Plus de quatre mois après le début d’une guerre dévastatrice, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou a enfin soumis à son cabinet de sécurité un document qui prétend être un plan pour la gestion de Gaza après la guerre.
En réalité, il s’agit uniquement d’un ensemble d’actions israéliennes des plus évidentes, des plus générales et des plus inquiétantes, qui représentent un retour à la situation d’avant-guerre, mais avec excessivement plus de contrôle israélien que de vision de l’avenir.
Il n’existe aucun plan pour parvenir à la paix et à la réconciliation avec les Palestiniens et aucune leçon n’a été tirée du paradigme conceptuel du contrôle total de la sécurité qui a coûté la vie à tant de personnes des deux côtés.
Tout au long de cette guerre, Netanyahou et l’ensemble de son cabinet ont soutenu que l’objectif était de détruire le Hamas. Non seulement cela n’était dès le départ pas viable, mais cette stratégie manquait également de vision pour l’avenir d’un Gaza d’après-guerre, même sans le Hamas, ainsi que de vision plus large des relations avec le peuple palestinien.
Comme pour tout ce que Netanyahou dit ou fait, cela ressemble davantage au comportement d’un petit politicien qui cherche désespérément à faire appel à ses partisans de moins en moins nombreux, plutôt qu’à un homme d’État avec un plan à long terme pour sortir son pays du gouffre profond dans lequel il l’a plongé.
L’ensemble des principes évoqués par le Premier ministre dans ledit document peut facilement être considéré comme un acte de défi ultime, une tentative d’anticiper la pression croissante, tant de la part de la communauté internationale que de la part de ceux qui exigent la libération des otages israéliens détenus par le Hamas, ce qui pourrait le contraindre à accepter le cessez-le-feu que rejettent ses partisans et ses partenaires de coalition gouvernementale de droite.
Alternativement, puisque son prétendu plan est en réalité une déclaration qui ne mentionne aucun calendrier ou détail et soutient clairement que l’opération militaire israélienne se poursuivra jusqu’à ce qu’elle détruise les capacités militaires et l’infrastructure de gouvernance du Hamas et du Jihad islamique, il peut être considéré comme un exercice mené dans le seul but de prétendre qu’il a un plan, uniquement pour gagner du temps, alors que le véritable objectif est de prolonger la guerre pendant plusieurs mois encore.
Dans un paragraphe très court du document, intitulé «Sur le long terme», Netanyahou révèle qu’il n’a aucun intérêt à tirer des conclusions constructives des événements désastreux survenus depuis le 7 octobre. Ce qu’il qualifie de plan sur le long terme n’est qu’un retour à la même situation dans laquelle se trouvaient Israël et les Palestiniens avant la guerre, mais avec Israël exigeant encore plus de pouvoir pour dicter la nature des relations entre les deux.
Ce faisant, il dit «non» à une solution à deux États et à la normalisation des relations avec la région.
Le «non-plan» de Netanyahou révèle également son obsession avec la sécurité d’Israël, qu’il considère comme un jeu à somme nulle qui ne peut être gagné que si les Palestiniens vivent sous le contrôle israélien total avec très peu de droits – encore moins le droit à l’autodétermination.
Ce n’est qu’un élément de plus qui confirme pourquoi il devrait quitter immédiatement son poste et se retirer complètement de la vie politique. Son inaptitude à s’attaquer aux causes profondes du conflit, au premier rang desquelles figurent l’absence d’un État palestinien et l’occupation israélienne, met en danger la sécurité israélienne et l’en rend responsable.
Il s’agit du même vieux paradigme de sécurité israélien, qui soutient que ce n’est qu’en opprimant les Palestiniens et en les privant de leurs droits qu’Israël pourra garantir sa sécurité et survivre, plutôt qu’en créant un État palestinien et en permettant aux Palestiniens de jouir de droits égaux afin de pouvoir réaliser leur plein potentiel dans tous les aspects de leur vie.
