024. (Photo: AFP)
La ministre déléguée au Renouveau démocratique et porte-parole du gouvernement, Prisca Thevenot, prononce un discours lors d'une conférence de presse après la réunion hebdomadaire du cabinet au palais présidentiel de l'Élysée à Paris, le 3 juillet 2024. (Photo: AFP)
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  • Marine Le Pen a "une très mauvaise compréhension de ce qui se passe en Conseil des ministres", a ironisé mercredi la porte-parole du gouvernement Prisca Thevenot
  • "Elle connaît très peu la Constitution et le fonctionnement de nos institutions, elle connaît aussi très peu les personnes avec qui elle voudra siéger demain à l'Assemblée nationale", a-t-elle ajouté

PARIS: Marine Le Pen, qui avait accusé mardi Emmanuel Macron de préparer "un coup d'Etat administratif" par une série de nominations, a "une très mauvaise compréhension de ce qui se passe en Conseil des ministres", a ironisé mercredi la porte-parole du gouvernement Prisca Thevenot.

"Qu'il y ait des nominations pendant le Conseil des ministres, ce n'est pas nouveau. Visiblement, elle (Marine Le Pen) s'en inquiète aujourd'hui, mais ça se passe sur chaque conseil des ministres et ça se passe aussi précisément à la veille de la période estivale pour préparer la rentrée", a déclaré Mme Thevenot à l'issue du Conseil.

"On savait que Marine Le Pen mentait, on sait maintenant qu'elle manipule l’information", a-t-elle critiqué.

Selon Mme Thevenot, qui a cité celles d'un directeur de la police et d'un préfet, "il y a eu moins d'une dizaine" de nominations au conseil des ministres ce mercredi et "rien de spécifique". Elles seront "publiques comme à chaque fois", a-t-elle souligné.

Marine Le Pen "a une très mauvaise compréhension de ce qui se passe en Conseil des ministres. Mais on ne le découvre pas", a-t-elle jugé.

"Elle connaît très peu la Constitution et le fonctionnement de nos institutions, elle connaît aussi très peu les personnes avec qui elle voudra siéger demain à l'Assemblée nationale, puisque chaque jour arrive une monstruosité sur le profil de ses candidats", a-t-elle conclu.


Législatives en France : le Sénat se prépare au grand bouleversement

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Très influent ces dernières années malgré des prérogatives limitées, le Sénat français se prépare à servir de "stabilisateur des institutions" après les élections législatives, voire de "rempart" face au parti d'extrême droite Rassemblement national, arrivé en tête du premier tour.

Dans le décor fastueux du Palais du Luxembourg, la chambre haute du parlement bicaméral français vit au ralenti depuis le 9 juin. La dissolution de l'Assemblée nationale annoncée dans la foulée des élections européennes a entraîné l'ajournement de la quasi-totalité des travaux du Sénat, une coutume républicaine.

Les 348 sénateurs sont sans crainte pour leur mandat, au contraire des députés, puisque le Sénat ne se dissout pas. Ils se tiennent prêts à reprendre leur mission au sein d'un Parlement totalement recomposé, avec une progression historique probable du Rassemblement national (RN) à l'Assemblée nationale.

"Quel que soit le scénario qui sortira le 7 juillet", date du second tour des législatives, "le Sénat aura un rôle majeur : plus que jamais nous aurons besoin de cette deuxième chambre, de ce balancier stabilisateur des institutions", a récemment prévenu Gérard Larcher.

Chef d'une alliance majoritaire de la droite et du centre à la Haute assemblée, le ténor des Républicains (droite) a défendu depuis 2017 un rôle de "contre-pouvoir" face au président Emmanuel Macron, avec de retentissantes missions de contrôle, par exemple sur le recours abusif aux cabinets de conseil par les ministères.

 

- Verrou constitutionnel -

 

La marge de manœuvre du Sénat est limitée : le gouvernement peut donner le dernier mot à l'Assemblée nationale sur ses projets de loi, après au moins deux lectures successives dans les deux chambres. Mais, exception de taille, la chambre haute ne peut être contournée pour les réformes constitutionnelles.

Le RN, qui base une large partie de son programme sur une modification du texte suprême, sur l'immigration notamment, pourrait ainsi être freiné en cas d'arrivée au pouvoir, même avec une majorité absolue à l'Assemblée nationale.

"Nous détenons le verrou constitutionnel et je peux vous assurer que le serrurier n'a nulle envie de donner la combinaison de ce verrou face à la folie des extrêmes", lance Gérard Larcher, qui s'oppose avec la même force au RN et à La France insoumise (gauche radicale), tous deux quasiment absents à la chambre haute (le RN compte trois sénateurs, LFI aucun).

"La stabilité, qui a été la marque de fabrique du Sénat, doit être absolument préservée dans la période de grande turbulence qui nous attend", affirme aussi le chef des sénateurs socialistes Patrick Kanner à l'AFP, en promettant "un bicamérisme qui fonctionnera à plein régime".

La centaine de sénateurs de gauche compte se faire entendre, surtout dans l'hypothèse d'une majorité du RN qui s'étendrait à une partie de la droite républicaine.

 

- "Eriger un rempart" -

 

Car si le groupe LR (Les Républicains) du Sénat a voté unanimement contre un accord avec le RN, une petite poignée de ses sénateurs, interrogés après la dissolution, n'étaient pas farouchement opposés à l'hypothèse d'un accord de gouvernement avec le parti à la flamme.

Sans doute encore trop peu pour constituer un nouveau groupe, mais "ce sera l'épreuve de vérité", reconnaît M. Kanner.

Dans un courrier à Gérard Larcher, les trois présidents de groupe de gauche ont affiché mardi leur volonté de voir le Sénat comme "l'un des remparts les plus solides au recul de (l') État de droit" français.

"Vous serez de ceux qui auront érigé un rempart contre l'extrême droite, ou bien de ceux qui lui auront facilité l'accès vers le pouvoir", lui ont-ils écrit, en l'appelant à "s'engager clairement pour faire obstacle systématiquement à une victoire du RN".

Preuve de son importance, M. Larcher, très offensif envers le président Macron ces derniers jours, a été reçu par ce dernier mardi, une rencontre purement "institutionnelle" et non "politique", a-t-on assuré dans son entourage.

Comme pour balayer l'hypothèse d'une alliance possible dans un potentiel "gouvernement d'union nationale" après le second tour ? Le nom de Gérard Larcher était déjà revenu avec insistance comme un recours éventuel au poste de Premier ministre, avant les européennes, une option finalement rejetée par l'intéressé, défenseur d'une ligne "indépendante" et "sans compromission" pour Les Républicains.