La menace nucléaire iranienne: Rien à redire?

Des manifestants brandissent des drapeaux iraniens et une énorme figurine gonflée représentant le guide suprême iranien Ali Khamenei tenant une bombe nucléaire, alors qu'ils protestent contre le régime iranien, principale source de guerre et de crise au Moyen-Orient, le 16 février 2024 sur la place Odeonsplatz à Munich. (AFP).
Des manifestants brandissent des drapeaux iraniens et une énorme figurine gonflée représentant le guide suprême iranien Ali Khamenei tenant une bombe nucléaire, alors qu'ils protestent contre le régime iranien, principale source de guerre et de crise au Moyen-Orient, le 16 février 2024 sur la place Odeonsplatz à Munich. (AFP).
Short Url
Publié le Vendredi 01 mars 2024

La menace nucléaire iranienne: Rien à redire?

La menace nucléaire iranienne: Rien à redire?
  • Un rapport souligne qu’avec son «stock restant d’uranium enrichi à 60% et son stock d’uranium enrichi à près de 20%», l’Iran peut produire six bombes nucléaires en l’espace d’un mois et douze bombes en l’espace de six mois
  • Selon ce rapport, la situation tendue dans la région offre à l’Iran une occasion unique et une justification interne exagérée pour posséder des armes nucléaires

La poursuite persistante par l’Iran de ses capacités nucléaires n’est une surprise pour personne dans notre région ou dans le monde. La possibilité de militariser ces capacités et de les convertir d’armes conventionnelles en armes de destruction massive n’est pas non plus une nouvelle question pour les experts. C’est pourquoi le contenu du dernier rapport de l’Institut pour la science et la sécurité internationale n’est peut-être pas une grande découverte.

Le rapport met en garde contre la menace nucléaire posée par l’Iran, soulignant qu’avec son «stock restant d’uranium enrichi à 60% et son stock d’uranium enrichi à près de 20%», l’Iran peut produire six bombes nucléaires en l’espace d’un mois et douze bombes en l’espace de six mois. Le rapport traite de la menace croissante que représente le programme nucléaire iranien depuis mai 2023, menace exacerbée par l’opération Déluge d’Al-Aqsa du 7 octobre 2023.

Selon ce rapport, la situation tendue dans la région offre à l’Iran une occasion unique et une justification interne exagérée pour posséder des armes nucléaires. La capacité des États-Unis et d’Israël à surveiller, sans parler de dissuader, le développement du programme nucléaire iranien, a considérablement diminué. Le rapport évoque le rôle des conflits au Moyen-Orient dans la négligence de la menace nucléaire iranienne.

Avec la possibilité réelle de posséder une arme nucléaire, l’institut a fait passer le compteur Geiger de la menace iranienne de 140 degrés en mai 2023 à 180 degrés, la plaçant pour la première fois dans la catégorie «Extrême danger». Les détails du rapport publié ne sont pas remarquables, du moins pour les observateurs et les experts.

La possibilité de faire passer le niveau d’enrichissement de l’uranium de 60 % à 90 % en l’espace d’une semaine est évoquée depuis longtemps. Ce n’est qu’une question de décision politique, car les connaissances techniques et l’équipement nécessaire sont disponibles. Il est difficile de se fier aux mesures d’inspection et de contrôle de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), car de nombreuses installations nucléaires iraniennes sont secrètes et les inspecteurs ne se rendent pas régulièrement sur place en raison de divergences entre Téhéran et l’organisation.

En fin de compte, tout dépend de la volonté du régime iranien de disposer ou non de capacités nucléaires militaires. Tous les efforts déployés par les administrations américaines successives ont échoué à contenir la poursuite par l’Iran d’un programme nucléaire avancé qui peut être transformé en programme militaire dès que le Guide suprême iranien le décide.

