TERRITOIRES PALESTINIENS : Un premier bateau chargé de vivres pour la population affamée par plus de cinq mois de guerre est arrivé vendredi au large de la bande de Gaza, au moment où les Palestiniens se rassemblaient sous tension pour la première grande prière depuis le début du ramadan.
Le Hamas, qui exigeait jusqu'ici d'Israël un cessez-le-feu définitif avant tout accord sur une libération des otages retenus à Gaza, s'est dit prêt vendredi à une trêve de six semaines associée à un échange d'otages contre des prisonniers palestiniens.
Pour aider à l'acheminement de l'aide dans la bande de Gaza, assiégée par Israël, plusieurs pays ont ouvert une voie maritime depuis Chypre. Un premier bateau de l'ONG espagnole Open Arms, remorquant une barge chargée de 200 tonnes de vivres, est arrivé vendredi au large de la ville de Gaza, dans le nord du territoire, selon des images de l'AFP.
Au matin, des habitants observaient au loin le bateau depuis le littoral de la Méditerranée.
"Je veux de l'aide pour mes enfants. Je veux qu'ils vivent et ne meurent pas de faim. Ils ne mangent que des plantes sauvages, il n'y a pas de pain. C'est le mois du ramadan et il n'y a rien à manger à Gaza", a raconté à l'AFP l'un d'eux, Abou Issa Ibrahim Filfil.
L'ONU redoute une famine généralisée dans le territoire palestinien, notamment dans le nord, difficilement accessible, où vivent actuellement plus de 300.000 personnes.
Le Hamas a accusé l'armée israélienne d'avoir une nouvelle fois ouvert le feu jeudi soir avec "des chars et des hélicoptères" dans cette région, sur une foule qui attendait une distribution de farine à l'entrée de la ville de Gaza.
L'armée a rejeté ces accusations vendredi et affirmé que c'était des "Palestiniens armés" qui avaient tiré sur la foule.
Ces tirs ont fait 20 morts et 155 blessés, selon le ministère de la Santé du Hamas.
"Il y a eu des tirs directs des forces d'occupation sur des gens rassemblés au rond-point Koweït pour attendre l'arrivée de camions avec de la nourriture", a raconté à l'AFP le docteur Mohammed Ghurab, directeur des services d'urgence de l'hôpital al-Chifa.
- 300.000 repas -
Une course contre la montre est engagée pendant ce temps pour tenter d'acheminer davantage d'aide humanitaire dans le territoire.
L'aide arrive principalement depuis l'Egypte via Rafah, dans le sud, après avoir été inspectée par Israël, mais reste très insuffisante face aux besoins immenses des 2,4 millions d'habitants de la bande de Gaza.
Face à l'urgence humanitaire, plusieurs pays ont commencé à organiser des parachutages ou un couloir maritime depuis Chypre, mais tous soulignent que ces voies d'approvisionnement ne peuvent se substituer aux routes terrestres.
Parti mardi de Chypre, le bateau d'Open Arms transporte 300.000 repas préparés par l'ONG américaine World Central Kitchen.
Une équipe de WCK déjà présente à Gaza a construit une jetée flottante où doivent être débarquées les cargaisons.
La guerre a été déclenchée le 7 octobre par une attaque sans précédent menée par des commandos du Hamas infiltrés depuis Gaza dans le sud d'Israël, qui a entraîné la mort d'au moins 1.160 personnes, la plupart des civils, selon un décompte de l'AFP établi à partir de sources officielles israéliennes.
Selon Israël, environ 250 personnes ont été enlevées et 130 d'entre elles sont toujours otages à Gaza, dont 32 seraient mortes.
En représailles, Israël a promis d'anéantir le mouvement islamiste, au pouvoir à Gaza depuis 2007, qu'il considère comme une organisation terroriste de même que les Etats-Unis et l'Union européenne.
Son armée a lancé une offensive qui a fait jusqu'à présent 31.490 morts dans la bande de Gaza, en majorité des civils, selon le ministère de la Santé du Hamas qui a dénombré vendredi 149 morts en 24 heures.
- Prières dans les ruines -
Des dizaines de frappes ont visé le territoire vendredi, notamment la ville de Gaza, Khan Younès dans le sud ainsi que le centre, selon les autorités du Hamas. Des témoins ont signalé des combats à Khan Younès et dans le quartier de Zeitoun à Gaza-ville.
La guerre a aussi envenimé les tensions dans les Territoires palestiniens occupés par Israël, où les fidèles musulmans ont participé vendredi à la première grande prière depuis le début du ramadan le 11 mars.
A Jérusalem, des dizaines de milliers de fidèles se sont réunis sans incident sur l'esplanade des Mosquées, sous haute surveillance policière, pendant qu'à Gaza, des habitants se rassemblaient pour prier au milieu des ruines.
"Nous nous rassemblons sur les décombres de notre mosquée détruite. Cette année, le ramadan est complètement différent à cause de tous les martyrs et des nombreux blessés, et du manque de nourriture", a témoigné Baker Abou Ghiran, un homme déplacé à Rafah.
Face à l'intransigeance des deux camps, les Etats-Unis, l'Egypte et le Qatar, les trois pays médiateurs, ne sont pas parvenus à arracher un accord de trêve comme ils l'espéraient avant le ramadan.
Le Hamas semble cependant avoir infléchi sa position. Un de ses responsables a annoncé vendredi à l'AFP que le mouvement islamiste était désormais prêt à une trêve de six semaines, pendant laquelle 42 otages, femmes, enfants, personnes âgées et malades pourraient être libérés en échange de 20 à 50 prisonniers palestiniens, selon que les otages soient des civils ou des militaires.
Durant cette éventuelle trêve, le mouvement islamiste exige le "retrait de l'armée de toutes les villes et zones peuplées", le "retour des déplacés sans restrictions" et l'entrée d'au moins 500 camions d'aide humanitaire par jour à Gaza, selon ce responsable.
Le bureau du Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, avait jugé jeudi que "le Hamas continuait à maintenir des demandes irréalistes".
Benjamin Netanyahu a promis de poursuivre la guerre jusqu'à l'élimination du Hamas et annoncé une offensive prochaine contre la ville de Rafah, collée contre la frontière fermée avec l'Egypte, où sont massés, selon l'ONU, environ un million et demi de Palestiniens.