DJEDDAH: Les utilisateurs des réseaux sociaux dans la région du Golfe exultent depuis que l'Arabie saoudite a annoncé la réouverture de son espace aérien et ses frontières terrestres et maritimes avec le Qatar, dans le cadre d'une entente qui met un terme à un froid diplomatique de trois ans. Et pour bien des gens, cette allégresse revêt une signification personnelle.
Mardi, le prince héritier Mohammed ben Salmane a déclaré au sommet du CCG, tenu à AlUla, que le rétablissement des relations avec le Qatar souligne l’importance de la solidarité et de la sécurité entre les États du Golfe ainsi que les nations arabes et musulmanes.
Une accolade publique à l'aéroport d'AlUla, plus tôt dans la journée, entre le prince héritier et l'émir du Qatar, le cheikh Tamim ben Hamad Al-Thani, a volé la vedette. Le dirigeant qatari visite le Royaume pour la première fois depuis 2017.
L’importance de la réouverture des frontières et de la reprise des voyages entre le royaume et le Qatar n’échappent pas aux centaines de familles séparées. Le tissu social du Golfe est particulièrement complexe, et liens de de mariage et de sang transfrontaliers sont monnaie courante.
Des vidéos d’hommes, de femmes et d’enfants qui dansent et se réjouissent de l’accalmie inondent les réseaux sociaux. Beaucoup même disent attendre avec impatience le moment des retrouvailles avec leurs proches de l'autre côté de la frontière dans un avenir proche.
Dans une vidéo, on peut voir un garçon qatari, en conversation téléphonique avec son père, sauter de joie à la perspective de le revoir. Au milieu des rires, les larmes de joie coulent sur le visage de l’enfant. «Yalla (allez), allons-y» dit le garçon et le père répondit: «Prépare-toi, c’est pour bientôt, mon fils».
Ismail Mohammed, à l’identifiant @soom3a70, un attaquant du club de football du Qatar Al-Duhail FC, était tout aussi euphorique. Né et élevé à la Mecque, la ville où sa mère réside toujours, il s'est tourné vers les médias sociaux pour exprimer sa joie. «Bonne nouvelle maman, notre rencontre est aussi proche», écrit-il.
Des scènes similaires doivent se dérouler dans de nombreuses autres familles séparées depuis 2017. Sara Abdelhakeem Abdullah, une Saoudienne de 22 ans qui a épousé un qatari en 2018, peut désormais voyager librement vers le Royaume. «Mon mari m’a réveillé tard hier soir pour m’annoncer la réouverture des frontières», a-t-elle déclaré à Arab News. «Les mots me manquent. Il est si difficile d’exprimer mes sentiments. J'essaie depuis longtemps de trouver un moyen facile de retourner à Djeddah où réside encore ma famille».
Malgré les restrictions sur les voyages aériens dans les pays du CCG en raison de la pandémie, Sara a pu visiter brièvement ses proches à Djeddah le mois dernier, avec le soutien de sa famille qatarie. Mais le nombre d’escales était très fatigant pour elle et sa fille, âgée d'un an. «Se déplacer d'un aéroport à l’autre, attendre en correspondance pendant des heures, n'est pas tâche aisée», confie-t-elle. «Mais le voyage en valait la peine en fin de compte car je n'avais pas revu mon père, mes frères et mes sœurs depuis mon mariage».
La jeune mariée a dû s'adapter à une nouvelle vie à l'étranger pour la première fois de sa vie, et elle avoue que ce n’est pas du tout facile de ne pouvoir rencontrer sa propre famille. La douleur de la séparation s’est amplifiée pendant sa grossesse, puisqu’elle ne savait pas quand ses parents et frères et sœurs pourraient rencontrer leur première petite-fille.
Peu de temps avant sa date prévue pour l'accouchement, elle a réussi à revoir sa mère et sa plus jeune sœur, mais trois membres de sa famille n’ont pu assister à la rencontre.
Le soulagement de les avoir à ses côté fut de courte durée, car les deux visiteuses étaient contraintes de rentrer en Arabie saoudite dans un délai d'un mois.
«C'était la chose la plus difficile que l'on puisse imaginer, un sentiment que je souhaiterai à personne. Les premiers mois de mariage étaient difficiles, mais ne pas avoir ma mère quand j'avais vraiment besoin d'elle était certainement pénible», confie-elle. «Mais ce sont toutes des choses du passé, les bons moments sont au coin de la rue».
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com