Emmanuel Macron, bête noire du Kremlin

Le président russe Vladimir Poutine descend les marches pour s'adresser aux troupes du ministère de la Défense, de la Garde nationale, du service de sécurité du FSB et du ministère de l'intérieur rassemblées sur la place Sobornaya (cathédrale) depuis le porche du Palais des Facettes sur le terrain du Kremlin en centre de Moscou le 27 juin 2023. (AFP)
Le président russe Vladimir Poutine descend les marches pour s'adresser aux troupes du ministère de la Défense, de la Garde nationale, du service de sécurité du FSB et du ministère de l'intérieur rassemblées sur la place Sobornaya (cathédrale) depuis le porche du Palais des Facettes sur le terrain du Kremlin en centre de Moscou le 27 juin 2023. (AFP)
Short Url
Publié le Vendredi 15 mars 2024

Emmanuel Macron, bête noire du Kremlin

  • «En Russie, ils ont bien entendu des "troupes au sol" et pour eux, la traduction était univoque: c’est on envoie l’Otan pour aider l'Ukraine», dit un expert
  • Dans l'entourage d'Emmanuel Macron, on relève plus sobrement que le président français est «allé au bout du bout» de ce qui était possible avec Vladimir Poutine

PARIS: Emmanuel Macron, taxé de faiseur de guerre par Moscou, est devenu la bête noire de la propagande russe depuis qu'il a évoqué le possible envoi de soldats occidentaux en Ukraine au nom de "l’ambiguïté stratégique".

Les coups les plus violents sont venus de l'ex-président Dmitri Medvedev, aujourd'hui numéro deux du Conseil de sécurité du pays. Autrefois libéral assumé, ouvert à l'Occident, il est devenu l'un des plus féroces adversaires du "camp d'en face" depuis l'invasion de l'Ukraine par son pays le 24 février 2022.

Allant jusqu'à menacer, de façon voilée, la sécurité d'Emmanuel Macron s'il se rendait à Kiev, il a aussi ironisé à chaque report du voyage présidentiel, initialement annoncé pour février puis avant la "mi-mars", et désormais dans les "prochaines semaines". "C'est un trouillard", a-t-il lâché sur X dans un message aux accents particulièrement orduriers.

Emmanuel Macron a démenti jeudi soir toute considération liée à la sécurité dans le report de son déplacement.

Du côté du Kremlin, le vocable est beaucoup plus policé mais le message tout aussi frontal alors que les Russes s'apprêtent à voter de vendredi à dimanche pour choisir leur président, une élection destinée à triomphalement reconduire Vladimir Poutine pour un cinquième mandat à la tête du pays.

Épouvantail

"Qu'est-il arrivé à Emmanuel Macron ? A-t-il perdu la boule ?", a demandé le présentateur pro-Kremlin Dmitri Kissilev mercredi au président russe. "Je pense qu'il y a de la rancune" en raison de l'influence grandissante de la Russie en Afrique, a répliqué Vladimir Poutine.

Après les propos du président français le 26 février sur l'éventualité d'un envoi de militaires occidentaux en Ukraine, il lui avait promis le sort de Napoléon dans sa terrible campagne de Russie s'il passait de la parole aux actes.

"Les conséquences de ces interventions seraient vraiment tragiques", avait-il asséné en agitant la "menace réelle" d'une guerre nucléaire.

Avant même les déclarations contestées du président français, l'ambassade russe en France avait déjà dénoncé, début février, "l'irresponsabilité et le danger de l'implication de plus en plus grande de Paris dans le conflit ukrainien".

Pour Tatiana Kastouéva-Jean, spécialiste de la Russie à l'Institut français des relations internationales (Ifri), le virage à 180 degrés d'Emmanuel Macron vis-à-vis de Vladimir Poutine a déclenché ce paroxysme.

"Il y a une incompréhension: comment on passe de quelqu’un qui veut discuter avec la Russie, être le médiateur, à quelqu'un qui prend le lead du camp le plus dur face à elle", relève-t-elle.

"En Russie, ils ont bien entendu des +troupes au sol+ et pour eux, la traduction était univoque: c’est on envoie l’Otan pour aider l'Ukraine", ajoute-t-elle à l'AFP. Or depuis l'époque soviétique, l'Otan est l'épouvantail dans la perception russe, la menace existentielle par excellence.

