Les chrétiens du Liban se retrouvent démunis face à la menace existentielle provenant de l'Iran islamiste et de sa milice du Hezbollah. Cette semaine, Pascal Sleiman, père de trois enfants et responsable influent au sein du plus grand parti chrétien du Liban, les Forces libanaises (FL), a été enlevé puis retrouvé mort. Il devient ainsi le deuxième responsable des FL à être assassiné en l'espace de huit mois, après l'assassinat d'Elias Hasrouni au mois d’août dernier.
Peu de temps après que la nouvelle de l'enlèvement de M. Sleiman s’est répandue, le Hezbollah a initié une campagne de désinformation, tentant de l'accuser de complicité avec le monde de la drogue.
Cependant, face à l'intégrité incontestée de Pascal Sleiman, ingénieur en informatique et père de famille, la tentative de manipulation de l'information a échoué. La campagne de désinformation a alors avancé l'argument selon lequel il aurait été victime d'un vol de voiture aléatoire.
Un jour après sa disparition près de la ville côtière de Byblos, le corps de M. Sleiman a été découvert dans une ville frontalière avec la Syrie, au nord-est du pays. L'idée que des voleurs de voitures auraient transporté le corps de leur victime jusqu'à leur bastion présumé, situé à quelque 100 km du lieu de l’enlèvement, au lieu de s'en débarrasser sur place, dans la région déserte où ils l'ont intercepté précisément, soulève davantage de questions qu'elle n'apporte de réponses.
Selon les rapports, Pascal Sleiman aurait été tué d'un coup porté à l'arrière de la tête avec la crosse d'un pistolet.
Pour rappel, en août, le corps de M. Hasrouni a été retrouvé près de sa voiture, qui avait dévié de la route menant à sa ville natale dans le sud du Liban. Une fois de plus, le Hezbollah a initié une campagne de désinformation en affirmant qu’Elias Hasrouni avait été victime d’un accident de la route. Cependant, les examens médico-légaux ont révélé que M. Hasrouni avait été tué de la même manière que M. Sleiman: un coup à l'arrière de la tête avec la crosse d'un pistolet.
Des témoins ont déclaré qu'avant le meurtre d’Elias Hasrouni, des habitants avaient remarqué la présence d’hommes barbus portant des casquettes de base-ball – une pratique typique du Hezbollah – assis dans une voiture et surveillant la route. Des vidéos ont ensuite montré que M. Hasrouni avait été intercepté et tué.
En février 2021, Lokman Slim, un opposant chiite du Hezbollah connu pour ses prises de position audacieuses, a également disparu alors qu'il conduisait sur une route du sud du Liban. Plus tard, il a été retrouvé mort dans sa voiture, abattu de cinq balles provenant d'une arme équipée d'un silencieux. Avant de le tuer, les assassins de M. Slim ont procédé de la même manière que ceux de Pascal Sleiman: ils ont jeté son téléphone portable pour éviter toute trace électronique.
Le schéma récurrent du vol de voiture, de la destruction du téléphone portable de la victime et ensuite, soit du tir, soit du coup à l'arrière de la tête, suggère que les assassins ont probablement été mandatés par le même groupe et qu’ils ont reçu des instructions pour utiliser des techniques similaires.
Dans l’affaire Sleiman, compte tenu des tensions que son assassinat a suscitées entre les chrétiens maronites et les musulmans chiites du Liban, les assassins semblent vouloir faire de quelques voleurs de voitures de bas étage un bouc émissaire. Cependant, les divergences dans le récit officiel ont révélé une certaine confusion au sein de l'État libanais, désormais fortement influencé par le Hezbollah. Alors que le Premier ministre, Najib Mikati, a qualifié l'opération d'«assassinat», l'armée libanaise a soutenu la thèse selon laquelle les auteurs étaient des voleurs syriens. De la même façon que M. Mikati, les FL ont qualifié le meurtre de M. Sleiman «d'assassinat par excellence».
Se sentant menacés, les partisans des FL ont ravivé leur slogan de l'époque de la guerre civile qui a pris fin en 1990: «Le danger frappe à nos portes.»
Dans le même temps, dans un discours, le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a mis en garde les FL et un autre parti chrétien, les Phalanges libanaises (Kataëb), contre la tentation d'attiser les tensions sectaires qui pourraient conduire à une nouvelle guerre civile. Il s'agissait d'une menace à peine voilée pour que les chrétiens encaissent le coup sans broncher.
Les assassinats ne constituent pas la seule menace à laquelle les chrétiens du Liban sont confrontés. Depuis l’annonce de M. Nasrallah de sa «guerre de soutien» à Gaza le 8 octobre, sa milice s'est cachée dans la ville de Rmeich, majoritairement chrétienne, dans le sud du pays, dans le but de tirer des roquettes sur Israël. En décembre, une rampe de lancement découverte en périphérie de la ville a été détruite par l'armée. Le Hezbollah a tenté de répéter le même stratagème le mois dernier, mais les habitants ont fait bloc contre cette tentative.
Dans de nombreuses autres villes du sud, les habitants ont également repoussé les tentatives du Hezbollah de tirer des roquettes sur Israël depuis leur région par crainte de représailles israéliennes dévastatrices.
Pascal Sleiman est devenu cette semaine le deuxième responsable des Forces libanaises à être assassiné en l'espace de huit mois.
La campagne d'assassinats menée par le Hezbollah contre ses opposants a commencé, selon le Tribunal spécial pour le Liban des nations unies, en 2005, lorsqu'il a tué l'ancien Premier ministre, Rafic Hariri. Depuis, la milice soutenue par l'Iran a assassiné au moins deux douzaines d'opposants.
Le harcèlement constant exercé par le Hezbollah à l'égard des chrétiens remue une plaie déjà béante: depuis 1975, le nombre de chrétiens au Liban a diminué, leur proportion dans la population passant de la moitié à un tiers.
Cette diminution de leur nombre n'est pas le seul problème auquel les chrétiens doivent faire face. Les FL, une milice autrefois redoutable qui s'est désarmée après la guerre civile, à l’instar de toutes les autres milices armées à l'exception du Hezbollah, sont désormais à la merci de leurs rivaux, en particulier des milices soutenues par l'Iran.
En l'absence d'un État juste et fort, les chrétiens du Liban sont menacés de disparition, à moins que la communauté internationale ne trouve un moyen de les soutenir dans un pays que le christianisme considère comme le témoin du premier miracle de Jésus.
Hussain Abdul-Hussain est chercheur associé à la Fondation pour la défense des démocraties (FDD), un institut de recherche non partisan basé à Washington, axé sur la sécurité nationale et la politique étrangère.
X @hahussain
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est celle de l’auteur et ne reflète pas nécessairement le point de vue d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com