PARIS: Le directeur de Sciences Po, Frédéric Mion, a été visé jeudi par des appels à la démission après avoir admis qu'il avait été alerté dès 2019 d'accusations d'inceste contre Olivier Duhamel, ex-président de l'instance qui chapeaute l'institut d'études politiques parisien.
Lundi, quand ces accusations ont été révélées, le directeur de Sciences Po Paris s'était dit «sous le choc». Il avait ensuite fait part de sa «stupeur» en découvrant «par des articles de presse, des faits très graves reprochés à l'ancien président de la Fondation nationale des sciences politiques».
Or le Monde a révélé jeudi que M. Mion était au courant de ces accusations depuis deux ans.
En 2019, l'ancienne ministre socialiste de la Culture, Aurélie Filippetti, enseignante à Sciences Po Paris, apprend par deux proches d'Olivier Duhamel que ce dernier, professeur honoraire de Sciences Po, est accusé d'abus sexuels sur son beau-fils à la fin des années 1980, rapporte le quotidien. Elle décide alors d'en informer Frédéric Mion.
«Il est lui-même extrêmement choqué. Il est complètement effondré et il découvre ça à ce moment-là, et il me dit qu'il va évidemment agir, qu'il va en faire quelque chose, qu'il ne peut pas ne pas agir» a raconté Mme Filipetti jeudi sur RTL. Elle a précisé ne «pas avoir de doute sur la crédibilité de ces témoignages» reçus «de deux personnes différentes», dont une enseignante à Sciences Po, «à deux moments différents».
Dans un message interne, M. Mion a tenu à s'expliquer jeudi après-midi: «Sans preuve tangible, sans éléments précis, j'avais peine à imaginer que cette rumeur puisse avoir le moindre fondement».
«Je me suis tourné vers un proche d'Olivier Duhamel, qui m'a indiqué avec fermeté que cette rumeur était sans fondement», a-t-il poursuivi. «Je me suis par ailleurs assuré, au plan interne, qu'aucun agissement délictueux n'avait fait l'objet d'un signalement au cours des années où Olivier Duhamel avait enseigné dans notre maison», écrit encore M. Mion.
Affirmant avoir appris dimanche soir par Olivier Duhamel lui-même qu'un livre le mettant en cause serait publié dans le courant de la semaine, il assure n'avoir découvert la «réalité du crime» qui lui est reproché que le lendemain, «en lisant la presse».
Des révélations qui ont été «un choc violent»: «Ma stupeur à l'énoncé des faits révélés n'était pas feinte», assure le directeur de Sciences Po.
Jeudi matin, une dizaine d'étudiants se sont installés devant l'Institut de la rue Saint-Guillaume pour réclamer sa démission. Ils n'étaient qu'une poignée en fin de matinée, mais devaient se relayer toute la journée.
En dernière année de Sciences Po, Luka qui a appelé à ce rassemblement sur Facebook s'offusque que M. Mion ait «menti» à ses étudiants. «Plus généralement, nous voulons dénoncer un climat d'omerta qui gangrène notre école, et l’impunité généralisée face aux violences sexistes et sexuelles», explique-t-il.
Dans une lettre ouverte, un collectif «Mion démission» écrit que «l'impunité doit cesser et passera par la démission de tout.te.s celles et ceux qui la garantissent, à commencer par Frédéric Mion».
«Nous demandons à la direction d'apporter toute la lumière sur cette affaire qui nous scandalise et éclabousse notre maison encore une fois», a également réagi la CFTC de Sciences Po.
Interrogé sur une éventuelle démission de Frédéric Mion, son entourage a indiqué que «pour l'instant il travaille à assurer la continuité de l'établissement».