La question des désistements aux législatives va rythmer les premières heures de la campagne du second tour, mais leur traduction dans les urnes reste incertaine tant "le Front républicain tel qu'on le définissait encore en 2022 est largement mort", estime Céline Bracq, directrice générale de l'institut Odoxa.
- L'appel au "Front républicain" anti-RN a-t-il encore un impact ?
"Le Front républicain tel qu'on le définissait encore en 2022 est largement mort. A l'époque certains étaient choqués par les propos de Mélenchon qui disaient +pas une voix pour le RN+ sans appeler à voter clairement pour Emmanuel Macron. Aujourd'hui, le plus clair de chez Ensemble et Gabriel Attal disent la même chose. Pas une voix pour le RN".
"Mais attention quand on regarde ce que nous disaient la semaine dernière les sympathisants de gauche dans leur report de voix, même leur choix n'était pas si établi que ça. 50% disaient vouloir voter pour le centre, 10% pour le RN, et 40% disaient vouloir s'abstenir. Ils disaient leur manque de motivation pour aller se déplacer et voter pour les candidats soutenant Emmanuel Macron. Et ce alors qu'ils sont les plus motivés à faire battre le Rassemblement national. Et c’est là que sera le vrai enjeu".
- Le RN a-t-il encore des réserves de voix ?
"Ils ont moins besoin de réserves de voix mais oui ils en ont, au sein des sympathisants de droite LR. Encore plus lorsqu'ils sont face à un candidat de gauche. Dans ces conditions, ce qui ressortait la semaine dernière est que deux fois plus de sympathisants LR votent pour le Rassemblement national plutôt que pour la gauche".
"Ca veut dire aussi qu'ils peuvent jouer un vrai rôle dans la majorité relative ou absolue du RN. Dans un duel RN-Ensemble le sympathisant LR vote encore largement plus pour Ensemble, à 60%, contre 20% pour le RN et 20% d'abstention. Surtout quand les candidats Renaissance sont issus de la droite".
La gauche a-t-elle encore des marges de manoeuvre ?
"Ce que peut espérer la gauche c'est de faire en sorte d'empêcher le RN d'obtenir une majorité absolue. C'est ça l'enjeu. Maintenant, et même si le Front républicain est très largement mort dans son esprit, il y a quand même des leaders à gauche qui appellent très clairement au désistement. Et ça complique nettement les choses pour le RN qui en cas de duel voit l'équation se resserrer. Il reste un suspense dans cet entre-deux tours. Ça va être très intéressant d'observer ce qui va se passer d'ici mardi (18H00, date limite pour les désistements, NDLR), et la position qu'aura le camp présidentiel, premier arbitre de ce scrutin".
"Les candidats suivent en général les consignes du parti mais quand les consignes sont aussi floues ça laisse quand même une marge de manoeuvre.
A charge pour chaque candidat de décider s'il a en face de lui un candidat "républicain ou pas". La majorité actuelle aurait intérêt à clarifier sa position, ne serait-ce que pour garder la confiance de leur électorat et capitaliser sur des électeurs qui pourraient un jour leur refaire confiance à l'avenir. Il y a énormément d’incertitude dans l’esprit des Français, ils attendent des attitudes qui les aident à trancher de la part des dirigeants politiques. Il faudrait qu’ils établissent des règles du jeu un peu plus claires.