RAFAH: Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a ordonné vendredi à son armée de préparer un "plan d'évacuation" des civils de Rafah, la communauté internationale s'alarmant d'une éventuelle offensive terrestre d'Israël contre ce principal refuge des déplacés de la guerre dans la bande de Gaza.
Dans une rare critique à l'égard d'Israël depuis le début il y a quatre mois de la guerre entre Israël et le mouvement islamiste palestinien Hamas, le président américain Joe Biden a jugé "excessive" la "riposte dans la bande de Gaza" à l'attaque du 7 octobre.
La guerre a été déclenchée par une attaque sans précédent menée ce jour-là par des commandos du Hamas infiltrés de la bande de Gaza dans le sud d'Israël, qui a fait plus de 1 160 de morts, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP à partir de données officielles israéliennes.
En représailles, Israël a juré de "détruire" le Hamas et lancé une vaste offensive qui a fait au moins 27 940 morts à Gaza, en grande majorité des civils, selon le ministère de la Santé du mouvement islamiste, qui a pris le pouvoir en 2007 dans le territoire palestinien.
Ces dernières 24 heures, au moins 107 Palestiniens ont été tués dans les bombardements aériens israéliens sur le territoire assiégé, notamment à Rafah et Khan Younès, distantes de quelques kilomètres, a précisé le ministère.
A Rafah, plusieurs bâtiments ont été détruits, selon des photographes de l'AFP. Dans un quartier, des personnes sont vues porter les corps de trois enfants tués dans un bombardement.
Après avoir ordonné mercredi à son armée de préparer une offensive sur Rafah, Benjamin Netanyahu lui a demandé vendredi de lui soumettre un "plan combiné" d'"évacuation" des civils de Rafah et de "destruction" du Hamas dans cette ville, selon ses services.
"Il est impossible d'atteindre l'objectif de la guerre sans éliminer le Hamas et en laissant quatre bataillons du Hamas à Rafah", et cela requiert que "les civils évacuent les zones de combat", a-t-il dit.
«Adieu à l'humanité»
Adossée à la frontière, fermée, avec l'Egypte, la ville de Rafah abrite 1,3 million de Palestiniens dont la grande majorité ont été déplacés par la guerre et vivent dans des conditions désastreuses. Elle est soumise quotidiennement à des bombardements aériens.
Les Etats-Unis ont indiqué jeudi qu'ils "ne soutiendraient pas" une opération d'envergure à Rafah et le secrétaire d'Etat Antony Blinken, qui a achevé jeudi en Israël une tournée régionale, en a fait directement part à M. Netanyahu, selon le département d'Etat.
"Mener une telle opération maintenant (à Rafah) sans planification et sans réflexion dans une zone abritant un million de personnes serait un désastre", a averti le département d'Etat.
Pour le patron de l'ONU Antonio Guterres, une telle offensive "aggraverait de façon exponentielle l'actuel cauchemar humanitaire".
Dans le même sens, le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell a estimé qu'elle "aurait des conséquences catastrophiques, aggravant une situation humanitaire déjà désastreuse et un bilan civil insupportable".
La présidence de l'Autorité palestinienne a condamné "la menace réelle" d'une offensive contre Rafah, parlant "d'un dangereux prélude" à l'application du projet politique israélien visant à "déplacer les Palestiniens de leur terre". "Les Palestiniens n'accepteront pas d'être déplacés de force hors de leur patrie."
"S'ils envahissent Rafah, comme l'a dit Netanyahu, il y aura des massacres et nous pourrons dire adieu à toute humanité", a déclaré Adel al-Hajj, un déplacé dans la ville.
Gaza: les forces israéliennes prennent d’assaut un hôpital de Khan Younès
Les forces israéliennes ont pris d'assaut vendredi un hôpital de Khan Younès, ville du sud de la bande de Gaza qu'elles assiègent depuis plusieurs semaines, a annoncé le Croissant-rouge palestinien (PRCS), qui gère l'établissement.
"Les forces d'occupation (israéliennes) ont pris d'assaut l'hôpital Al-Amal et commencé à le fouiller", et "nous avons du mal à communiquer avec nos équipes à l'intérieur", a indiqué le PRCS dans un communiqué.
L'armée israélienne a confirmé à l'AFP que ses troupes avaient lancé une opération de recherches dans l'hôpital après avoir recueilli des "renseignements indiquant que le Hamas menait des activités terroristes" dans le complexe.
