JIMERA de LIBAR: Des chants et du tir à la corde: à Jimera de Libar, dans le sud de l'Espagne, les expatriés britanniques ont préféré, plutôt que d'en pleurer, lever leur verre de bière pour dire au revoir au marché unique.
Au Bar du village, l'Allioli, on a choisi l'ironie pour marquer le Brexit... et des plats typiques: au menu, des fishs and chips, des haricots en sauce, saucisse, purée et des toasts.
«C'est vrai que la plupart d'entre nous ne sont pas très heureux de tout ça, mais on veut quand même le célébrer d'une certaine façon et passer un bon moment», explique Paul Darwent, 65 ans, gérant du bar installé dans les montagnes andalouses à une heure environ de la côte.
Le Brexit ? «La vérité, c'est que ça va générer beaucoup de problèmes pour nous tous», poursuit ce Britannique qui vit en Espagne depuis plus de vingt ans.
Environ 370 000 Britanniques sont recensés en Espagne, plus que n'importe quel autre pays européen, mais ce chiffre ne prend pas en compte les milliers d'autres qui n'ont pas averti les autorités.
La plupart sont des retraités vivant au soleil, sur la côte sud, attirés par la météo clémente et le coût de la vie très peu élevé du pays.
S'ils avaient bien pris soin de se signaler avant le 31 décembre 2020, les Britanniques pourront garder leur droit de résidence en Espagne, mais ils doivent avoir fourni une adresse de résidence permanente, un compte bancaire espagnol, avoir une couverture de santé et pouvoir justifier de revenus suffisants.
«Très ennuyé»
Beaucoup, toutefois, ne remplissent pas ces critères, explique Myra Azzopardi, assistante juridique et fondatrice du Bureau de conseil des Citoyens (CAB), une association qui fournit une aide juridique aux expatriés.
«Nous allons avoir beaucoup de gens qui vont finir sans avoir de résidence ni aucun moyen d'en acquérir une», estime-t-elle.
Baz Rhodes, moniteur de parapente âgé de 58 ans, a quitté Manchester pour s'installer en Espagne il y a vingt ans. Le Brexit les a obligés, lui et sa femme, à contracter une assurance maladie privée pour 200 euros par mois
«Je suis très, très ennuyé», confie-t-il, alors qu'il est venu faire la fête dans le bar enveloppé dans un drapeau européen.
En raison des restrictions sanitaires dues à la pandémie, la fête a dû se tenir à l'extérieur de l'établissement, dans le jardin redécoré aux couleurs des drapeaux espagnols, britanniques et européens.
Comme un clin d'œil au Brexit, des entrées séparées avaient été installées pour les Européens et les non-Européens pour se rendre aux toilettes.
Quant à la playlist de la soirée, les participants ont pu entendre le groupe The Communards «Don't leave me this way» (ne me quitte pas comme ça) ou encore de Vera Lynn's «We'll meet again» (on se reverra).
«Si triste»
L'un des temps forts de la soirée a été l'épreuve de tir à la corde faisant s'affronter quatre Britanniques à une équipe composée d'un Français, un Danois, un Espagnol et un Néerlandais.
Des cris et des applaudissements ont fêté la victoire de l'équipe de «l'Union européenne», tandis que l'équipe britannique tombait de tout son long au sol.
«Si on ne faisait pas un peu la fête, on se mettrait à pleurer tant c'est triste», avoue Elaine Gilfillan, une enseignante écossaise qui vit en Espagne depuis deux décennies.
Elle est encore plus attristée de voir qu'il sera plus difficile pour ses enfants de déménager en Espagne ou dans un autre pays de l'UE comme elle a pu le faire.
Depuis vendredi, chaque Britannique qui vit en Espagne doit suivre la même procédure qu'un citoyen non-européen, une démarche plus complexe et difficile avec des exigences de revenus bien plus élevées.
Leurs diplômes ne seront désormais plus reconnus en Espagne, ils devront faire la démarche pour les faire reconnaître, sans garantie de réussite.
«Nous devrions être ensemble. Nous sommes un seul continent. Je pense qu'à la fin, le Royaume-Uni souffrira. Ce n'est pas bon pour qui que ce soit», conclut Gilfillan.