L'Américain Paul Auster, auteur de la «Trilogie new-yorkaise», disparaît à l'âge de 77 ans

L'écrivain américain Paul Auster regarde à Lyon le 16 janvier 2018. Paul Auster, l'auteur américain prolifique dont les œuvres incluent « La trilogie new-yorkaise », est décédé des suites d'un cancer du poumon, a rapporté le New York Times le 30 avril 2024. (AFP)
L'écrivain américain Paul Auster regarde à Lyon le 16 janvier 2018. Paul Auster, l'auteur américain prolifique dont les œuvres incluent « La trilogie new-yorkaise », est décédé des suites d'un cancer du poumon, a rapporté le New York Times le 30 avril 2024. (AFP)
Short Url
Publié le Mercredi 01 mai 2024

L'Américain Paul Auster, auteur de la «Trilogie new-yorkaise», disparaît à l'âge de 77 ans

  • Né en 1947 dans l'Etat du New Jersey, Paul Auster est devenu une icône littéraire de New York. Auteur d'une trentaine de livres, il a été traduit dans plus de 40 langues
  • Ecrivain vénéré en France qu'il considère comme son "deuxième pays", il reçoit le Prix Médicis étranger pour le "Léviathan" en 1993

NEW YORK: Paul Auster, auteur américain prolifique de romans, poèmes et films propulsé sur la scène littéraire internationale par sa "Trilogie new-yorkaise", est mort de complications d'un cancer du poumon à l'âge de 77 ans, a annoncé une amie de la famille.

L'écrivain est décédé à son domicile de Brooklyn, à New York (Etats-Unis), a indiqué Jacki Lyden dans un email à l'AFP, après avoir informé le New York Times.

"Paul s'est éteint ce soir, chez lui, entouré de ses proches", a écrit mardi Mme Lyden.

Son épouse, l'écrivaine Siri Hustvedt, avait annoncé l'an dernier qu'il souffrait d'un cancer. Fin août, dans un long post poignant sur Instagram, accompagné de photos du couple jeune, elle indiquait que Paul Auster n'était pas sorti d'affaire, après avoir annoncé six mois auparavant, sur le même réseau social, le cancer de son époux soigné à New York.

"Nous n'avons pas encore passé le panneau +Vous quittez le Cancerland+ qui marque la frontière du pays", avait-elle dit.

Comparant le sort de son mari à celui "d'enfants malades", elle avait estimé que "Paul (avait) de nombreuses années derrière lui, son enfance, sa jeunesse, l'âge adulte" et qu'"il (était) aujourd'hui âgé."

Paul Auster, le maître du labyrinthe new-yorkais

Paul Auster, disparu à 77 ans après un cancer, est l'auteur de romans, poèmes et films, marqués par New York et des personnages désorientés qui embarquent le lecteur dans une quête existentielle vertigineuse.

Prix Médicis étranger pour le "Léviathan" en 1993, Paul Auster est un écrivain vénéré en France qu'il considère comme son "deuxième pays".

Sa "Trilogie new-yorkaise" parue en 1987, le propulse sur la scène littéraire internationale et l'associe définitivement à la mégapole qu'il n'aura de cesse de réinventer dans ses livres et ses films.

"Parfois New York est le centre de l'histoire, parfois elle n'en est que la périphérie. New York, ville où je vis et où j'écris, est une image qui vit dans ma réalité et dans mes fictions", racontait-il.

Dans "Cité de Verre", "Revenants" et "La Chambre dérobée" qui forment la "Trilogie", ses personnages partent à la recherche de leur identité à la manière de détectives dans le labyrinthe de Manhattan hérissé de gratte-ciels où tout n'est que reflets et faux semblants.

C'est à Newark , une banlieue new-yorkaise, que Paul Auster naît en 1947 de parents descendants de juifs ashkénazes. Très jeune, il est attiré par cette ville où il passe tous ses week-ends. Il s'y installe à 18 ans pour y étudier la littérature française, italienne et britannique à l'université de Columbia de 1965 à 1970.

Plus tard, il s'ancre à Brooklyn, quartier familial qu'il célèbre dans "Smoke" et sa suite "Brooklyn Boogie", deux films qu'il réalise avec Wayne Wang. "Smoke" obtient l'Ours d'argent à Berlin (1995).

