PORT-AU-PRINCE: Le festival de jazz de Port-au-Prince a fait son retour cette semaine dans la capitale haïtienne et attiré des centaines de spectateurs chaque soir en dépit de la crise sécuritaire qui secoue cette ville où la violence des gangs est quotidienne.
"PaPJazz", qui se terminait dimanche, avait été reporté en 2022 puis délocalisée en 2023 au Cap-Haïtien (Nord) à cause de l'insécurité chronique dans la capitale, dont environ 80% est sous contrôle de groupes criminels selon l'ONU.
"C'est le festival de la résistance à tout ce qui se passe, notre façon de dire qu'on y croit et qu'on veut aller de l'avant", a déclaré à l'AFP Milena Sandler, l'une des organisatrices de cette 17e édition.
"La ville n'est pas morte malgré tout", a-t-elle ajouté. "Les Port-au-Princiens avaient besoin de se retrouver en convivialité en tant qu'Haïtiens. Cet événement leur donne l'illusion qu'ils peuvent rêver, vivre ensemble...".
Pour s'accommoder de la crise sécuritaire, le festival a été concentré en 4 jours et non plus 8 et les concerts gratuits organisés sur des places publiques et dans des universités ont été supprimés.
Les scènes ont été installées dans un quartier résidentiel sûr, sur l'esplanade boisée de l'hôtel Karibe, où logeaient les artistes et qui abrite des bureaux des Nations-Unies en Haïti.
Des volontaires et des agents de la police nationale ont assuré la sécurité dans cette poche préservée de la violence qui ronge des quartiers pauvres alentour.
«Résilience»
"Malgré les défis, le festival témoigne d'une résilience impressionnante. C'est une célébration de la richesse culturelle haïtienne", a confié à l'AFP Esmeralda Milcé, une spectatrice qui travaille dans le marketing.
Cette habituée du festival s'est particulièrement réjouie de la performance de l'Haïtien Beethova Obas: "Je n'avais pas eu le plaisir de le voir depuis plus d'une décennie".
Parfois assis, parfois debout, le public - composé d'expatriés mais aussi de spectateurs de la classe moyenne haïtienne - a pu danser et chanter et des groupes de "Rara", musique du carnaval haïtien, ont animé les interludes.
"Les gens sont dans un esprit de fête », s'est félicitée Samantha Rabel, une jeune médecin.
La 17e édition a accueilli des artistes étrangers tels que l'Américain d'origine camerounaise Richard Bona et le Français Ludovic Louis, ainsi que des artistes haïtiens évoluant en Haïti ou issus de la diaspora.
Selon la Fondation Haïti Jazz, organisatrice, le festival a accueilli entre 550 et 850 personnes chaque soir de jeudi à samedi.
D'autres se sont pressés pour voir des musiciens émergents lors des soirées "after", gratuites et organisées dans trois restaurants à Pétion-Ville, qui ont attiré la foule selon un correspondant de l'AFP.