L’inaptitude de Netanyahou à s’attaquer aux causes profondes du conflit l’en rendent responsable.- Yossi Mekelberg
On serait tenté de croire que l’intolérable facilité avec laquelle le massacre du 7 octobre a été perpétré, les nombreux mois de guerre qui ont suivi et qui se sont étendus au-delà de Gaza, les dégâts causés à l’économie israélienne et l’isolement international croissant du pays conduiraient à un changement dans la façon de penser. Pas le moins du monde.
La société israélienne s’accorde, en grande partie, pour dire – comme le souligne le document de Netanyahou – que les impératifs fondamentaux sont la libération des otages et le fait qu’aucune force venue de Gaza ne constitue dorénavant de menace pour Israël.
Cependant, la proposition selon laquelle Israël devrait poursuivre ses opérations militaires à Gaza en toute liberté et sans limite de temps représente simplement le maintien du régime de blocus d’avant-guerre et une zone tampon aussi longtemps qu’Israël le juge nécessaire, y compris le long de la frontière avec l’Égypte.
De plus, on insiste sur un contrôle de sécurité complet sur l’ensemble de la Cisjordanie, ce qui constitue une violation flagrante des accords d’Oslo. En d’autres termes, s’il reste de la place pour un énième «dernier» clou dans le cercueil des accords post-Oslo, Netanyahou est déterminé à l’enfoncer.
Ce qui reste délibérément vague dans le «plan» d’après-guerre du Premier ministre est de savoir qui gouvernera Gaza et de quelle manière, une fois les hostilités terminées. Un aspect positif de l’ambiguïté dans cette affaire est que Netanyahou n’exclut pas la possibilité que l’Autorité palestinienne le dirige, mais accorde à Israël, du moins dans l’esprit de ceux qui ont écrit ce document, le dernier mot sur qui contrôlera la vie de tous les jours à Gaza.
Mais revenons à la réalité: si Israël recherche une coopération avec des forces palestiniennes plus modérées et plus pragmatiques, ainsi que le soutien de puissances régionales et internationales capables de faciliter et de financer une transition vers une gouvernance durable et unie de la Cisjordanie et de Gaza, Israël devrait renoncer à l’idée selon laquelle elle peut dicter les modalités politiques futures; sinon, cela donnera à nouveau du pouvoir aux extrémistes qui se nourrissent de conflits et de discorde.
Ce ne serait pas un plan de Netanyahou sans une exigence de démanteler l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient. Cela accuse presque l’agence d’être responsable du massacre du 7 octobre en suggérant qu’elle a autorisé les attaques en éduquant des générations de Palestiniens à soutenir la destruction d’Israël.
Mis à part les lacunes au niveau de cette allégation, aucune organisation n’est sacrée ou irremplaçable, surtout lorsque les circonstances changent. Néanmoins, le remplacement de l’Unrwa nécessiterait plus qu’un discours creux sur l’intégration d’autres groupes humanitaires sans planification méticuleuse ni budgets adéquats et sans évaluer le vide que l’agence laisserait derrière elle.
Israël et les Palestiniens devraient relever un défi de taille pour élaborer des plans bien pensés pour le Gaza d’après-guerre. À ce stade, un accord de cessez-le-feu entre Israël et le Hamas, prévoyant également un échange d’otages israéliens et de prisonniers palestiniens, est indispensable. Mais cela doit se faire sans perdre de vue la nécessité d’une solution plus globale à long terme.
Ce qui est clair, c’est que le fait que l’État juif impose un diktat à Netanyahou, surtout s’il est unilatéral dans la pratique et dans l’esprit, n’est ni viable ni souhaitable. Israël a déjà tenté cette approche et – de toute évidence – cela s’est mal fini.
Yossi Mekelberg est professeur de relations internationales et membre associé dans le Programme Mena à Chatham House.
X: @YMekelberg
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com