Après ses études, il vit à Paris de 1971 à 1975. Il occupe une chambre de bonne, rencontre une prostituée qui lui récite du Baudelaire et manque de s'inscrire à l'institut des hautes études cinématographiques. Il écrit des scenarii pour films muets et traduit Breton, Mallarmé, Michaux et Dupin. Il perfectionne son français qu'il manie d'une voix éraillée par les cigarillos qu'il affectionne.

Grand brun hédoniste, aux cheveux peignés en arrière et aux yeux noirs cernés légèrement exorbités, il plaît aux femmes mais connaît plusieurs années d'errance professionnelle qu'il raconte dans "Le diable par la queue". "Unearth", son premier recueil de poèmes paraît aux Etats-Unis en 1974, mais faute de revenus suffisants, il enchaîne les petits boulots et embarque comme homme à tout faire sur un pétrolier.

L'héritage de son père mort en 1979 lui permet de se consacrer à l'écriture. Après un divorce d'avec l'écrivaine Lydia Davis dont il a un fils, il se marie en 1981 avec la romancière américaine, Siri Hustvedt. C'est le début d'une nouvelle vie.

Trompe l'oeil 

Il publie "L'invention de la solitude" (1982), un roman autobiographique où il tente de cerner la personnalité de son père, figure "invisible" qui inspirera ses personnages aux prises avec un double inquiétant. C'est le cas notamment dans "Moon Palace" (1990), roman initiatique d'un orphelin, qui lui apporte enfin la reconnaissance américaine.

Fin connaisseur des ficelles narratives, Paul Auster aime jouer avec le lecteur: anagrammes entre les noms, mises en abîme, récits fragmentés. "Leviathan", "Le livre des illusions" (2007) ou encore le phénoménal "4321" (2018), brouillent les frontières entre fiction et réalité. Au risque parfois d'être trop confus et de déplaire.

"Nous passons notre temps à imaginer des histoires. Nous vivons avec ça ... le réel et l'imaginaire ne font qu'un. Les pensées sont réelles, mêmes les pensées de choses imaginaires", explique l'un de ses personnages dans "Seul dans le noir".

Démocrate, il dénonce dans ce roman publié en 2009, les huit années Bush où l'Amérique de la guerre en Irak et du 11-Septembre, a basculé, dit-il, "dans un monde parallèle", à travers l'évocation d'une guerre civile imaginaire que se raconte un insomniaque dépressif.

Il renoue avec le récit autobiographique avec "Chroniques d'Hiver" (2013) et "Excursions dans la zone intérieure" (2014), décidé, "à l'hiver de sa vie", de reconstituer le puzzle de son existence à travers la description des mutations de son corps. "Je veux essayer de montrer, de faire ressentir ce que c'est qu'être vivant. La vie est à la fois merveilleuse et horrible et ma tâche est de capturer ces moments-là. Voilà ma mission d'écrivain. Rien de plus".

Reflets et faux-semblants 

Né en 1947 dans l'Etat du New Jersey, Paul Auster est devenu une icône littéraire de New York. Auteur d'une trentaine de livres, il a été traduit dans plus de 40 langues.

Plusieurs de ses romans creusent le thème du hasard et des coïncidences qui changent le destin de ses personnages.

Dans "Cité de Verre", "Revenants" et "La Chambre dérobée" qui forment la "Trilogie", ses personnages partent à la recherche de leur identité à la manière de détectives dans le labyrinthe de Manhattan hérissé de gratte-ciels où tout n'est que reflets et faux semblants.

Ce descendant de juifs ashkénazes a étudié à l'Université Columbia de New York les littératures française, italienne et britannique.

Après ses études, il vit à Paris de 1971 à 1975 et traduit des poètes français, mais il doit multiplier les emplois avant de pouvoir vivre de ses livres.

L'héritage de son père mort en 1979 lui permet de se consacrer à l'écriture.

Vénéré en France 

Il s'est fait connaître en 1982 avec "L'invention de la solitude", un roman autobiographique où il tente de cerner la personnalité de son père.

Le romancier perce en 1987 sur la scène internationale, notamment en Europe, avec sa "Trilogie new-yorkaise", un roman noir qui s'inspire du genre policier.

Également scénariste, Paul Auster a contribué au film "Smoke", qui dresse le portrait d'âmes perdues gravitant autour d'un débit de tabac de Brooklyn, et sa suite "Brooklyn Boogie", deux films qu'il réalise avec Wayne Wang.

