FRANCFORT: Le numéro deux du gouvernement allemand, Robert Habeck, arrive vendredi à Pékin pour un voyage de la dernière chance dans l'épineux dossier des surtaxes européennes sur les véhicules électriques chinois. Son objectif : éviter une guerre commerciale avec cet important partenaire.
Sans compromis d'ici le 4 juillet, la Commission européenne imposera jusqu'à 28% de hausse des droits de douane sur les importations de véhicules électriques chinois, reprochant à Pékin d'avoir faussé la concurrence en subventionnant massivement ce secteur. Ces tarifs deviendraient définitifs à partir de novembre.
"Ce qui est décisif maintenant, c'est qu'on se parle", avait plaidé le vice-chancelier Robert Habeck après l'annonce de Bruxelles, jugeant que les droits de douane ne sont jamais "que l'ultima ratio et souvent la pire des solutions".
En Chine, le ministre allemand qui occupe le portefeuille de l'Economie et du Climat, s'entretiendra notamment avec ses homologues en charge de l'Industrie et du Commerce.
Même si Robert Habeck "ne parle pas et ne négocie pas au nom de la Commission européenne", comme le rappelle son ministère, cette dernière aura besoin du soutien de la première économie européenne pour avancer dans ce dossier.
Les constructeurs automobiles allemands craignent un conflit commercial majeur avec Pékin qui plomberait leur activité sur ce marché crucial. Pour Mercedes, Volkswagen ou BMW, la Chine représente jusqu'à 36% des volumes de ventes.
Chances limitées
La Chine est restée en 2023 le premier partenaire commercial de l'Allemagne pour la huitième année consécutive, devançant de peu les Etats-Unis.
"M. Habeck espère probablement trouver un accord, ou au moins parvenir à que la Chine ne prenne pas de mesures de rétorsions", explique à l'AFP Jacob Gunter, analyste de l'institut MERICS, un centre de réflexion dédié à la Chine.
Du côté de Pékin, "l'objectif sera d'amener l'Allemagne à jouer un rôle plus important dans l'élimination, ou du moins l'atténuation" des droits de douane européens sur les véhicules électriques, ajoute-t-il.
Il juge très limitées les chances du ministre d'obtenir une baisse des subventions chinoises sur les véhicules électriques.
Convaincre la Chine "de limiter les représailles" serait déjà un résultat honorable, observe M. Gunter.
Pékin a annoncé lundi avoir lancé une enquête antidumping sur les importations de porc et de produits à base de porc en provenance de l'Union européenne, menaçant les exportations espagnoles.
Mais la Chine a parallèlement intérêt à éviter l'escalade avec l'UE au moment où d'autres pays, comme les Etats-Unis, l'Inde, le Brésil, cherchent aussi à protéger leurs économies des importations chinoises, soulignent les experts.
Craintes exagérées
Autre difficulté à gérer pour le ministre de l'Economie : les nombreuses entreprises allemandes présentes en Chine ne sont pas unies sur le discours à tenir vis à vis de Pékin.
Ainsi du côté de la construction mécanique, particulièrement touchée par la concurrence chinoise, on prône une ligne dure : "les subventions injustes des entreprises chinoises par l'Etat doivent cesser", affirme la fédération du secteur (VDMA), demandant à Robert Habeck d'aborder clairement le thème des surcapacités chinoises et "des distorsions de marché qu'elles créent" en Europe.
Preuve que le ministre n'entend pas se faire uniquement le porte-voix des grands constructeurs automobiles, la délégation économique qui l'accompagne ne comprend aucun d'entre eux. A la différence du voyage du chancelier Olaf Scholz à Pékin en avril.
Robert Habeck est aussi issu d'un parti, les Verts, plus critique à l'égard de la Chine que les sociaux-démocrates du chancelier Olaf Scholz.
Les craintes des géants automobiles allemands d'être durement frappés par d'éventuelles représailles chinoises sont d'ailleurs exagérées, juge Jacob Gunter : une augmentation des droits de douanes chinois n'aurait, selon lui, pas d'impact "significatif" car ils exportent surtout en Chine leurs modèles les plus chers, et donc moins sensibles aux hausses de prix.
En revanche, ils subissent en Europe, comme les autres fabricants du Vieux continent, la concurrence des voitures chinoises, moins chères. Les importations de véhicules électriques chinois en Allemagne ont ainsi été multipliées par dix en seulement trois ans, entre 2020 et 2023, d'après l'office national des statistiques.