PARIS: Les députés français ont définitivement adopté mercredi une loi pour renforcer l'arsenal législatif contre les ingérences étrangères, à un moment de tensions croissantes sur fond de guerres en Ukraine et à Gaza.
A quatre jours des européennes du 9 juin, la proposition de loi Renaissance (majorité présidentielle) a été adoptée par un dernier vote large de l'Assemblée nationale, avec 138 voix pour et 10 contre.
La proposition de loi entend notamment créer un registre national de l'influence, une procédure de gel des avoirs financiers, et renforcer à titre expérimental cette lutte par une surveillance algorithmique aujourd'hui réservée à l'antiterrorisme.
"L'adoption de ce texte offre des armes efficaces à nos services de renseignement pour y faire face", a salué dans un communiqué le député Sacha Houlié.
"Il est crucial de renforcer notre arsenal", a soutenu le ministre délégué au Commerce extérieur Franck Riester, évoquant une "démocratie attaquée de l'intérieur comme de l'extérieur".
Plusieurs affaires récentes ont fait grand bruit en France sur fond de soupçons de manipulation étrangère, comme les étoiles de David taguées sur des murs en région parisienne, les mains rouges peintes sur le mémorial de la Shoah à Paris, et les "faux cercueils" déposés sous la Tour Eiffel. Moscou est soupçonné d'être derrière ces actes de déstabilisation.
La proposition de loi a reçu le soutien de la droite et du Rassemblement national (extrême droite), même si le député RN Kévin Pfeffer a dénoncé une "petite loi (...) très loin des enjeux".
La gauche s'est en revanche divisée. Si les socialistes ont soutenu le texte, le seul député du groupe écologiste ayant voté s'est abstenu. Députés communistes et insoumis (LFI, gauche radicale) ont voté contre.
Arrestation d'un Russo-ukrainien, soupçonné d'avoir projeté une action violente
Un Russo-ukrainien de 26 ans soupçonné d'avoir projeté une action violente en France a été arrêté et est interrogé par la police française, après s'être blessé avec un engin explosif.
L'homme, qui possède les passeports russe et ukrainien, a été placé en garde à vue lundi soir, a précisé une source proche du dossier à l'AFP.
Il avait d'abord, dans la même soirée, été pris en charge par les sapeurs-pompiers car il présentait "des brûlures importantes à la suite d'une explosion", a expliqué le parquet national antiterroriste (Pnat).
Arrivé "récemment" en France d'après une source proche de l'enquête, il avait une chambre d'hôtel à son nom à Roissy-en-France (nord de la région parisienne), ville où se situe l'aéroport international Roissy-Charles de Gaulle, selon deux sources proches du dossier.
Dans cette chambre, les enquêteurs ont retrouvé "des produits et des matériels destinés à la fabrication d'engins explosifs", a ajouté le Pnat. "Un de ces dispositifs avait explosé".
Mardi, le parquet antiterroriste s'est saisi des faits et a ouvert une enquête sur des soupçons de projet d'action violente.
Plus précisément, le Pnat a retenu les chefs de participation à une association de malfaiteurs terroriste criminelle, ainsi que de détention d'explosifs ou de substances destinés à composer un explosif, en relation avec une entreprise terroriste.
Les premiers éléments de l'enquête ont motivé cette saisine. "Originaire du Donbass", le suspect semble porter un "engagement pro-russe", après avoir "combattu pendant deux ans au sein de l'armée russe", a indiqué la source proche de l'enquête à l'AFP.
Aucune des sources interrogées n'étaient en mesure, à ce stade, de préciser si le suspect est accusé d'avoir agi seul ou s'il est soupçonné d'avoir des complices.
Fin mai, avant cette arrestation, le ministère de l'Intérieur avait fait état de 50 tentatives d'attentats déjouées par les services de renseignement français depuis 2017.
Algorithmes
Ce texte "n'est pas seulement vide et inefficace, il est dangereux. Il prend prétexte de la lutte contre les ingérences étrangères pour réduire encore l'espace des libertés publiques", a tancé Aurélien Saintoul (LFI) défendant en vain une motion de rejet.
Dans son viseur: l'élargissement aux cas d'ingérences étrangères, à titre expérimental et pour quatre ans, d'un dispositif de surveillance algorithmique lancé en 2015, destiné à repérer des données de connexions sur internet.
Il était jusque-là restreint au terrorisme, mais les auteurs du texte espèrent qu'il donnera des résultats plus probants contre les ingérences.
Des opposants à la mesure s'inquiètent du périmètre fixé dans la loi, estimant qu'il permettra d'utiliser ces algorithmes au-delà de ce domaine.
La proposition de loi entend également obliger des représentants d'intérêts étrangers qui font du lobbying en France, notamment auprès d'élus, de s'inscrire sur un registre national, avec un régime de sanctions. Il entrerait en vigueur le 1er juillet 2025.
Seront concernées "les personnes physiques ou morales" qui tenteraient d'"influer sur la décision publique" ou les politiques publiques françaises, en entrant par exemple en contact avec des candidats aux élections présidentielle, législatives, sénatoriales et européennes, des parlementaires, des ministres, certains élus locaux ou encore d'anciens présidents de la République.
Une partie de la gauche avait appelé à davantage de garde-fous, s'inquiétant de conséquences pour certains journalistes, partis étrangers d'opposition ou ONG.
Les entités étrangères considérées comme commanditaires potentiels seraient des entreprises contrôlées par des Etats, des partis politiques hors UE ou les puissances étrangères elles-mêmes, toujours extérieures à l'Union européenne.
Le texte prévoit également un gel des avoirs financiers de personnes, entreprises ou entités se livrant à des activités d'ingérence.
Le texte instaure aussi une circonstance aggravante pour les crimes et délits commis dans l'intérêt d'une puissance, entreprise ou organisation étrangère et autorise le recours aux techniques spéciales d'enquête (écoutes, localisation, etc...) dans les procédures judiciaires.