L'ONU craint que «l'aventurisme militaire risqué» ne pousse le Yémen dans un nouveau cycle de guerre

Hans Grundberg (au centre), l'envoyé spécial des Nations unies pour le Yémen, rencontre des responsables locaux dans la troisième ville du pays, Taez, le 12 février 2024 (AFP/Dossier)
Hans Grundberg (au centre), l'envoyé spécial des Nations unies pour le Yémen, rencontre des responsables locaux dans la troisième ville du pays, Taez, le 12 février 2024 (AFP/Dossier)
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Publié le Vendredi 15 mars 2024

L'ONU craint que «l'aventurisme militaire risqué» ne pousse le Yémen dans un nouveau cycle de guerre

  • L'envoyé russe met en garde: sans une solution juste à la question palestinienne, la région «restera un foyer de tensions permanent»
  • «Les événements qui se déroulent à l’échelle régionale ont des répercussions sur le Yémen, et les développements survenant au Yémen peuvent influer sur la région», a déclaré l'envoyé spécial Hans Grundberg au Conseil de sécurité

NEW YORK: Plus l'escalade des attaques houthies dans la mer Rouge perdure, plus la médiation pour parvenir à un processus de paix au Yémen devient complexe, a averti l'ONU jeudi.  

Les responsables onusiens ont exprimé leur crainte que les parties impliquées dans le conflit dans le pays ne décident de s'engager dans «un aventurisme militaire risqué» qui pousserait le Yémen dans un nouveau cycle de guerre. 

«Bien que nous ayons cherché à préserver le processus de paix des développements régionaux depuis la guerre à Gaza, il est indéniable que les événements qui se déroulent à l’échelle régionale ont des répercussions sur le Yémen, et que les développements qui surviennent au Yémen peuvent également influer sur la région», a déclaré Hans Grundberg, l'envoyé spécial de l'ONU pour le Yémen, lors d'une réunion du Conseil de sécurité qui portait sur les derniers développements dans le pays et en mer Rouge. 

«La trajectoire actuelle suscite de sérieuses inquiétudes», a-t-il ajouté. 

Depuis novembre, les Houthis, soutenus par l'Iran, ciblent les navires en mer Rouge et dans le golfe d'Aden, menaçant de poursuivre leurs attaques jusqu'à ce qu'Israël mette fin à sa guerre contre Gaza. En réponse, les États-Unis et le Royaume-Uni ont mené des frappes militaires contre des zones contrôlées par les Houthis.  

Le 7 mars, deux ressortissants philippins ainsi qu’un citoyen vietnamien ont été tués et plusieurs membres d'équipage ont été blessés lorsque les Houthis ont attaqué un transporteur marchand battant pavillon de la Barbade dans le golfe d'Aden. Ces décès sont les premiers causés par les récentes attaques du groupe contre le trafic maritime. Auparavant, les Houthis avaient coulé le navire-cargo Rubymar, battant pavillon du Belize et appartenant au Royaume-Uni, qui transportait 21 000 tonnes d'engrais, à l’aide de missiles balistiques, soulevant ainsi des inquiétudes environnementales quant aux dommages potentiels en mer Rouge, notamment sur les récifs coralliens et la vie marine. 

«Avec la mer Rouge [qui est] désormais au cœur d’un ensemble plus large de cercles concentriques d'escalade», Grundberg a une fois de plus mis en garde contre le risque de nouveaux débordements du conflit à Gaza. Il a exhorté toutes les parties au Yémen à faire preuve de «la plus grande retenue» et à désamorcer le conflit dans le pays, réitérant également les appels de l'ONU à un «cessez-le-feu humanitaire immédiat à Gaza».  

Au Yémen, bien que les hostilités demeurent à des niveaux relativement bas par rapport à la période précédant la trêve de l'ONU en avril 2022, Grundberg a souligné les récents affrontements à Hudaydah, Lahj, Marib, Saadah, Chabwa et Taïz. 

«Les parties continuent également de proférer des menaces publiques de retour à la guerre», a-t-il déclaré. «De nombreux Yéménites à qui j'ai parlé ont exprimé leurs craintes d'une escalade potentielle des combats internes. Nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour l'empêcher.» 

Grundberg a ajouté que son attention reste concentrée sur les efforts qui visent à parvenir à un accord de cessez-le-feu au Yémen et à entamer un processus politique pour la paix.  

Edem Wosornu, directrice des opérations et du plaidoyer au Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l'ONU, a averti que les progrès réalisés depuis la trêve de 2022 étaient «en danger de s'effondrer». 