L'hôpital Al-Amal s'est retrouvé au milieu des combats entre forces israéliennes et combattants du Hamas, au pouvoir à Gaza depuis 2007. Jeudi, le PRCS avait fait état d'"intenses bombardements" et de "tirs nourris d'armes lourdes" autour de l'établissement.
L'ONG d'aide médicale réclame depuis plusieurs jours qu'il soit protégé et puisse continuer à se ravitailler, soulignant les pénuries d'oxygène, de médicaments et de carburant qui alimente les groupes électrogènes lui fournissant de l'électricité.
En début de semaine, le Croissant-Rouge avait indiqué que 8 000 personnes qui avaient trouvé refuge à Al-Amal et dans son siège local proche avaient été évacuées.
Une vidéo publiée par le PRCS montre un médecin poussant un lit à roulettes transportant une femme âgée dans une rue endommagée.
Environ 40 déplacés, 80 patients et 100 employés sont restés dans l'hôpital après l'évacuation, avait indiqué lundi le PRCS.
Bien qu'ils bénéficient en théorie d'une protection particulière selon les lois de la guerre, les hôpitaux ont été régulièrement visés depuis le début de la guerre en octobre.
Il n'y a plus aucun hôpital qui fonctionne normalement dans la bande de Gaza, ont indiqué mercredi les Nations unies, et un peu plus d'un tiers continuent à travailler au ralenti.
Fin des négociations au Caire
Après avoir lancé le 7 octobre des bombardements incessants par terre, mer et air contre le territoire de 362 km2 où s'entassent quelque 2,4 millions d'habitants, l'armée israélienne y a lancé le 27 octobre une offensive terrestre dans le nord de la bande de Gaza avant de l'étendre au sud surtout à Khan Younès, au nord de Rafah.
Vendredi, les forces israéliennes ont pris d'assaut l'hôpital Al-Amal à Khan Younès, a indiqué le Croissant-rouge palestinien. Environ 40 déplacés, 80 patients et 100 employés se trouvent encore dans l'établissement, avait indiqué lundi cette source.
L'armée a confirmé "une opération de ratissage sur la base de renseignements indiquant que le Hamas menait des activités terroristes au sein de l'hôpital".
Durant l'attaque du 7 octobre, environ 250 personnes ont également été enlevées et emmenées à Gaza. Selon Israël, 132 otages y sont toujours détenus, dont 29 seraient morts.
Des négociations entre les médiateurs qatari et égyptien et le Hamas, lancées jeudi au Caire pour tenter de parvenir à un accord de trêve incluant un échange de prisonniers palestiniens et d'otages, ont pris fin vendredi, a indiqué à l'AFP un responsable du Hamas. "La délégation du Hamas a quitté le Caire", a indiqué le responsable en disant, sans autre précisions, "attendre une réponse d'Israël".
Un accord avait permis fin novembre une trêve d'une semaine, l'acheminement de davantage d'aide à Gaza et la libération d'une centaine d'otages et de quelque 240 prisonniers palestiniens écroués par Israël.
Sur un autre front de bataille, le mouvement libanais pro-iranien Hezbollah, un allié du Hamas, a affirmé avoir lancé vendredi des dizaines de roquettes sur une position militaire israélienne dans le Golan syrien occupé par Israël. Et l'armée israélienne a fait état de frappes aériennes sur des positions du Hezbollah dans le sud du Liban, frontalier du nord d'Israël.
Gaza: le projet israélien d’offensive sur Rafah est «alarmant», déclare Josep Borrell
Le projet israélien d'offensive sur Rafah, dernier refuge des déplacés de la guerre dans la bande de Gaza, est "alarmant", a déclaré vendredi le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell.
"Les informations faisant état d’une offensive militaire israélienne sur Rafah sont alarmantes", a affirmé M. Borrell sur X.
"Cela aurait des conséquences catastrophiques, aggravant une situation humanitaire déjà désastreuse et un bilan civil insupportable", a-t-il ajouté.
"1,4 million de Palestiniens se trouvent actuellement à Rafah, sans endroit sûr où aller, confrontés à la famine", a poursuivi M. Borrell.
A l'extrême sud de la bande de Gaza, à la frontière avec l'Egypte, Rafah accueille actuellement plus d'un million des quelque 2,4 habitants de Gaza, une population déplacée par la guerre.