«Macroléon»

Le président français a explicité jeudi soir sa position, assurant que l'Europe devait être "prête à répondre" à une "escalade" de la Russie, mais sans "jamais" prendre elle-même "l'initiative" de l'engagement militaire.

S'il a durci le ton dès 2023 envers Moscou, il se montre beaucoup plus alarmiste depuis sa dernière rencontre avec son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky le 16 février à Paris, avertissant désormais que la Russie "ne s'arrêtera pas là" si elle gagne en Ukraine.

"Je pense qu'il a réalisé que Poutine l'a trompé", a esquissé le président ukrainien lundi sur BFMTV.

Il s'est senti "humilié" car il n'avait "jamais pensé que Poutine lui mentirait autant", renchérit le philosophe Pascal Bruckner, cité par le quotidien américain New York Times.

Dans l'entourage d'Emmanuel Macron, on relève plus sobrement que le président français est "allé au bout du bout" de ce qui était possible avec Vladimir Poutine.

Il est aujourd'hui "le plus fondé à dire que cette voie-là n’est pas possible", ajoute-t-on, estimant que "c'est le Kremlin qui a changé, pas lui".

Une version, sans surprise, totalement réfutée à Moscou. "C'est la position de Macron qui a radicalement changé", pointe Sergueï Markov, le directeur pro-Kremlin de l'Institut d'études politiques russe. "Il est devenu le leader du camp de la guerre. On l'appelle Macroléon", dit-il à l'AFP, en référence à Napoléon.


Après une attaque au couteau par un Algérien en France, Paris met la pression sur Alger

La police scientifique française recueille des preuves sur le site d'une attaque à l'arme blanche où un homme est soupçonné d'avoir tué une personne et blessé deux agents de la police municipale à Mulhouse, dans l'est de la France, le 23 février 2025. (AFP)
La police scientifique française recueille des preuves sur le site d'une attaque à l'arme blanche où un homme est soupçonné d'avoir tué une personne et blessé deux agents de la police municipale à Mulhouse, dans l'est de la France, le 23 février 2025. (AFP)
Short Url
  • Deux jours après une attaque au couteau par un Algérien en France, le Premier ministre François Bayrou a jugé "inacceptable" le refus de l'Algérie de reprendre l'assaillant et promis de montrer la "détermination" de Paris
  • Le Premier ministre a promis de montrer la "détermination" de Paris, qui pourrait engager des mesures de rétorsion dès cette semaine, notamment sur les visas

PARIS: Deux jours après une attaque au couteau par un Algérien en France, le Premier ministre François Bayrou a jugé "inacceptable" le refus de l'Algérie de reprendre l'assaillant et promis de montrer la "détermination" de Paris, qui pourrait engager des mesures de rétorsion dès cette semaine, notamment sur les visas.

Les semaines se suivent et les tensions entre l’Algérie et la France ne cessent de s'aggraver.

Lundi, le ton est encore monté d'un cran: le chef du gouvernement français a jugé "inacceptable" le refus d'Alger de reprendre son ressortissant, avant qu'il ne tue un homme et en blesse cinq autres samedi soir à Mulhouse, dans l'Est du pays.

"Il avait été présenté dix fois aux autorités algériennes pour que son pays d'origine accepte que nous le renvoyions chez lui. Les dix fois, la réponse a été non", a dénoncé François Bayrou.

Pourtant le suspect, interpellé en plein passage à l'acte, n'était pas à son premier fait d'arme: "arrivé illégalement" en France en 2014 selon le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau, cet homme de 37 ans avait récemment purgé une peine de prison pour apologie du terrorisme.

L'heure est maintenant à "préparer (et) prendre les décisions pour que le gouvernement et les pouvoirs publics algériens comprennent quelle est la détermination de la France", a-t-il ajouté.

Allusion au conseil interministériel de contrôle de l'immigration prévu mercredi. Une réunion programmée avant l'attentat, où l'Algérie devrait désormais s'imposer comme le sujet central.

La porte-parole du gouvernement Sophie Primas a évoqué certaines des mesures de rétorsion envisagées: "On n'est pas obligé d'avoir des visas en quantité aussi importante", a-t-elle estimé sur la radio RTL, suggérant aussi de "cibler un certain nombre de personnes qui sont importantes dans les relations (franco-algériennes) et ne plus leur donner de visas".

