MALMÖ, Suède : La finale du concours de l'Eurovision de la chanson se dispute samedi à Malmö, en Suède, dans un contexte de tension avivé par la participation de la candidate israélienne, en pleine guerre à Gaza.
Des renforts de police sont venus de tout le pays scandinave mais aussi du Danemark et de Norvège pour assurer la sécurité de l'événement, pour lequel près de 100.000 fans venant de 90 pays sont attendus.
La police estime que jusqu'à 20.000 personnes pourraient manifester dans la journée contre la participation israélienne, dans cette ville du sud de la Suède qui compte la plus importante communauté d'origine palestinienne du pays.
Le jeune chanteuse israélienne, Eden Golan, 20 ans, a décroché jeudi soir son ticket pour la finale avec la chanson «Hurricane», dont la version initiale avait dû être modifiée car considérée comme faisant allusion à l'attaque du Hamas qui a ensanglanté Israël le 7 octobre.
Vingt-six pays au total s'affronteront samedi pour succéder à la Suède comme lauréate de cette compétition qui avait été suivie en 2023 par 162 millions de téléspectateurs.
- Appels au boycott -
L'Union européenne de radio-télévision (UER), qui chapeaute ce rendez-vous pailleté de la musique, avait confirmé en mars la participation d'Eden Golan malgré les critiques.
Plus récemment, neuf des participants, dont sept sont en finale, ont appelé à un cessez-le-feu durable à Gaza, où Israël multiplie les frappes.
Israël participe depuis 1973 à l'Eurovision, qu'il a remporté pour la quatrième fois en 2018. «C'est vraiment un honneur d'être ici (...) de nous présenter avec fierté», s'est réjouie jeudi la candidate israélienne qui figurait samedi matin en deuxième place des favoris derrière la Croatie.
Avant la demi-finale, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu avait jugé qu'Eden Golan avait «déjà gagné», la saluant dans un message vidéo pour avoir affronté «avec succès une horrible vague d'antisémitisme».
Vendredi, le parti d'extrême gauche espagnol Sumar - dont la dirigeante Yolanda Diaz est numéro trois du gouvernement - a lancé une pétition pour demander l'exclusion d'Israël de la finale «au moment où ses troupes exterminent le peuple palestinien et détruisent toute la région».
Berlin a répliqué en jugeant que «les appels au boycott contre la participation d'artistes israéliens» étaient «totalement inacceptables», Paris soulignant pour sa part que «la politique n'a pas sa place à l'Eurovision».
- Neutralité -
Mais la neutralité revendiquée par l'UER est bousculée comme jamais.
Mardi, le chanteur suédois Eric Saade était apparu le bras ceint d'un keffieh palestinien. Et vendredi, le représentant des Pays-Bas, Joost Klein, qui avait marqué son désaccord jeudi soir d'être placé à côté de la candidate israélienne, a été privé de répétition générale.
Les syndicats de la chaîne de télévision publique flamande VRT ont brièvement interrompu la retransmission jeudi soir pour diffuser un message condamnant des «violations des droits de l'homme par l'Etat d'Israël».
Un geste regretté par l'UER, qui avait interdit au président ukrainien Volodymyr Zelensky de s'exprimer lors du concours l'an dernier, au nom de la neutralité politique.
Cette année, le conflit en Ukraine a été éclipsé par la guerre à Gaza, déclenchée par l'attaque du mouvement islamiste palestinien, qui a fait plus de 1.170 morts, selon un bilan de l'AFP établi à partir de données officielles israéliennes.
En riposte, l'armée israélienne a lancé une offensive à Gaza, qui a fait jusqu'à présent 34.943 morts, selon le ministère de la Santé du Hamas.
Jeudi, près de 12.000 personnes, dont la militante pour le climat Greta Thunberg, avaient déjà manifesté à Malmö contre la participation d'Israël.
- «Pas de menace» -
Pour Sally Sadler, une fan britannique, ces rassemblements obscurcissent «un peu» la fête. «Il s'agit avant tout d'unité et de musique. Nous sommes tous ici ensemble, toutes nations confondues, pour l'amour et non pour la haine».
Dans l'enceinte, tout drapeau autre que ceux des participants sont interdits, comme toute bannière à message politique.
«Je pense que tout le monde est en sécurité», a affirmé en conférence de presse Eden Golan. La police suédoise a assuré qu'«il n'y avait pas de menace dirigée contre l'Eurovision». L'été dernier, la Suède a relevé son niveau d'alerte terroriste après des actes de profanation du Coran.
Du côté des festivités, l'édition 2024 offre un large éventail de genres musicaux, de la ballade à l'électro. Malmö, troisième ville de Suède, espère offrir aux fans «the time of their life», comme le chantait Abba, qui avait offert la couronne de l'Eurovision au pays il y a un demi-siècle.
Cette année beaucoup de chansons «traitent de la santé mentale - de nombreux jeunes artistes disent ne pas se sentir bien et lutter avec leur identité» comme c'est le cas de Nemo (Suisse), explique Andreas Önnefors, spécialiste du concours.
Eden Golan a assuré que sa chanson «Hurricane» parlait «d'une jeune fille qui traverse ses propres problèmes, ses propres émotions».
- l'exclusion de Joost Klein «disproportionnée»-
Jeudi, lors de la conférence de presse qui avait suivi la demi-finale de la compétition qui se veut apolitique, Joost Klein, 26 ans et les cheveux peroxydés, avait attiré l'attention en marquant son désaccord avec le fait d'être placé à côté de la représentante israélienne Eden Golan. Il avait notamment recouvert ostensiblement son visage du drapeau néerlandais à plusieurs reprises.
Son exclusion n'a toutefois rien à voir avec son attitude envers d'autres délégations, a souligné l'UER.
Vendredi, Joost Klein, avait déjà été privé des importantes répétitions générales à la veille de la finale de l'Eurovision.
Interrogée par l'AFP, la police suédoise a confirmé avoir ouvert une enquête pour «intimidation». Le dossier a été transmis au parquet.
Officiellement apolitique, l'Eurovision est cette année bousculée par la guerre à Gaza.
Le diffuseur néerlandais Avrotros juge «disproportionnée» l'exclusion samedi du concurrent néerlandais Joost Klein pour la finale de l'Eurovision, suspendu la veille après un incident sans lien avec la participation controversée d'Israël.
Avrotros a déclaré dans un communiqué transmis à l'AFP trouver la disqualification «disproportionnée» et s'est dit «choquée par la décision» de l'Union européenne de radiodiffusion (UER). «Nous le regrettons profondément et y reviendrons plus tard».
L'UER, qui chapeaute le concours, a expliqué dans un communiqué que la police suédoise enquête sur «une plainte déposée par une femme membre de l'équipe de production à la suite d'un incident survenu après sa prestation lors de la demi-finale de jeudi soir».
«Pendant que la procédure judiciaire suit son cours, il ne serait pas approprié qu'il continue à participer au concours», a indiqué l'organisation rappelant appliquer «une politique de tolérance zéro à l'égard des comportements inappropriés».
Le système de radiodiffusion publique néerlandais NPO a qualifié la décision de «très radicale». «C'est une déception pour les millions de fans de l'Eurovision aux Pays-Bas et dans d'autres pays européens», a-t-il affirmé.
«Nous évaluerons de manière approfondie le cours des événements après le concours Eurovision de la chanson avec Avrotros, l'UER et toutes les autres parties impliquée», a-t-il ajouté.