Parmi ses autres œuvres à succès figurent notamment "Moon Palace", "Le Livre des illusions" et "Brooklyn Follies".

Ecrivain vénéré en France qu'il considère comme son "deuxième pays", il reçoit le Prix Médicis étranger pour le "Léviathan" en 1993.

Démocrate affiché, il a dénoncé dans l'un de ses livres, les années Bush.

En avril 2022, il avait perdu son fils Daniel Auster, 44 ans, qu'il avait eu avec l'écrivaine Lydia Davis, sa première épouse. Ce dernier était mort d'une "overdose accidentelle" à New York après avoir été inculpé d'homicide involontaire pour le décès fin 2021, également par overdose, de sa fille Ruby, âgée seulement de dix mois.

Malgré un cancer diagnostiqué la même année, il a achevé un dernier livre à la tonalité nostalgique, "Baumgartner", un "petit livre tendre et miraculeux", selon les mots de sa femme Siri Hustvedt.


AlUla : Où la beauté ancienne résonne au-delà des mots

Ibrahim Al-Balawi guidant un touriste russe à AlUla. (Instagram : @chici.deaf)
Ibrahim Al-Balawi guidant un touriste russe à AlUla. (Instagram : @chici.deaf)
Short Url
  • Le parcours d'Ibrahim al-Balawi repose sur l'auto-apprentissage et le dévouement

DJEDDAH : Bien que sourd et muet, Ibrahim al-Balawi, un guide touristique saoudien de 48 ans passionné par la riche histoire d'AlUla et ses sites à couper le souffle, est devenu un pionnier du tourisme inclusif.

Son parcours, fait d'auto-apprentissage et de dévouement, a commencé bien avant qu'AlUla ne devienne une destination touristique mondiale.

La carrière de guide touristique d'al-Balawi a commencé avant même que le tourisme ne soit officiellement établi à AlUla en 2001.

Son amour profond de l'histoire l'a poussé à fréquenter les lieux, à étudier leur signification et à traduire les documents de manière indépendante pour s'instruire et instruire les autres.

Grâce à sa connaissance approfondie des sites archéologiques, il a guidé les visiteurs à travers les sites anciens d'AlUla, partageant avec eux les histoires et les connaissances qu'il avait acquises au fil des ans.

Hind Shabaa, l'épouse d'al-Balawi, qui est également originaire d'AlUla, a été un soutien indéfectible. Mariée depuis 16 ans, elle a appris le langage des signes avec son mari.

--
Ibrahim Al-Balawi, guide touristique saoudien. (Instagram : @chici.deaf)

Au fil du temps, Shabaa a appris à parler couramment la langue des signes et elle a noué des amitiés au sein de la communauté sourde. Elle joue aujourd'hui un rôle crucial dans le travail de son mari en traduisant verbalement la langue des signes aux touristes entendants, améliorant ainsi l'expérience touristique de tous les visiteurs.

« Il m'a aidée à apprendre la langue et j'ai noué des amitiés avec des personnes sourdes », a-t-elle affirmé à Arab News.

« Comme il dispose d'un vaste réseau d'amis - il a fait ses études secondaires à Djeddah - il avait noué de nombreuses relations à l'intérieur et à l'extérieur du Royaume », a-t-elle ajouté. 

« Lorsqu'il amenait ses amis, ils étaient accompagnés de leurs épouses, ce qui m'a permis d'apprendre la langue. J'ai acquis une telle maîtrise qu'ils étaient étonnés de voir à quel point je pouvais communiquer verbalement et en langue des signes », a-t-elle expliqué. 

Silencieuse mais amusante, la langue des signes est devenue un élément essentiel de la vie quotidienne de la famille, créant un lien plus profond et façonnant une communication unique.

« Même nos enfants ont appris la langue des signes avec leur père. Ils sont devenus très habiles dans ce domaine. J'étais tellement dévouée que j'ai suivi des cours supplémentaires pour m'améliorer. À un moment donné, je suis même devenue meilleure que certains formateurs certifiés en langue des signes », a expliqué Shabaa. 

Avant que la Commission saoudienne du tourisme ne soit transformée en ministère du tourisme en 2020, la principale mission d'al-Balawi était de présenter au monde la beauté d'AlUla à travers ses yeux et sa langue. Il a accueilli des visiteurs de la communauté sourde de tout le Royaume et d'ailleurs, notamment d'Allemagne, de France, du Canada et de Chine.

