Dans les discussions en cours dans les médias occidentaux sur les suites de la guerre de Gaza, il devient évident que les options présentées posent des difficultés. Formuler des plans et des stratégies pour l’après-guerre n’est pas aussi simple que certains le pensent. Toutes les suggestions, qu’elles soient discutées en privé ou en public, impliquent des perspectives contradictoires, et certaines semblent trop optimistes.
De mon point de vue, les aspects les plus complexes du débat sur l’après-guerre tournent autour de l’avenir de Gaza, englobant les questions de gouvernance civile et de dépendance sécuritaire. L’identification des premières étapes vers une résolution ou un règlement politique global de l’ensemble de la question palestinienne devient un défi si l’on considère ce point comme l’un des obstacles à surmonter. Il semble qu’Israël ne puisse pas se contenter de céder des territoires pour faire partie d’un État palestinien indépendant, surtout s’il ne parvient pas à éliminer les organisations extrémistes et à neutraliser leurs chefs militaires et politiques. La probabilité d’atteindre cet objectif reste incertaine, compte tenu des indicateurs du champ de bataille.
Un autre aspect concerne la proposition d’un contrôle étranger conjoint de la bande, une idée qui ressemble davantage à une fiction. Aucun pays arabe ou musulman ne souhaite s’impliquer dans ce conflit, étant donné les échecs évidents associés à ce scénario.
Une autre idée consiste à transférer l’administration de Gaza à l’Autorité palestinienne, qui jouit de la plus grande reconnaissance internationale et régionale, moyennant quelques réformes de ses structures actuelles.
Les opinions sur l’avenir de Gaza diffèrent selon les segments de la population israélienne, les régions et les perspectives internationales.
- Salem Al Ketbi
Cela semble logique au départ, mais s’avère difficile à mettre en œuvre en raison des divergences entre Palestiniens ou de problèmes profondément enracinés au sein de l’Autorité, tels que la corruption, la faiblesse des capacités et le laxisme administratif. Il devient difficile d’envisager des réformes acceptables dans un délai raisonnable.
La grande question demeure: comment écarter un mouvement idéologique extrémiste de la rue palestinienne?
L’idéologie profondément enracinée des organisations extrémistes fait qu’il est difficile de changer véritablement la culture dominante en faveur de la coexistence et de la modération dans un court laps de temps, en particulier au regard des conditions de vie difficiles qui exigent des efforts constants pour améliorer, changer les attitudes et éradiquer progressivement la pensée radicale et la violence.
Cela suppose un environnement propice à la mise en œuvre de ce programme.
Les opinions sur l’avenir de Gaza diffèrent selon les segments de la population israélienne, les régions et les perspectives internationales. La question n’est pas seulement liée à l’orientation du gouvernement de Benjamin Netanyahou, mais aussi aux Israéliens de droite qui s’inquiètent d’une répétition potentielle de l’attaque terroriste du 7 octobre.
Ils considèrent que l’annexion du Golan à Israël est la solution à la situation de Gaza, et que le plan de désengagement unilatéral des territoires palestiniens sous Ariel Sharon est une erreur stratégique aux conséquences désastreuses, dont le point culminant est un attentat terroriste catastrophique. Ces préoccupations peuvent être comprises à la lumière de ce qui s’est passé ce jour-là et de son impact catastrophique sur la conscience collective d’Israël.
La réalité met également en évidence une équation qui a dominé les discussions le lendemain et qui ne peut être négligée: l’engagement des pays donateurs du Golfe à financer les plans de reconstruction de Gaza avec un horizon et une voie clairs et non négociables vers un État palestinien. Il est impératif de combler ce fossé pour obtenir les fonds nécessaires à la reconstruction de la vie à Gaza. Il s’agit là d’une étape incontournable pour discuter de la possibilité d’éradiquer complètement la culture de la violence et de l’extrémisme à Gaza.
Il ne fait aucun doute que la situation actuelle est parsemée de difficultés et que les jours à venir pourraient être pleins de surprises. Personne ne pense vraiment au sort des quelque deux millions de Palestiniens qui vivent dans la bande de Gaza au milieu des destructions et de la fermeture de tous les moyens de subsistance.
La question de savoir comment ces nombreuses personnes vont pouvoir s’installer et reconstruire leur vie pendant une période indéfinie, jusqu’à ce qu’Israël prenne des mesures de sécurité pour supprimer les tunnels et débarrasser toute la bande de l’infrastructure militaire des organisations palestiniennes, en supposant qu’il ait l’intention de se retirer de la région une fois ces mesures achevées, reste très incertaine. La destruction de la bande de Gaza pourrait signifier que l’on reporte la possibilité d’une solution pacifique à la question palestinienne et que l’on retarde la paix jusqu’à ce que des solutions humanitaires et d’urgence soient trouvées pour les habitants de la bande.
Cependant, il convient de noter qu’une pression accrue sur cette importante population dans le coin étroit de Rafah pourrait entraîner de nouvelles crises et tensions aux frontières égyptiennes. Une situation qui pourrait également placer les autres parties régionales devant un casse-tête stratégique non mentionné dans le débat sur Gaza.
La solution commence certainement par l’écoute de la voix de la raison, car dans les circonstances actuelles, il n’y a pas d’alternative. Il faut reconnaître que l’absence d’espoir et de perspectives est un cadeau précieux qu’Israël fait aux organisations extrémistes. Ces organisations ont prospéré au fil des ans en raison de deux facteurs cruciaux: l’absence de perspectives de règlement et l’absence d’alternative sur la scène palestinienne.
L’opinion négative d’une partie importante du peuple palestinien sur les dirigeants de l’administration n’est un secret pour personne et ce sentiment persiste.
Les progrès réels vers la paix doivent se concentrer non seulement sur les gouvernements et les dirigeants, mais aussi sur l’orientation des peuples palestinien et israélien.
La population est très divisée sur des questions telles que la solution à deux États, comme le montrent les sondages d’opinion publiés. Toutefois, je pense qu’il s’agit de sentiments temporaires influencés par la crise actuelle et qu’ils peuvent être corrigés par des efforts accrus et une orientation vers l’avenir. Dans l’ensemble, Israël doit examiner de manière pragmatique les détails du conflit et se rendre compte que le seul moyen de vivre en paix est d’établir les principes de coexistence entre les peuples palestinien et israélien. Il n’est pas possible d’exclure, de marginaliser et encore moins de détruire l’autre partie au conflit.
Salem AlKetbi est un politologue émirati et ancien candidat au Conseil national fédéral.
X : @salemalketbieng
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français