HARIDWAR: Le vieux Ram Bhakt a bravé vendredi la chaleur accablante dans la ville sainte de Haridwar pour donner son vote au Premier ministre Narendra Modi qui, selon lui, est le garant de la "gloire de la civilisation" de l'Inde.
Nichée entre les contreforts de l'Himalaya et les rives du Gange dans l'Etat de l'Uttarakhand (nord), Haridwar est une vieille cité parsemée de temples hindous. Un des sites de prédilection des pèlerins de la foi majoritaire du pays le plus peuplé du monde.
C'est aussi un bastion de M. Modi dont le parti nationaliste hindou Bharatiya Janata (BJP) a placé l'hindouisme au coeur de sa politique, dans ce pays qui a inscrit la laïcité dans sa Constitution.
Il a déjà donné au BJP deux victoires écrasantes en 2014 et 2019 en jouant sur la fibre religieuse de l'électorat hindou.
"Je vote pour la gloire de la civilisation de l'Inde", affirme le saddhu Ram Bhakt, homme saint de 96 ans, au front ridé couvert de pigment vermillon et de cendre, appuyé sur sa canne en bois, drapé dans une modeste robe couleur safran.
«Le pays dont nous rêvions»
"Sous Modi, notre pays est devenu ce dont nous, les sages, rêvions depuis toujours", se réjouit-il auprès de l'AFP.
Agé de 73 ans, M. Modi reste très populaire après deux mandats, au cours desquels l'Inde a accru son influence diplomatique et son poids économique.
Les analystes politiques l'ont d'ores et déjà donné vainqueur de ces élections générales qui ont débuté vendredi et se poursuivront en sept étapes jusqu'au 1er juin.
Cette année, il a inauguré dans la ville d'Ayodhya un grand temple dédié à la divinité hindoue Ram, bâti sur le site d'une mosquée vieille de plusieurs siècles détruite par des fanatiques hindous.
Cet événement, très attendu par ses militants, a bénéficié d'une ample couverture médiatique et de festivités publiques dans toute l'Inde.
"La nation est en train de créer la genèse d'une histoire nouvelle", a-t-il clamé aux milliers de personnes rassemblées pour la cérémonie, parmi lesquelles des célébrités de Bollywood et des stars du cricket.
Shiv Shankar Giri, 28 ans, membre d'un ordre monastique hindou à Haridwar, a dit à l'AFP avoir voté pour "celui qui nous a rendu Ram".
"Nous votons tous pour celui qui a rendu l'hindouisme fort", souligne-t-il. "Nous votons pour Modi".
«La protection de notre foi»
Mais cette ferveur nationaliste hindoue exponentielle inquiète d'importantes minorités, dont quelque 210 millions d'Indiens musulmans.
L’Etat de l’Uttarakhand, considéré comme la pierre angulaire géographique de l’hindouisme, est en proie à de vives tensions sectaires.
Des groupes radicaux, vaguement affiliés au BJP, appellent à l’expulsion des musulmans de cet Etat.
Plusieurs musulmans y ont été tués en février lors d'affrontements avec des riverains hindous, à la suite de la démolition par les autorités municipales d'une mosquée qui, selon elles, avait été construite illégalement.
Pour Mukesh Dubey, prêtre d'un petit temple hindou à Haridwar, le fait que le gouvernement Modi défende sa foi est une "duperie" destinée à détourner de difficultés plus graves et urgentes auxquelles l'Inde est confrontée, avec des millions de jeunes diplômés d'universités au chômage.
Les cadeaux religieux ne servent à rien si "les gens n'ont pas de travail et de nourriture", dit-il à l'AFP.
Le BJP devrait néanmoins remporter la victoire à Haridwar, où son candidat avait remporté aux dernières élections 250.000 voix de plus que son principal adversaire.
Uday Bharti, saddhu de 59 ans, est catégorique, le BJP agit en faveur de ce qui "compte le plus".
"Modi a assuré la protection de notre pays et de notre foi", affirme-t-il à l'AFP devant un bureau de vote. "Nous sommes ici pour garantir que Modi continue de faire du bon travail".