--
Ibrahim al-Balawi, guide touristique saoudien. (Instagram : @chici.deaf)

Les autorités ont remarqué qu'il attire les touristes, dont la plupart sont des visiteurs étrangers qui profitent de sa maîtrise de la langue des signes générale.

Al-Balawi est peu à peu devenu un visage familier des responsables du tourisme. À mesure que le secteur se structure, il a demandé l'autorisation officielle de continuer à servir de guide, afin que les touristes étrangers puissent continuer à bénéficier de son expertise.

La carrière officielle d'al-Balawi en tant que guide touristique à AlUla a débuté en 2017. Il a suivi de nombreux cours de formation une fois qu'il a officiellement rejoint le ministère du tourisme, et du matériel de formation lui a été fourni.

Bien qu'il n'ait qu'un diplôme de fin d'études secondaires, il se distingue par sa quête incessante de connaissances. Il s'est inscrit à des cours d'histoire et de tourisme, a suivi des formations spécialisées et a mémorisé des documents pédagogiques.

Conscient de la diversité mondiale des langues des signes, M. al-Balawi a appris lui-même de multiples variantes de la langue des signes arabe, ce qui lui a permis de communiquer avec des touristes de pays occidentaux. Sa motivation personnelle lui a permis de combler les fossés culturels et linguistiques, en veillant à ce que tous les visiteurs, en particulier ceux de la communauté sourde, puissent profiter pleinement des merveilles d'AlUla.

« Je me souviens que, dès notre mariage, il avait des livres sur les langues des signes occidentales et qu'il les lisait toujours pour apprendre. En outre, il s'est rendu plusieurs fois aux États-Unis et y a noué des amitiés, communiquant par le biais d'applications et d'appels vidéo jusqu'à ce qu'il ait acquis une bonne maîtrise de la langue des signes », a raconté sa femme. 

« Il a acquis une expertise dans la langue des signes arabe familière et formelle, ainsi que dans les langues des signes internationales, notamment américaine, chinoise et coréenne, qui diffèrent du système saoudien. Il a appris tout cela en voyageant, en lisant des livres et en faisant des recherches personnelles », a-t-elle ajouté. 

« Pour ceux qui peuvent parler, il est capable de communiquer avec eux sans effort. Il peut lire sur les lèvres, enregistrer des vidéos, leur envoyer des messages et leur parler dans un dialecte décontracté qui rendait la langue des signes plus facile pour eux. L'apprentissage de la langue des signes est souvent un défi pour les personnes qui les entourent, c'est pourquoi, lorsque nécessaire, il fait recours à l’écriture pour assurer une communication claire », a-t-elle confirmé. 

L'engagement du couple ne s'arrête pas au guidage, puisqu'il s'assure de comprendre les besoins spécifiques des voyageurs sourds.

« Mon mari a créé une maison d'hôtes privée spécialement conçue pour les sourds, afin que les visiteurs se sentent bien accueillis, à l'aise et puissent profiter pleinement des offres d'AlUla », a-t-elle révélé. 

M. al-Balawi a organisé plus de 800 visites au cours des deux dernières années, accueillant des touristes de presque toutes les régions d'Arabie saoudite et de pays du monde entier, notamment le Royaume-Uni, les États-Unis, la Syrie, l'Allemagne, l'Égypte, la Turquie, la Russie et les Émirats arabes unis.

Il doit également faire face aux médias sociaux et possède une page Instagram qui compte plus de 4 500 adeptes du monde entier. Il y affiche des photos et des vidéos de ses voyages afin d'attirer davantage de visiteurs.

« Il invite les voyageurs par le biais des médias sociaux, les guide, documente leurs visites avec des photos et des vidéos. Nombreux sont ceux qui ont été impressionnés par ses efforts et son dévouement », raconte sa femme. 

Sa capacité à communiquer avec les gens, que ce soit par le langage des signes, la communication écrite ou l'enthousiasme pur et simple, a laissé une marque sur ceux qui ont exploré AlUla grâce à ses conseils.

