WASHINGTON: Des policiers l'arme dégainée dans le cœur du Congrès des Etats-Unis, des élus protégés par des masques à gaz, des manifestants brisant des vitres: le Capitole à Washington a sombré mercredi dans un chaos dramatique et des violences inédites dans un lieu si solennel.
La situation a basculé quand des partisans de Donald Trump, brandissant des drapeaux bleus à son nom et portant les casquettes rouges de sa campagne électorale, ont envahi le bâtiment trônant sur la célèbre colline de la capitale fédérale.
Aux cris de «USA! USA!», ils ont réussi à pénétrer jusque dans les hémicycles des deux chambres, interrompant la session parlementaire qui devait confirmer l'élection de Joe Biden.
«Ils ne peuvent pas nous stopper tous», a lancé dans un mégaphone un manifestant poussant la foule à forcer les portes du Congrès.
Des images du coup de force, prises à l'intérieur du Capitole, temple de la démocratie américaine, révélaient des scènes plutôt dignes d'un coup d'Etat.
A la tension s'est ajouté le tragique quand une femme, à l'identité pour l'heure inconnue, a été grièvement blessée par balle dans des circonstances peu claires. Elle est décédée peu après.
Une bonne part des manifestants semblaient toutefois relativement pacifiques.
Bureaux vandalisés
«La plupart des gens ici sont prêts à prendre une balle pour défendre nos libertés. Moi oui», affirme Bob Cox, un partisan de Donald Trump de 56 ans, un drapeau bleu «Trump 2020» drapé autour de ses épaules.
Une photo virale montre des agents de la police du Capitole en civil pointant leurs armes en direction d'une porte dont la vitre est brisée pour tenter d'empêcher quiconque d'entrer. Ils s'abritent derrière un banc placé en travers de la porte.
Torse nu et coiffé d'un casque de viking à cornes, un manifestant pose le poing levé à la tribune de la Chambre des représentants. Un autre force le bureau de la présidente de la Chambre, Nancy Pelosi, et se fait immortaliser les pieds sur sa table de travail. Un troisième pose tout sourire emportant un pupitre de l'hémicycle.
Des élus publient des selfies pendant leur évacuation. Ils ont le visage protégé par un masque à gaz car les forces de l'ordre, renforcées progressivement au cours de la journée, tentent d'évacuer le bâtiment à coup de gaz lacrymogènes.
Mais les manifestants pénètrent dans le Capitole plus vite que les élus et leurs assistants ne parviennent pas à les en sortir.
«J'étais près de la porte. Ils nous ont gazés», raconte un manifestant. «Vous vous rendez compte, ils nous ont gazés!».
Donald Trump avait prévenu qu'il tenterait d'empêcher le Congrès de certifier officiellement mercredi la victoire électorale de Joe Biden, qui doit prendre ses fonctions le 20 janvier.
Mais il n'avait aucun moyen légal de le faire. Il a bien essayé de menacer le vice-président Mike Pence, qui présidait la séance mais dont le rôle était strictement protocolaire.
Mais M. Pence a refusé, s'abritant derrière les «contraintes» de la Constitution.
Dénonçant des élections «truquées», M. Trump a donc appelé ses partisans, qu'il avait réunis à Washington le jour même de la confirmation par le Congrès, à manifester au Capitole.
Pas de regrets
Donald Trump avait promis à ses partisans que la journée de mercredi serait «folle». Elle l'a été.
Après plusieurs heures de chaos, Donald Trump a diffusé une courte vidéo sur Twitter où il a appelé les manifestants à «rentrer à la maison», sans exprimer le moindre regret ni condamner les violences et les dégradations.
«On vous aime. Vous êtes uniques», les a-t-il congratulés.
En fin d'après-midi, les forces de sécurité avaient repris le contrôle du Capitole mais la situation restait tendue. Un couvre-feu est entré en vigueur dans la ville à 18H00 locales (23H00 GMT).
Une cinquantaine de pro-Trump ont attaqué des journalistes regroupés dans une zone protégée par des barrières métalliques pour filmer les évènements à l'extérieur du Congrès, renversant plusieurs caméras en criant «les informations, c'est nous maintenant».
Venu tout droit de l'Oklahoma pour soutenir Donald Trump, Jordan Shackleford, 25 ans, reste convaincu que les manifestants étaient dans leur droit.
«Ils ont truqué les élections», a-t-il déclaré, répétant les théories du complot avancées depuis deux mois par le président républicain qui refuse toujours d'accepter sa défaite deux mois après l'élection.