FRANCFORT: La Banque centrale européenne a baissé vendredi ses taux directeurs pour la première fois depuis 2019, offrant un bol d'air aux ménages et aux entreprises, mais a aussi prévenu que la suite serait incertaine en raison de la volatilité de l'inflation.
Servant de référence en zone euro, le taux sur les dépôts de 4% — son plus haut niveau atteint en septembre dernier — a été ramené à 3,75%, a indiqué l'institut monétaire à l'issue d'une réunion de son instance de décision.
La dernière baisse des taux de la BCE remonte à presque cinq ans, en septembre 2019, dans un contexte alors très différent de taux négatifs et d'inflation très basse.
La zone euro a connu depuis un pic d'inflation à l'automne 2022, dans le sillage de la guerre russe en Ukraine et des pénuries de biens post-crise du Covid-19, obligeant la BCE à un relèvement des taux sans précédent lancé en juillet 2022.
Après une pause sur les taux depuis neuf mois pendant laquelle l'inflation s'est ralentie de plus de 2,5 points de pourcentage, pour afficher 2,6% en mai, le conseil des gouverneurs a jugé "opportun" de faire un geste d'apaisement sur le loyer de l'argent, selon son communiqué.
Une décision prise "à l'unanimité moins une voix", a précisé sa présidente Christine Lagarde devant la presse.
Pour autant, la vitesse et la durée des futures baisses des taux sont encore "très incertaines", a ajouté la banquière centrale.
Obstacles sur la route
L'institut reste déterminé à voir le retour au plus tôt de l'inflation au niveau de son objectif de 2 % à moyen terme, mais il y a "des obstacles sur la route qui peuvent surprendre" et "dont nous ne sommes pas totalement sûrs de [l']ampleur", a-t-elle expliqué.
Aussi, la BCE ne "s'engage pas à l’avance sur une trajectoire de taux particulière", a-t-elle prévenu, douchant les espoirs d'une série garantie de baisses de taux dans les mois à venir.
Si un mouvement pour alléger le loyer de l'argent a été engagé "avec une forte probabilité" jeudi, la suite "dépendra des données" disponibles réunions par réunion, a martelé Mme Lagarde.
"Nous avons encore du chemin à parcourir" avant d'arriver à un taux dit "neutre", celui qui ne pénalise ni ne soutient l'activité, a-t-elle affirmé.
"Nous ne prévoyons pas de baisse agressive des taux d'intérêt dans les mois à venir, car l'inflation n'est pas encore surmontée", a commenté la DZ Bank.
Prévision d'inflation relevée
La BCE voit encore l'inflation "rester supérieure à l'objectif" de 2% et ce, "pendant une grande partie de l’année prochaine", selon le communiqué expliquant ses décisions.
En cause, les tensions sur les prix d'origine interne qui restent fortes, surtout dans les services, en raison de la croissance élevée des salaires.
L'institut a donc revu à la hausse ses prévisions d'inflation par rapport à celle de mars, voyant l'agrégat en moyenne à 2,5% en 2024 et 2,2% en 2025, enfin 1,9% en 2026.
L'impact le plus visible de cette première baisse des taux devrait concerner le marché de l’immobilier, où les emprunteurs, surtout ceux à taux variable, avaient été pris à la gorge par la remontée brutale des taux.
Cela pourrait "alléger le marasme du marché immobilier, dont la reprise peut soutenir quelque peu la croissance", note Eric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of Management.
Les entreprises pourraient aussi en profiter en obtenant des crédits à des conditions plus favorables pour leurs investissements. En revanche, les épargnants vont voir leur rendement reculer.
En matière de baisse des taux, l'institut de Francfort a brûlé jeudi la politesse pour la première fois de son histoire à la Réserve fédérale américaine (Fed).
Cette dernière, qui se réunit dans une semaine, va devoir patienter pour assouplir sa politique en raison de tensions inflationnistes liées au dynamisme de l'économie américaine.
La BCE, en abaissant ses taux, pourrait aussi faire chuter l'euro, favorisant les exportations. Mais cela renchérirait alors aussi les importations, conduisant à de nouveau alimenter l'inflation.