- Couac et surenchère -

Abondant dans le même sens, le député du parti présidentiel David Amiel a estimé sur la radio Franceinfo que "la priorité absolue à court terme" était de "remettre en cause l'accord de 2007 qui prévoit que les dignitaires algériens peuvent se rendre en France sans visa".

Il s'agit de "faire pression sur le régime" en ciblant "la nomenklatura algérienne, pas les citoyens ordinaires", a-t-il ajouté.

Mais dans ce domaine, l'exécutif doit aussi composer avec la surenchère du Rassemblement national (RN), le parti d'extrême droite de Marine Le Pen, qui réclame la fin des visas ou du suivi médical de dirigeants algériens en France, ainsi que la révision de l'accord d'association entre l'Union européenne et l'Algérie - réclamée par le président algérien Abdelmadjid Tebboune.

Le président du RN, Jordan Bardella, a lui aussi réclamé "un bras de fer diplomatique avec Alger", déplorant "une humiliation" de la France.

Le président Emmanuel Macron ne s'est pour l'heure pas exprimé sur le sujet.

Les relations entre Paris et Alger se sont détériorées depuis l'été 2024 avec l'annonce de l'appui de la France au plan d'autonomie marocain pour le territoire disputé du Sahara occidental.

Et les rapports se sont encore tendus ces dernières semaines avec la détention en Algérie de l'écrivain franco-algérien Boualem Sansal et l'arrestation en France de plusieurs influenceurs algériens pour apologie de la violence.

"Qui en France peut soutenir que la dureté n'est pas du côté du régime algérien ?", s'est interrogé lundi soir le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau, pointant du doigt le cas de Boualem Sansal. "Moi, je n'admets pas que la France soit humiliée", a ajouté le ministre.

"Il y a un homme (Boualem Sansal) dont la vie est en danger et un pays qui méconnaît le droit international", a-t-il insisté.

L'influenceur algérien Youcef A., alias "Zazou Youssef", a été condamné lundi en France à 18 mois de prison ferme pour "provocation directe à un acte de terrorisme" pour des propos tenus sur TikTok.

Et le même jour, six mois de prison avec sursis ont été requis en France à l'encontre de Boualem Naman, influenceur algérien connu sous le pseudo "Doualemn", jugé pour "provocation non suivie d'effet à commettre un crime ou un délit" après la diffusion d'une vidéo litigieuse.

Cet agent d'entretien de 59 ans aux 138.000 abonnés sur TikTok est notamment accusé d'avoir appelé sur les réseaux sociaux à "tuer" et "à faire souffrir" un manifestant opposé au gouvernement d'Alger.

Et le déplacement mardi du président du Sénat, Gérard Larcher, au Sahara occidental ne devrait pas arranger les relations franco-algériennes.


Alors qu'une crise diplomatique est en cours avec l'Algérie, Larcher se rend au Sahara occidental mardi

Président du Sénat Larcher (Getty Images)
Président du Sénat Larcher (Getty Images)
Short Url
  • Le président du Sénat, Gérard Larcher, en visite officielle au Maroc depuis dimanche, se rendra mardi au Sahara occidental
  • M. Larcher est arrivé dimanche à Rabat, à l'invitation de son homologue marocain, « afin de renforcer la coopération interparlementaire et les liens d'amitié » entre les deux pays, selon un communiqué du Sénat.

PARIS : Gérard Larcher, président du Sénat, se rendra mardi au Sahara occidental, territoire contesté de longue date par l'Algérie et sujet de discorde avec la France depuis que Paris y a reconnu la souveraineté de Rabat. Le président du Sénat est en visite officielle au Maroc depuis dimanche.

Ce déplacement survient par ailleurs quelques jours après l'attentat de Mulhouse, perpétré par un individu né en Algérie et en situation irrégulière en France. Il est sous le coup d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF) après avoir purgé une peine de prison pour apologie du terrorisme.

Toutefois, l'Algérie a « refusé à dix reprises » de le reprendre sur son territoire, selon le ministre français de l'Intérieur, Bruno Retailleau.

Dans ce contexte inflammable avec Alger, M. Larcher est arrivé dimanche à Rabat, à l'invitation de son homologue marocain, « afin de renforcer la coopération interparlementaire et les liens d'amitié » entre les deux pays, selon un communiqué du Sénat.

