PARIS: Treize ans après sa création à la suite de la résolution 1757 du Conseil de sécurité des Nations-Unies, le Tribunal Spécial pour le Liban donnera son verdict cette semaine à la Haye. Premier tribunal à caractère international chargé de rendre justice aux victimes de crimes de terrorisme, le TSL, organisation judiciaire indépendante composée de juges libanais et internationaux, a pour mission principale de poursuivre en justice les personnes accusées d’avoir perpétré à Beyrouth l’attentat du 14 février 2005 contre l’ancien Premier ministre Rafic Hariri, causant la mort de celui-ci et de 22 autres personnes, ainsi que de nombreux blessés. La résolution 1757 du Conseil de sécurité avait été formée à l’initiative de la France et de Jacques Chirac, son président de l’époque, ainsi que des États-Unis.
Cinq membres du Hezbollah, parti libanais pro-iranien, sont accusés de cet attentat : Salim Jamil Ayyash, Hassan Habib Merhi, Hussein Hassan Oneissi et Assad Hassan Sabra, en fuite, seront jugés in absentia. Le cinquième, Mustafa Amine Badreddine, annoncé décédé, a été assassiné en 2016. Le procès s’est ouvert le 16 janvier 2014. Les accusés, actuellement jugés par défaut, sont toujours sous le coup d’un mandat d’arrêt.
Le verdict attendu nous ramène au déroulement des évènements qui ont précédé l’attentat contre Rafic Hariri et dont se souviennent vivement tous les témoins de cette période. En Octobre 2004, tout commence par un attentat manqué contre Marwan Hamadé, député druze proche de Hariri et soupçonné à tort par le président Bachar el-Assad et ses alliés du Hezbollah d’être l’auteur de la résolution 1559 du Conseil de sécurité qui se préparait aux Nations-Unies, et dont les Syriens avaient eu vent. Cette résolution doit imposer le retrait des Forces armées syriennes positionnées au Liban, ainsi que la dissolution de toutes les milices et l’organisation d’élections présidentielles libres. Auparavant, l’été 2004, Bachar el-Assad avait convoqué Rafic Hariri à Damas et employant des mots très durs, l’avait entre autres menacé de « démolir le Liban sur sa tête », sans épargner son ami le président Chirac, s’il n’appuyait pas la reconduction du mandat du président pro-syrien Émile Lahoud. Le parlement libanais, sous la pression de la Syrie, devait voter à cet égard un changement de la Constitution libanaise autorisant le renouvellement du mandat présidentiel pour trois ans. A la suite de cet entretien houleux avec Assad, Hariri s’était réuni avec ses amis politiques libanais, parmi lesquels le leader druze Walid Joumblatt, et leur avait confié qu’il avait été menacé par Assad et qu’en conséquence il voterait pour le renouvellement de Lahoud. Hariri s’est confié par la suite à son ami Jacques Chirac qui s’est aussitôt activé pour faire voter la résolution 1559 du Conseil de sécurité appuyant des élections présidentielles libres et justes au Liban, en plus d’exiger le retrait de toutes les forces étrangères du pays et la dissolution de toutes les milices étrangères ou locales sur le sol libanais. C’est en vertu de cette résolution, présentée par la France et les États-Unis et votée le 2 septembre 2004, que les forces syriennes ont quitté le Liban après l’assassinat de Hariri en 2005.
Depuis cet attentat, l’emprise du Hezbollah et de l’Iran s’est dramatiquement renforcée sur la scène politique libanaise. Des assassinats en série succèderont à celui de Rafic Hariri et Bassel Fleihan, tous ciblant des journalistes et hommes politiques militants de l’indépendance et de la liberté. Parmi les victimes de cet acharnement citons Gebran Tuéni, Samir Cassir, Georges Haoui, Pierre Amine Gemayel, Mohammed Chatah et beaucoup d’autres qui aspiraient à un pays libre de la pression syrienne et de l’emprise du Hezbollah pro-iranien.
Le verdict du tribunal spécial pour le Liban intervient dans un contexte où les quatre accusés sont membres du Hezbollah. Source du malheur qui s’abat sur le Liban, le parti pro-iranien accapare les décisions de guerre et de paix et contrôle le gouvernement ainsi qu’une classe politique incapable et corrompue. Le verdict du tribunal aura malgré tout le mérite de montrer au monde que ce parti qui agit pour le compte des régimes syrien et iranien a préparé son hégémonie par des assassinats de personnalités libanaises avant de soutenir les crimes de Bachar el-Assad contre son propre peuple et de prendre part activement aux tentatives de déstabilisation de la région du Golfe.