Il s’agit d’un dirigeant qui, sur un ton politiquement correct, ne cesse de parler de l’interdiction de posséder une bombe nucléaire. Cependant, il existe toujours une porte de sortie, soit la taqiya ou le faux-semblant politique, qui permet de contourner cet engagement spontané si le régime iranien se sent réellement menacé dans son destin.

Lorsque l’on parle de la probabilité de créer les conditions d’une nucléarisation de l’Iran, il faut s’entendre sur quelques points essentiels. Tout d’abord, la distinction entre l’État iranien, le peuple et la menace qui pourrait contraindre le régime à franchir ce pas, d’une part, et la menace perçue par le régime lui-même, d’autre part. Cette dernière est plus sérieuse et a plus d’impact sur les dirigeants iraniens que la première. Si les ressources humaines, telles que les Gardiens de la révolution ou la première ligne de commandement du régime, ou les installations, telles que les principales installations nucléaires, sont exposées à une menace majeure, le Guide suprême sera très probablement contraint de protéger le régime, quelles qu’en soient les conséquences. Un autre point important est la conscience qu’ont les dirigeants iraniens des facteurs de danger et des sources de menace dans l’environnement stratégique régional et international actuel. Le régime iranien se sent de plus en plus menacé, bien que les États-Unis veillent à ne pas franchir de lignes rouges dans leurs relations avec leurs adversaires.

Ce qui inquiète le plus Téhéran actuellement, c’est le déroulement des confrontations entre ses mandataires terroristes dans les territoires palestiniens, au Liban, au Yémen, en Irak et en Syrie, d’une part, et Israël et les États-Unis, d’autre part. Les tensions augmentent entre Israël et le Hezbollah au Liban, principal bras armé de l’Iran au Moyen-Orient.

Une tendance internationale se dessine également, qui souligne la responsabilité de l’Iran dans le chaos et les troubles au Moyen-Orient, ainsi que les conséquences d’une responsabilisation de l’Iran ou d’une limitation de son rôle à cet égard.

En tout état de cause, l’Iran ne peut plus nier le chaos causé par les attaques de missiles et les opérations de drones de ce que l’on appelle l’«Axe de la Résistance». Il doit donc s’attendre à un retour de bâton, notamment de la part d’Israël et, dans une moindre mesure, des États-Unis. Ce scénario peut se concrétiser si les bonnes conditions sont réunies, soit lorsque Israël mettra fin à la guerre à Gaza, maîtrisera la crise sécuritaire avec le Hezbollah à sa frontière nord et que ses habitants du nord et du sud pourront rentrer chez eux, soit à la fin de l’année, lorsque se déroulera l’élection présidentielle américaine. Téhéran est conscient de la forte probabilité que l’ancien président, Donald Trump, puisse revenir au pouvoir.

Un conflit stratégique global fait rage au Moyen-Orient entre l’axe de la modération, qui comprend de nombreux pays arabes et du Golfe, et le prétendu axe de la résistance, qui comprend l’Iran et ses terroristes sectaires et miliciens. Parallèlement, Téhéran est engagé dans une course contre la montre pour maintenir son influence et les avantages stratégiques qu’il a acquis ces dernières années. L’Iran cherche à améliorer la capacité de survie de ses agents, à neutraliser les parties régionales influentes et à empêcher son isolement régional.

Ces objectifs dépendent de l’issue des guerres et des conflits actuels dans la région géostratégique du Moyen-Orient, ainsi que d’autres facteurs plus ou moins importants. Il s’agit notamment de la confiance croissante en soi des pays de la région et de leur capacité à faire face aux sources de menace et à les gérer, de la perte de confiance dans la capacité de dissuasion des États-Unis, qui a atteint son niveau le plus bas depuis des décennies, et du rôle croissant de la Chine et de la Russie, qui offrent aux pays de la région de nouvelles alternatives en matière de partenariats stratégiques.

 

Salem AlKetbi est un politologue émirati et ancien candidat au Conseil national fédéral.

X : @salemalketbieng

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français