PEKIN: Le ministre chinois des Affaires étrangères Wang Yi a dénoncé jeudi devant la presse le comportement des Etats-Unis et loué le partenariat Pékin-Moscou, qualifiant également la situation humanitaire à Gaza de "honte pour la civilisation".
L'expérimenté diplomate de 70 ans a fustigé les multiples tentatives américaines d'exercer une "pression" sur Pékin et a dénoncé "la volonté de blâmer la Chine sous n'importe quel prétexte", qui "a atteint un niveau inimaginable".
"Les moyens de pression sur la Chine sont sans cesse renouvelés et la liste des sanctions unilatérales constamment allongée", a déploré Wang Yi. "Nous nous opposons résolument à toute hégémonie et intimidation."
Les tensions sino-américaines sont vives sur plusieurs dossiers: Taïwan, commerce, rivalité dans les nouvelles technologies, lutte d'influence en Asie-Pacifique ou encore droits humains.
Wang Yi s'exprimait lors de la session annuelle du Parlement chinois.
Sa prise de parole intervient à un moment où l'influence politique croissante de Pékin suscite des inquiétudes parmi les Occidentaux et certains de ses voisins asiatiques.
Les dirigeants des pays d'Asie du sud-est (Asean) et d'Australie ont ainsi mis en garde mercredi contre les actions qui "menacent la paix" en mer de Chine méridionale, après de nouveaux incidents entre la Chine et les Philippines dans ces eaux disputées.
Mer de Chine méridionale: Pékin affirme qu'il «défendra» ses droits dans la zone
Ces derniers mois, les tensions entre la Chine et les Philippines qui affirment de plus en plus fermement leurs revendications territoriales ont atteint des niveaux inégalés depuis plusieurs années.
La Chine revendique la quasi-totalité des îles de la mer de Chine méridionale. D'autres pays riverains comme le Vietnam, les Philippines, la Malaisie et Brunei ont des prétentions concurrentes, qui se chevauchent parfois.
"Nous défendrons nos droits légitimes conformément à la loi", a indiqué le chef de la diplomatie chinoise Wang Yi, après un nouvel accrochage cette semaine entre garde-côtes chinois et philippins qui a conduit à des collisions entre leurs bateaux.
"Sur les différends maritimes, la Chine a toujours fait preuve d'une grande retenue", a-t-il souligné.
"Mais bien sûr, nous ne permettons pas que l'on abuse de notre bonne volonté et nous n'acceptons pas la distorsion ou la violation délibérée des lois de la mer", a-t-il déclaré.
«Tragédie humaine»
Alors que Washington soutient régulièrement Manille, Wang Yi a exhorté "certains pays extérieurs à la région à ne pas provoquer de troubles ou à ne pas prendre parti" et à ne pas être "des fauteurs de troubles" dans cette zone maritime.
Sur Taïwan, il a averti que les dirigeants de l'île cherchant à obtenir l'indépendance du territoire, revendiqué par la Chine et soutenu par les Etats-Unis, devront rendre des comptes devant l'histoire.
Wang Yi a par ailleurs rejeté l'idée que Pékin constituait une menace pour l'ordre mondial.
"Face à un environnement international instable et complexe, la Chine sera résolument une force pour la paix, la stabilité et le progrès dans le monde", a-t-il souligné.
Wang Yi a ainsi réaffirmé le soutien de Pékin pour la cause palestinienne et demandé à nouveau la reconnaissance par l'ONU d'un Etat palestinien à part entière.
"Aucune excuse ne peut justifier le massacre de civils", a-t-il souligné alors que le conflit entre Israël et le Hamas fait toujours rage dans la bande de Gaza.
"Le fait qu'aujourd'hui, au XXIe siècle, cette catastrophe humanitaire ne puisse être arrêtée est une tragédie humaine, plus encore, c'est une honte pour la civilisation", a-t-il ajouté, réitérant l'appel de son pays à un cessez-le-feu.
Ton conciliant avec l'UE
Wang Yi a également défendu jeudi les bonnes relations de son pays avec la Russie, alors que la Chine est critiquée par les Occidentaux sur le dossier ukrainien.
Si Pékin appelle au respect de l'intégrité territoriale de tous les pays - sous-entendu Ukraine comprise - il n'a jamais condamné publiquement Moscou.
"La Chine et la Russie ont créé un nouveau modèle pour les relations entre grandes puissances, qui diffère complètement de l'ancienne époque de la Guerre froide", a indiqué Wang Yi.
"Sur la base du non-alignement, de la non-confrontation et du non-ciblage de pays tiers, nous poursuivrons sur la voie d'une amitié de bon voisinage permanente et d'un approfondissement de notre coopération stratégique globale" avec Moscou, a-t-il souligné.
Pékin cherche à se positionner comme médiateur et partie neutre dans la guerre, mais sa relation avec Moscou s'est approfondie depuis le début du conflit.
Sur l'Union européenne (UE), qui affiche une méfiance croissante à l'égard de la Chine et la décrit simultanément comme "un partenaire, un concurrent et un rival systémique", Wang Yi a jugé "ce triple positionnement ni conforme à la réalité ni viable dans la pratique".
"C'est comme si une voiture était à une intersection et que les feux rouge, jaune et vert étaient tous allumés. Dans quelle direction conduire?", s'est-il interrogé.
"Il n'existe pas de conflit d'intérêt fondamental entre la Chine et l'Europe", a souligné Wang Yi, pour qui "les intérêts communs des deux parties l'emportent de loin sur leurs différences".