Elle a indiqué en outre aux membres du Conseil: «Les niveaux d'insécurité alimentaire et de malnutrition ont augmenté de manière alarmante ces derniers mois, constituant une menace réelle et croissante pour la vie et le bien-être de millions de personnes, en particulier les femmes et les enfants.» 

«Près de 17,8 millions de Yéménites ont besoin d'une assistance humanitaire pour survivre, dont 5 millions d'enfants de moins de 5 ans, qui ont besoin cette année d’un traitement contre la malnutrition aiguë.» Cette situation sanitaire désastreuse a incité l'Organisation mondiale de la santé à avertir que le fragile système de santé yéménite est surchargé et «au bord de l'effondrement». 

«Les causes sont bien connues: conflit, crise économique prolongée, et des pénuries de plus en plus graves de financement qui ont un impact significatif sur l'aide humanitaire», a-t-elle ajouté. 

Les attaques contre les navires en mer Rouge, telles que celle qui a été menée contre le Rubymar, pourraient avoir des «impacts directs et indirects sur les moyens de subsistance de milliers de personnes dans les communautés côtières qui dépendent de la pêche pour survivre», a-t-elle renchéri. 

«Cet incident illustre les risques substantiels posés par l'escalade croissante autour du Yémen.» 

S’exprimant au nom du chef humanitaire de l'ONU, Martin Griffiths, Edem Wosornu a réitéré l'appel de l'ONU à toutes les parties au Yémen «de se conformer au droit international et de s'abstenir d'actions qui pourraient aggraver la situation». 

Abdallah al-Saadi, le représentant permanent du Yémen auprès des Nations unies, a affirmé que les Houthis «doivent cesser leur escalade militaire et leur guerre contre le peuple yéménite et ses aspirations. Il est nécessaire qu’ils mettent fin à leurs menaces contre la paix et la sécurité internationales régionales en optant pour la paix. Nous devons renouveler l'espoir d'un retour au désir de paix». 

Yamazaki Kazuyuki, le représentant permanent du Japon auprès des Nations unies, a vivement condamné les attaques des Houthis contre le trafic maritime, les qualifiant d'actions «scandaleuses et injustifiables» qui «entravent le commerce mondial et sapent les droits et libertés de navigation ainsi que la paix et la sécurité régionales».  

Il a ajouté: «Les Houthis doivent cesser d'attaquer les navires commerciaux et libérer immédiatement le Galaxy Leader, exploité par les Japonais et ses vingt-cinq membres d'équipage. Les Houthis doivent également s'abstenir de toute autre menace contre la sécurité maritime, l'environnement et les civils innocents.» 

Dmitriy Polyanskiy, le représentant permanent adjoint de la Russie auprès des Nations unies, a appelé la communauté internationale à persévérer dans ses efforts pour mettre fin aux opérations militaires d'Israël dans la bande de Gaza.  

«La résolution de ce problème sera cruciale pour stabiliser la situation non seulement en mer Rouge, mais aussi dans d'autres régions du Moyen-Orient, où les actions d'Israël suscitent une juste colère et une indignation», a-t-il déclaré aux membres du Conseil. 

«La question palestinienne, non résolue depuis tant d'années, a également ses répercussions. Sans une solution juste, conforme aux paramètres légaux internationaux convenus, la région restera un foyer de tensions permanent.» 

«Faire l’autruche n'est pas approprié et pourrait déstabiliser la situation à l’échelle régionale, mais aussi mondiale. La Russie est prête à prendre toutes les mesures nécessaires pour éviter que cela ne se produise.» 

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Syrie: Chareh lance un appel à l'unité un an après la chute d'Assad

Le président syrien Ahmed al-Chareh a exhorté lundi, un an après la chute de Bachar al-Assad, son peuple à s'unir pour rebâtir un pays ravagé par des années de guerre civile. (AFP)
Le président syrien Ahmed al-Chareh a exhorté lundi, un an après la chute de Bachar al-Assad, son peuple à s'unir pour rebâtir un pays ravagé par des années de guerre civile. (AFP)
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  • Après les prières du matin à mosquée des Omeyyades, il a salué "les sacrifices et l'héroïsme des combattants" ayant renversé il y a un an l'ex-dictateur Assad, selon un communiqué de la présidence
  • Ahmed al-Chareh, ancien jihadiste de 43 ans, était devenu dans la foulée chef d'Etat par intérim après 14 ans de guerre civile et plus de cinq décennies d'un régime familial à la main de fer

DAMAS: Le président syrien Ahmed al-Chareh a exhorté lundi, un an après la chute de Bachar al-Assad, son peuple à s'unir pour rebâtir un pays ravagé par des années de guerre civile.

