MADRID: Portée par la reprise du tourisme et par le plan de relance européen, la croissance espagnole a résisté à la morosité ambiante l'an dernier, plaçant l'Espagne en tête des grandes économies de la zone euro.
Selon une première estimation publiée mardi par l'Institut national des statistiques (INE), le produit intérieur brut (PIB) de l'Espagne a progressé de 2,5% en 2023, contre 0,9% en France, 0,7% en Italie et une contraction de 0,3% en Allemagne.
Ce chiffre dépasse légèrement la prévision du gouvernement espagnol, qui pariait sur une croissance de 2,4%, mais aussi celles de l'OCDE et de la Banque d'Espagne, qui avaient revu à la hausse leurs hypothèses à 2,3% cet automne.
L'économie espagnole "a dépassé toutes les attentes" en 2023, s'est félicité le Premier ministre socialiste Pedro Sánchez, en mettant en avant le nombre "record" de créations d'emploi l'an dernier dans le pays (780.000).
L'Espagne est "la grande économie de la zone euro ayant connu la plus forte croissance en 2023", a réagi de son côté le ministre de l'Economie Carlos Cuerpo, en insistant notamment sur la forte augmentation du PIB au quatrième trimestre (+0,6%).
Une situation, selon lui, remarquable au vu du contexte de forte inflation et de remontée des taux d'intérêts, mais aussi de tensions politiques internationales liées au conflit en Ukraine et à la guerre à Gaza.
«Plus grande résilience»
Face à ces vents contraires, "l'économie espagnole a fait preuve d'une plus grande résilience que par le passé", confirme auprès de l'AFP Pedro Aznar, professeur d'économie à l'Ecole de commerce Esade.
D'après l'INE, la quatrième économie de la zone euro a bénéficié notamment d'une forte consommation des ménages, alors que le gouvernement a multiplié les mesures favorables au pouvoir d'achat afin de compenser la forte inflation.
Sur le seul quatrième trimestre, la consommation a progressé de 2,3% en rythme interannuel. Les dépenses publiques - dopées par le plan de relance européen - ont pour leur part augmenté de 4,4%, tandis que les exportations ont grimpé de 1,2%.
Ce dynamisme économique a été particulièrement marqué dans le secteur des services, qui a profité d'une fréquentation touristique record - avec 84 millions de visiteurs étrangers sur l'ensemble de 2023, selon le gouvernement.
Deuxième pays le plus visité au monde derrière la France, l'Espagne a profité l'an dernier des "très bons chiffres du tourisme", qui a pesé pour "près de 15%" du PIB espagnol, avec un "fort impact sur l'emploi", souligne Pedro Aznar.
Le taux de chômage espagnol, l'un des des plus élevés des pays de l'OCDE, a ainsi reculé de plus d'un point l'an dernier, pour atteindre 11,76% de la population active fin décembre contre 12,87% fin 2022.
«Nuages à l'horizon»
Cette dynamique est une bonne nouvelle pour le gouvernement Sánchez, reconduit au pouvoir mi-novembre au terme de délicates tractations avec les indépendantistes catalans, et dont la majorité à la Chambre des députés reste fragile.
La forte progression du PIB au dernier trimestre 2023, marquée par une hausse "de compétitivité" des entreprises, "nous place dans une position avantageuse pour 2024", a souligné Carlos Cuerpo dans une vidéo publiée sur le réseau social X.
Selon le gouvernement, la croissance devrait se maintenir à 2% cette année. Cette prévision est jugée optimiste par la plupart des organismes économiques, à l'image du FMI, qui parie sur 1,7%, et de l'OCDE, qui s'attend à 1,5%.
Le "début d'année" est "plus solide qu'anticipé" mais "le maintien des tensions inflationnistes" et la "faible demande" des "partenaires commerciaux" de l'Espagne devraient entraîner un "ralentissement" économique, souligne Bankinter dans une note.
Une analyse partagée par Pedro Aznar, qui pointe du doigt la présence de "nuages à l'horizon", comme le tassement de la productivité des salariés espagnols et le niveau extrêmement élevé des dépenses publiques.
Madrid, qui s'est engagée auprès de Bruxelles à ramener son déficit public à 3% en 2024, après 3,9% attendus en 2023, "ne va pas pouvoir maintenir de façon constante" un niveau de dépenses aussi élevé, souligne l'économiste.