« La réaction des touristes est étonnante après chaque visite. Ils sont toujours heureux, et certains reviennent même pour une deuxième visite tellement ils ont apprécié leur expérience. AlUla les a fascinés et ils adorent l'expérience touristique qu'ils y ont vécue”, a-t-elle conclu. 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Au Quai Branly: la saga du fil d’or à travers les siècles

Du Maghreb au Japon, en passant par les pays du Moyen Orient, dont l'Arabie saoudite, le Yémen, le Koweït ou autres, jusqu’à l’Inde et la Chine, l’exposition offre une parcours chargé de beauté et d’esthétisme, et de pédagogie. (Photo Arlette Khouri)
Du Maghreb au Japon, en passant par les pays du Moyen Orient, dont l'Arabie saoudite, le Yémen, le Koweït ou autres, jusqu’à l’Inde et la Chine, l’exposition offre une parcours chargé de beauté et d’esthétisme, et de pédagogie. (Photo Arlette Khouri)
Short Url
  • Conçue pour retracer l’épopée de l’or, mis au service de l’élégance, l’exposition intitulée « Au fil de l’or, l’Art de se vêtir de l’Orient au Soleil- Levant » rend hommage à l’artisanat, à l’heure des machines et des nouvelles technologies
  • Du Maghreb au Japon, en passant par les pays du Moyen Orient, dont l'Arabie saoudite, le Yémen, le Koweït ou autres, jusqu’à l’Inde et la Chine, l’exposition offre une parcours chargé de beauté et d’esthétisme, et de pédagogie

PARIS: Depuis la nuit des temps, l’or fascine l’humanité, symbolisant la richesse, la beauté et la puissance. 

Aujourd’hui encore, il reste un signe de succès, de pérennité et de sécurité, ancré profondément dans l’imaginaire collectif. 

C’est une plongée dans l’histoire de l’or et son usage artisanal dans le textile que propose le musée Quai Branly-Jacques Chirac à ses visiteurs, jusqu’au 6 juillet prochain.

C’est surtout un éblouissant voyage dans la matière, le temps, et les géographies, selon les termes utilisés par le directeur du musée Emmanuel Kasarhéou, dans le préambule du catalogue de l’exposition.

Conçue pour retracer l’épopée de l’or, mis au service de l’élégance, l’exposition intitulée « Au fil de l’or, l’Art de se vêtir de l’Orient au Soleil- Levant » rend hommage à l’artisanat, à l’heure des machines et des nouvelles technologies.

Du Maghreb au Japon, en passant par les pays du Moyen Orient, dont l'Arabie saoudite, le Yémen, le Koweït ou autres, jusqu’à l’Inde et la Chine, l’exposition offre une parcours chargé de beauté et d’esthétisme, et de pédagogie.

Au troisième millénaire avant notre ère, les orfèvres syriens mettent au point les premiers galons de fils d’or aplatis et tressés, marquant ainsi le début d’un artisanat textile d’exception.

Ainsi elle permet au visiteur d’apprendre que dès le cinquième millénaire avant notre ère, l’or est intégré aux premières étoffes de luxe, destinées aux souverains et aux classes dominantes. 

À l’origine, des pépites d’or martelées en fines feuilles sont cousues sur les vêtements des défunts, leur conférant un éclat éternel. 

Puis, au troisième millénaire avant notre ère, les orfèvres syriens mettent au point les premiers galons de fils d’or aplatis et tressés, marquant ainsi le début d’un artisanat textile d’exception.

Après la conquête du Maghreb par les Arabes au VIIe siècle, les populations adoptent de nouvelles influences textiles, inspirées de l’Orient musulman. 

Les Fatimides (909-1171), régnant sur l’Égypte et une partie du Moyen-Orient, établissent des manufactures royales à Mahdia (Tunisie), où sont tissées des étoffes somptueuses mêlant soie et or.

Avec l’expulsion des musulmans et des juifs d’Espagne en 1492, un renouveau de l’art textile s’opère au Maghreb, les exilés apportent avec eux leur savoir-faire et introduisent des vêtements somptueux, brodés d’or. 

Dès l’expansion musulmane du VIIe siècle, le goût du luxe et des riches étoffes se répand à travers l’Empire islamique, en Irak, en Égypte et en Perse, les ateliers de tissage produisent des étoffes somptueuses, agrémentées de fils d’or.

Les femmes de Fès, de Salé et de Tétouan adoptent ainsi le costume andalou, enrichi de soieries dorées et de caftans somptueux. 

Le chroniqueur espagnol Luis del Mármol (1524-1600) rapporte que les Marocaines, en particulier celles de la noblesse, arborent des robes blanches tissées d’or et de soie, reflétant une recherche de raffinement qui perdure jusqu’au XIXe siècle.