"La phase actuelle exige que tous les citoyens unissent leurs efforts pour bâtir une Syrie forte, consolider sa stabilité, préserver sa souveraineté", a déclaré le dirigeant, endossant pour l'occasion l'uniforme militaire comme le 8 décembre 2024, quand il était entré dans Damas à la tête de forces rebelles.

Après les prières du matin à mosquée des Omeyyades, il a salué "les sacrifices et l'héroïsme des combattants" ayant renversé il y a un an l'ex-dictateur Assad, selon un communiqué de la présidence.

Ahmed al-Chareh, ancien jihadiste de 43 ans, était devenu dans la foulée chef d'Etat par intérim après 14 ans de guerre civile et plus de cinq décennies d'un régime familial à la main de fer.

Il a rompu avec son passé jihadiste et réhabilité la Syrie sur la scène internationale, obtenant la levée des sanctions internationales, mais reste confronté à d'importantes défis sécuritaires.

De sanglantes violences intercommunautaires dans les régions des minorités druze et alaouite, et de nombreuses opérations militaires du voisin israélien ont secoué la fragile transition.

"C'est l'occasion de reconstruire des communautés brisées et de panser des divisions profondes", a souligné dans un communiqué le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres.

"L'occasion de forger une nation où chaque Syrien, indépendamment de son appartenance ethnique, de sa religion, de son sexe ou de son affiliation politique, peut vivre en sécurité, dans l'égalité et dans la dignité".

Les célébrations de l'offensive éclair, qui ont débuté fin novembre, doivent culminer lundi avec une parade militaire et un discours du président syrien.

Elles sont toutefois marquées par le boycott lancé samedi par un chef spirituel alaouite, Ghazal Ghazal. Depuis la destitution d'Assad, lui-même alaouite, cette minorité est la cible d'attaques.

L'administration kurde, qui contrôle une grande partie du nord et du nord-est de la Syrie, a également annoncé l'interdiction de rassemblements et événements publics dimanche et lundi "en raison de la situation sécuritaire actuelle et de l'activité accrue des cellules terroristes".

 


Liban: l'armée annonce six arrestations après une attaque visant des Casques bleus

Israël, dont l'accord de trêve prévoit pourtant le retrait total du pays voisin, maintient de son côté dans la zone cinq positions militaires dans la région. La Finul a à plusieurs reprises accusé les troupes israéliennes de tirs à son encontre. (AFP)
Israël, dont l'accord de trêve prévoit pourtant le retrait total du pays voisin, maintient de son côté dans la zone cinq positions militaires dans la région. La Finul a à plusieurs reprises accusé les troupes israéliennes de tirs à son encontre. (AFP)
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  • L'armée a souligné dans un communiqué qu'elle ne tolérerait aucune attaque contre la Finul mettant en avant son "rôle essentiel" dans le sud du Liban
  • "Les attaques contre les Casques bleus sont inacceptables", avait de fustigé vendredi la Finul, rappelant "aux autorités libanaises leur obligation d'assurer" sa sécurité

BEYROUTH: Six personnes ont été arrêtées au Liban, soupçonnées d'être impliquées dans une attaque d'une patrouille de Casques bleus jeudi dans le sud du pays, qui n'a pas fait de blessés, a annoncé l'armée libanaise samedi.

L'incident s'était produit jeudi soir, selon un communiqué de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul) quand "des Casques bleus en patrouille ont été approchés par six hommes sur trois mobylettes près de Bint Jbeil". "Un homme a tiré environ trois coups de feu sur l'arrière du véhicule. Personne n'a été blessé".

L'armée a souligné dans un communiqué qu'elle ne tolérerait aucune attaque contre la Finul mettant en avant son "rôle essentiel" dans le sud du Liban, où, déployée depuis 1978, elle est désormais chargée de veiller au respect du cessez-le-feu qui a mis fin en novembre 2024 à la dernière guerre entre Israël et le Hezbollah pro-iranien.

"Les attaques contre les Casques bleus sont inacceptables", avait de fustigé vendredi la Finul, rappelant "aux autorités libanaises leur obligation d'assurer" sa sécurité.

Bastion du Hezbollah, le sud du Liban subit ces dernières semaines des bombardements réguliers de la part d'Israël, qui assure viser des cibles du mouvement chiite et l'accuse d'y reconstituer ses infrastructures, en violation de l'accord de cessez-le-feu.

Israël, dont l'accord de trêve prévoit pourtant le retrait total du pays voisin, maintient de son côté dans la zone cinq positions militaires dans la région. La Finul a à plusieurs reprises accusé les troupes israéliennes de tirs à son encontre.