Accompagné de plusieurs élus de la chambre haute, le président du Sénat doit également rencontrer le Premier ministre marocain à Rabat, avant de se rendre mardi à Laâyoune, capitale du Sahara occidental, pour y « refléter la nouvelle position de la France selon laquelle le présent et l'avenir du Sahara occidental s'inscrivent dans le cadre de la souveraineté marocaine ».

Une formule calquée sur celle d'Emmanuel Macron, qui avait acté fin octobre ce tournant diplomatique, selon lui « hostile à personne », mais qui a suscité l'ire du régime algérien.

Avant M. Larcher, la ministre française de la Culture, Rachida Dati, s'était déjà rendue au Sahara occidental en février. Alger avait considéré cette visite « d'une gravité particulière » et « condamnable à plus d'un titre ».


Attaque au couteau en France: la porte-parole du gouvernement veut durcir le ton avec l'Algérie

La porte-parole du gouvernement français Sophie Primas a évoqué lundi diverses mesures de rétorsion contre l'Algérie, deux jours après une attaque mortelle au couteau à Mulhouse dans l'est de la France. (AFP)
La porte-parole du gouvernement français Sophie Primas a évoqué lundi diverses mesures de rétorsion contre l'Algérie, deux jours après une attaque mortelle au couteau à Mulhouse dans l'est de la France. (AFP)
Short Url
  • L'Algérien de 37 ans a été interpellé samedi peu après l'attaque au couteau qui a tué un passant, un Portugais de 69 ans, et blessé au moins trois policiers municipaux, aux cris de "Allah Akbar"
  • "On n'est pas obligé d'avoir des visas en quantité aussi importante", a estimé la porte-parole du gouvernement Sophie Primas sur la radio RTL

PARIS: La porte-parole du gouvernement français Sophie Primas a évoqué lundi diverses mesures de rétorsion contre l'Algérie, deux jours après une attaque mortelle au couteau à Mulhouse dans l'est de la France.

Le principal suspect, né en Algérie et en situation irrégulière en France, est sous le coup d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF), mais l'Algérie a "refusé à dix reprises" de le reprendre sur son territoire, selon le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau.

L'Algérien de 37 ans a été interpellé samedi peu après l'attaque au couteau qui a tué un passant, un Portugais de 69 ans, et blessé au moins trois policiers municipaux, aux cris de "Allah Akbar".

"On n'est pas obligé d'avoir des visas en quantité aussi importante", a estimé la porte-parole du gouvernement Sophie Primas sur la radio RTL, suggérant aussi de "cibler un certain nombre de personnes qui sont importantes dans les relations (franco-algériennes) et ne plus leur donner de visas".

Ces deux mesures seront "sur la table" d'un conseil interministériel de contrôle de l'immigration prévu mercredi, qui concernera également "d'autres pays avec lesquels on a des problèmes de retour" pour les étrangers en instance d'expulsion du territoire.

Abondant dans le même sens, le député du parti présidentiel de Macron, David Amiel, a estimé que "la priorité absolue à court terme" était de "remettre en cause l'accord de 2007 qui prévoit que les dignitaires algériens peuvent se rendre en France sans visa", afin de "faire pression sur le régime" en ciblant "la nomenklatura algérienne, pas les citoyens ordinaires".

Le vice-président du Rassemblement national (extrême droite), Sébastien Chenu, a pour sa part jugé que "le nombre de visas est excessivement important" et qu'on "pourrait aller jusqu'à (ce) qu'il n'y ait plus aucun visa".

Il a ensuite énuméré d'autres leviers dont "les transferts de fonds, le fait de soigner des dirigeants algériens dans notre pays", ainsi que la révision de l'accord d'association entre l'Union européenne et l'Algérie - réclamée par le président Abdelmadjid Tebboune.

"Il y a de quoi pouvoir faire pression" et "nous disons au gouvernement: +vous ne pouvez pas manquer ce coche+", a souligné M. Chenu.

Sophie Primas a par ailleurs plaidé pour un durcissement de la loi sur la "rétention de sûreté", toujours en lien avec l'attentat de Mulhouse dont le suspect avait récemment purgé une peine de prison pour apologie du terrorisme.