TYR: Sur la plage de Tyr, dans le sud du Liban, Oum Hassan regarde son petit-fils jouer tranquillement dans le sable, espérant qu'il oubliera pendant quelques heures la guerre toute proche avec Israël qui le terrifie.
"Les enfants ont peur", explique à l'AFP cette femme originaire de Srifa, un village situé à environ 14 kilomètres de la frontière et qui a déjà été bombardé par Israël.
Depuis le début il y a plus de huit mois de la guerre entre Israël et le Hamas dans la bande de Gaza, le sud du Liban vit au rythme des échanges de tirs entre le Hezbollah libanais et l'armée israélienne.
Oum Hassan raconte que son petit-fils, âgé d'un an, a éclaté en sanglots, avant de se mettre à rire puis à pleurer à nouveau, quand un avion israélien a franchi le mur du son au-dessus du village il y a quelques jours.
"J'ai appelé le médecin, qui m'a dit que c'était une crise d'hystérie", ajoute la grand-mère. "On l'emmène au bord de la rivière et à la mer pour qu'il puisse oublier".
A ses côtés, la mère de l'enfant, Fatima, se baigne tout habillée, la tête recouverte d'un foulard.
Plus loin, des femmes bronzent en bikini, alors que le bruit sourd des bombardements se fait entendre.
Tyr est située à une vingtaine de kilomètres de la frontière, et des frappes israéliennes ont déjà visé la cité portuaire millénaire et ses environs.
Ne pas « devenir fou »
Sur le littoral aux eaux turquoises, des centaines de baigneurs tentent d'oublier les nouvelles anxiogènes le temps d'un week-end.
Tenant une bière d'une main et fumant la chicha de l'autre, Abbas Oueidat profite du soleil, aux côtés de sa femme, Aya.
"On n'a jamais pensé à aller ailleurs. Ici, je me sens détendu", déclare cet employé de 34 ans, qui dit vouloir se distraire pour ne pas "devenir fou".
Les habitants du sud "ont peur ou attendent que la grande bataille ait lieu. Même au travail, tout le monde est convaincu que la guerre arrive", ajoute-t-il.
Abbas Oueidat dit que les avions israéliens franchissent régulièrement le mur du son au-dessus de son village de Aazzé, à une trentaine de kilomètres de la frontière.
Ces survols à grande vitesse font trembler les bâtiments et brisent parfois les vitres, selon lui.
Mais si Israël frappe, "notre peuple frappera. On a le Hezbollah ici", soutient-il fièrement.
Le sud du pays est la chasse gardée de la puissante formation pro-iranienne, qui a ouvert les hostilités contre Israël pour soutenir son allié palestinien, le Hamas, dans la guerre à Gaza.
Les baigneurs affluent chaque été des différentes régions du Liban vers les plages publiques de Tyr, où l'alcool est toléré.
Mais cette année, la guerre jette une ombre sur la saison estivale, surtout avec les récentes menaces du Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, selon lequel Israël est "préparé à une opération très intense" à sa frontière nord.
Le Hezbollah a déclaré qu'il ne cesserait ses attaques contre Israël que si un cessez-le-feu était conclu dans la bande de Gaza.
Huit mois de violences ont fait plus de 460 morts au Liban, dont environ 90 civils et près de 300 combattants du Hezbollah, selon un décompte de l'AFP.
Du côté israélien, au moins 15 soldats et 11 civils ont été tués, selon les autorités.
Sous son parasol, Wael El Hajj, 42 ans, dit être venu depuis sa région de Koura, à environ 125 kilomètres plus au nord, pour rejoindre des amis du sud.
"Il n'y a aucune raison d'avoir peur", assure cet homme qui vit en Arabie Saoudite.
"Laissez-les (Israël) avoir peur, pendant que nous buvons de la bière", dit-il crânement.
Il est revenu au Liban pour les vacances, comme d'autres expatriés libanais, source de revenus cruciale pour le secteur du tourisme.
Nasser Mohsen, propriétaire d'un restaurant côtier, se dit agréablement surpris par le taux de fréquentation cette année.
"Nous n'avons pas été très affectés", dit-il. "Malgré la situation, les gens n'ont d'autre échappatoire que cette plage. Cela fait huit mois. On s'est habitué."