Dès l’expansion musulmane du VIIe siècle, le goût du luxe et des riches étoffes se répand à travers l’Empire islamique, en Irak, en Égypte et en Perse, les ateliers de tissage produisent des étoffes somptueuses, agrémentées de fils d’or.

Sous les Abbassides de Bagdad (750-1258), les vêtements des élites sont confectionnés à partir de tissus précieux appelés qasab, du lin orné d’or. 

En Égypte, les ateliers de Dabiq deviennent célèbres pour leurs étoffes luxueuses, plus tard, sous l’Empire ottoman, la broderie d’or se généralise dans les costumes des classes aristocratiques.

Dans la péninsule Arabique, le commerce maritime et les échanges avec l’Inde et la Chine favorisent l’introduction d’étoffes précieuses. 

Dès le IXe siècle, des soieries et brocarts tramés d’or affluent vers les grands ports arabes, où ils sont prisés par les élites locales.

Si les femmes bédouines privilégient des habits simples en laine ou en coton, les épouses des émirs et des notables arborent des robes somptueuses brodées d’or. 

Aujourd’hui encore, ces robes d’apparat demeurent emblématiques dans la culture vestimentaire des pays du Golfe.

Connues sous différentes appellations—thob al-hashimi, thob al-nashal, ou encore thob al-mukhattam, elles conservent leur coupe ample et leurs superbes broderies dorées, perpétuant une tradition séculaire.

L’héritage des étoffes dorées trouve un écho dans le travail de la créatrice de mode chinoise Guo Pei, dont les créations contemporaines et spectaculaires, ponctuent les différentes sections de l’exposition.

Un étalage de merveilles qui séduit les visiteurs de tout âge, et un plaisir assuré pour le regard et l’esprit.

 


L'art contemporain à l'honneur à la Biennale des arts islamiques

Réparties dans plusieurs galeries intérieures et intégrées dans des espaces extérieurs, les œuvres contemporaines sont intégrées de manière transparente dans le paysage de la Biennale, aux côtés d'artefacts anciens. (AN)
Réparties dans plusieurs galeries intérieures et intégrées dans des espaces extérieurs, les œuvres contemporaines sont intégrées de manière transparente dans le paysage de la Biennale, aux côtés d'artefacts anciens. (AN)
Short Url
  • Le commissaire de l’exposition Muhannad Shono explique comment les œuvres contemporaines établissent un lien entre le présent, le passé et l'avenir
  • De nombreux artistes ont été également présents lors du vernissage, échangeant avec les visiteurs. "L'art ne se résume pas à exposer des œuvres ; il s'agit de vivre des expériences, de partager des émotions. Il répond à votre présence, il réagit à vous"

DJEDDAH : « Le rôle de l'art contemporain est de servir de lien entre le passé, notre présent et l'imagination de notre avenir », a déclaré Muhannad Shono, commissaire de l’exposition pour l’art contemporain à la deuxième Biennale des arts islamiques de Djeddah, qui s'est ouverte en janvier et se poursuivra jusqu'en mai.

La section de la biennale consacrée à M. Shono présente 30 nouvelles commandes d'artistes locaux et internationaux "donnant forme au thème" qui, cette année, est "Et Tout Ce Qui Est Entre Les Deux", tiré d'un verset du Coran : « Il guide les artistes et le public dans leur réflexion sur les espaces qui existent entre les frontières connues, qu'elles soient physiques, spirituelles ou conceptuelles ». 

Réparties dans plusieurs galeries intérieures et intégrées dans des espaces extérieurs, les œuvres contemporaines sont intégrées de manière transparente dans le paysage de la Biennale, aux côtés d'artefacts anciens.

Un exemple frappant se trouve dans la section AlMidhallah, où l'installation de l'artiste japonais Takashi Kuribayashi, "Barrels", présente une formation de barils de pétrole d'où émerge un arbre, avec des miroirs réfléchissants qui brouillent la ligne entre les éléments artificiels et naturels.  

L'installation "Zubaydah Trail (Between Sacred Cities)" de l'artiste pakistanais Imran Qureshi est un espace immersif où les visiteurs sont invités à enlever leurs chaussures, à s'asseoir et à réfléchir entre les pavillons de la biennale de La Mecque et de Médine. Des bandes de couleurs saturées et vibrantes donnent à l'espace une impression à la fois ludique et sérieuse. Chaque couleur et chaque forme ont une signification symbolique - le motif en zigzag représente l'eau qui coule du puits Zamzam de La Mecque, tandis que la teinte verte évoque la tranquillité de Médine.