Mercredi, le quartier général de la Finul a accueilli à Naqoura, près de la frontière avec Israël, de premières discussions directes, depuis des décennies, entre des responsables israélien et libanais, en présence de l'émissaire américaine pour le Proche-Orient Morgan Ortagus.

Le président libanais, Joseph Aoun, a annoncé de prochaines discussions à partir du 19 décembre, qualifiant de "positive" la réunion tenue dans le cadre du comité de surveillance du cessez-le-feu, disant que l'objectif était d'éloigner "le spectre d'une deuxième guerre" au Liban.


Les efforts pour panser les «profondes divisions» de la Syrie sont ardus mais «pas insurmontables», déclare Guterres

Des Syriens font la queue dans les rues de Damas en attendant un défilé de la nouvelle armée syrienne, pour marquer le premier anniversaire de l'éviction de Bashar Assad, le 8 décembre 2025. (AP)
Des Syriens font la queue dans les rues de Damas en attendant un défilé de la nouvelle armée syrienne, pour marquer le premier anniversaire de l'éviction de Bashar Assad, le 8 décembre 2025. (AP)
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  • Antonio Guterres salue "la fin d'un système de répression vieux de plusieurs décennies", "la résilience et le courage" des Syriens
  • La transition offre l'opportunité de "forger une nation où chaque Syrien peut vivre en sécurité, sur un pied d'égalité et dans la dignité"

NEW YORK : Les efforts pour guérir les "profondes divisions" de la Syrie seront longs et ardus mais les défis à venir ne sont "pas insurmontables", a déclaré dimanche le Secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, à l'occasion du premier anniversaire de la chute du régime Assad.

Une offensive surprise menée par une coalition de forces rebelles dirigées par Hayat Tahrir al-Sham et des milices alliées a rapidement balayé les zones tenues par le régime à la fin du mois de novembre 2024. En l'espace de quelques jours, elles se sont emparées de villes clés et ont finalement capturé la capitale Damas.

Le 8 décembre de l'année dernière, alors que les défenses du régime s'effondraient presque du jour au lendemain, le président de l'époque, Bachar Assad, a fui la République arabe syrienne, mettant fin à plus de 50 ans de règne brutal de sa famille.

"Aujourd'hui, un an s'est écoulé depuis la chute du gouvernement Assad et la fin d'un système de répression vieux de plusieurs décennies", a déclaré M. Guterres, saluant la "résilience et le courage" des Syriens "qui n'ont jamais cessé de nourrir l'espoir en dépit d'épreuves inimaginables".

Il a ajouté que cet anniversaire était à la fois un moment de réflexion sur les sacrifices consentis en vue d'un "changement historique" et un rappel du chemin difficile qui reste à parcourir pour le pays.

"Ce qui nous attend est bien plus qu'une transition politique ; c'est la chance de reconstruire des communautés brisées et de guérir de profondes divisions", a-t-il déclaré, ajoutant que la transition offre l'occasion de "forger une nation où chaque Syrien - indépendamment de son appartenance ethnique, de sa religion, de son sexe ou de son affiliation politique - peut vivre en sécurité, sur un pied d'égalité et dans la dignité".

M. Guterres a souligné que les Nations Unies continueraient à soutenir les Syriens dans la mise en place de nouvelles institutions politiques et civiques.

"Les défis sont importants, mais pas insurmontables", a-t-il déclaré. "L'année écoulée a montré qu'un changement significatif est possible lorsque les Syriens sont responsabilisés et soutenus dans la conduite de leur propre transition.

Il a ajouté que les communautés à travers le pays construisent de nouvelles structures de gouvernance et que "les femmes syriennes continuent de mener la charge pour leurs droits, la justice et l'égalité".

Bien que les besoins humanitaires restent "immenses", il a souligné les progrès réalisés dans la restauration des services, l'élargissement de l'accès à l'aide et la création de conditions propices au retour des réfugiés et des personnes déplacées.

Des efforts en matière de justice transitionnelle sont en cours, a-t-il ajouté, ainsi qu'un engagement civique plus large. M. Guterres a exhorté les gouvernements à soutenir fermement une "transition dirigée par les Syriens et prise en charge par les Syriens", précisant que le soutien doit inclure le respect de la souveraineté, la suppression des obstacles à la reconstruction et un financement solide pour le redressement humanitaire et économique.

"En ce jour anniversaire, nous sommes unis dans un même but : construire les fondations de la paix et de la prospérité et renouveler notre engagement en faveur d'une Syrie libre, souveraine, unie et ouverte à tous", a ajouté M. Guterres.