Il y a beaucoup d'autres œuvres magnifiques, comme "What I Heard in the Valley" de l'artiste saoudien Bilal Allaf, qui s'inspire du Sa'i, la marche rituelle effectuée par les pèlerins lors du Hajj et de l'Umrah.

"Le thème général de la biennale est interprété dans cinq galeries et, bien sûr, dans les interprétations contemporaines", explique le directeur artistique de la biennale, Abdul Rahman Azzam. L'art contemporain sert ici de pont, comme l'a suggéré M. Shono, reliant le passé, le présent et le futur.

« AlBidaya », qui se traduit par « le commencement », est l'une des galeries où ce concept prend vie, explorant les liens émotionnels entre les objets et les idées.

« Au début, nous nous concentrions sur les cieux et la terre. Mais nous avons ensuite réalisé que le véritable pouvoir et le potentiel de cette biennale étaient "tout ce qui se trouve entre les deux" », explique M. Shono à Arab News. « Cette idée d'un espace inclusif, expansif, stratifié, transformateur, liminal, qui ne s'intéresse pas à ses bords, qui ne se concentre pas sur les options binaires du bien et du mal, de la lumière et de l'obscurité, du bien et du mal. Il s'intéresse davantage à ce nouvel espace que nous explorons ».

M. Shono est l'un des artistes vedettes de la première Biennale des arts islamiques en 2023. Cette fois-ci, son rôle est très différent, mais c'est une occasion qu'il a saisie sans réserve.

« J'ai répondu sans hésiter et me suis entièrement consacré au travail », déclare-t-il. « C'est un changement de priorités, un tournant par rapport à ce que je pensais être mon année, et cela consiste avant tout à m'investir pleinement dans le processus, dans l'action. »

« Le plus surprenant dans cette préparation, c'est qu'elle m'a semblé naturelle. (Je voulais m'assurer que je traversais cette épreuve avec le sourire, et comme j'avais vécu l'édition précédente, je savais à quoi cela allait ressembler. Ce n'était donc pas une tentative de surpasser quoi que ce soit ou de rivaliser avec quoi que ce soit, mais plutôt de le faire honnêtement et naturellement, comme je le ferais pour mon propre travail », a-t-il ajouté. 

Ce qui est particulièrement important pour lui en tant que commissaire d'exposition, c’est de travailler avec des artistes saoudiens plus jeunes et des voix émergentes.

Le mot "changement" est très utilisé ici en Arabie saoudite et la Biennale incarne vraiment cela, en apportant le passé - qui était très rigide... qui ne voulait pas être négocié, qui ne voulait pas changer son récit ou les paramètres de ses définitions et de son espace - et en apportant des pensées contemporaines incarnées dans des pratiques artistiques contemporaines, dont le rôle est de remettre en question, de penser latéralement, de réimaginer, de réinterpréter", explique-t-il. "C'est un grand témoignage de ce que le pays traverse. C'est pourquoi, lorsque j'ai été invité, j'ai vraiment voulu le faire - cela correspond à mon travail et je veux l'étendre au rôle de commissaire de l'exposition".

De nombreux artistes ont été également présents lors du vernissage, échangeant avec les visiteurs. "L'art ne se résume pas à exposer des œuvres ; il s'agit de vivre des expériences, de partager des émotions. Il répond à votre présence, il réagit à vous", déclare M. Shono.

Il se réjouit de voir autant de visiteurs désireux de découvrir la scène artistique saoudienne. Pour lui, l'expérience parle d'elle-même.

"Chaque visite, chaque personne qui fait ce saut dans la foi - au-delà des stéréotypes - apporte un changement, fait l'expérience de quelque chose d'irréversible parce que vous entrez réellement en contact avec la vérité, avec les gens, leur vie, leur générosité, leur authenticité", déclare-t-il.

S'il est le conservateur des espaces, il ne veut pas être le conservateur des impressions.

« Je pense que la plupart des gens viennent ici et voient par eux-mêmes ce qui se passe dans ce pays », affirme-t-il. « J'ai grandi ici en Arabie saoudite, alors voir un pays traverser cette expérience de changement social très enracinée... il est important qu'elle réussisse, non seulement pour le bien de ce pays, mais aussi pour celui de toute la région ».