Au procès de l'attentat de Trèbes, les interminables minutes d'incompréhension de la cellule de négociation

Ce croquis du tribunal réalisé le 22 janvier 2023 à l'ouverture du procès des attentats de Trèbes-Carcassonne au Palais de Justice de Paris montre les accusés Marine Pequignot et Ahmed Arfaoui, Sofiane Boudebouzza, Sofiane Manaa, Rédael Yaakoubi et Samir Manaa (Photo, AFP).
Ce croquis du tribunal réalisé le 22 janvier 2023 à l'ouverture du procès des attentats de Trèbes-Carcassonne au Palais de Justice de Paris montre les accusés Marine Pequignot et Ahmed Arfaoui, Sofiane Boudebouzza, Sofiane Manaa, Rédael Yaakoubi et Samir Manaa (Photo, AFP).
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Publié le Jeudi 25 janvier 2024

Au procès de l'attentat de Trèbes, les interminables minutes d'incompréhension de la cellule de négociation

  • Au procès des attentats de Trèbes et Carcassonne en 2018, la cour a diffusé mercredi l'enregistrement audio de la négociation avec l'assaillant du Super U
  • Il est 14H13 ce 23 mars 2018 quand la cellule de négociation des gendarmes appelle, depuis la banlieue parisienne, le supermarché de Trèbes

PARIS: Ce sont 16 minutes de confusion, et le récit d'une immense incompréhension qui n'a laissé aucune chance au gendarme Arnaud Beltrame. Au procès des attentats de Trèbes et Carcassonne en 2018, la cour a diffusé mercredi l'enregistrement audio de la négociation avec l'assaillant du Super U.

Il est 14H13 ce 23 mars 2018 quand la cellule de négociation des gendarmes appelle, depuis la banlieue parisienne, le supermarché de Trèbes. Radouane Lakdim, 25 ans, y a déjà abattu deux personnes. Il vient de passer trois heures dans un minuscule local en tête-à-tête avec le lieutenant-colonel Arnaud Beltrame, qui a pris la place d'une caissière prise en otage.

Dans la salle d'audience, l'enregistrement démarre. On entend le téléphone sonner, une fois, deux fois, ça décroche: "Allô ?" "Oui, bonjour, Radouane ?" "Non, moi je suis le lieutenant-colonel Beltrame, je suis l'otage".

"Comment allez-vous ?". "Très bien, vous savez qui je suis, vous savez d'où je viens ?", demande Arnaud Beltrame d'une voix rapide.

Le négociateur confirme, demande si Radouane Lakdim accepte de parler. Ce dernier prend le téléphone. Il parle fort et vite, réclame la libération de Salah Abdeslam, seul membre encore en vie des commandos des attentats du 13 novembre 2015.

Il met au défi: "Vous serez capables ?"

Le négociateur gagne du temps: "Vous savez que ça ne se fait pas comme ça"... "C'est pas moi qui décide".

"Appelez les chefs, je suis là pour mourir", répond l'assaillant, prêt au "martyre".

Dans la salle d'audience, sur un banc du fond, Julie L., l'ex-otage qui doit sa vie à Arnaud Beltrame écoute, ses mains cachant son visage.

"Votre maman, elle est au courant de tout ça ?", enchaîne le négociateur sur l'enregistrement.

"Elle est pas d'accord avec moi ma mère, c'est une épreuve. Elle veut pas comprendre alors chacun sa tombe".

"Si vous faites ça vous allez la rendre triste votre maman", tente le négociateur.

C'est là que tout bascule.

Dans la salle d'audience, tout le monde sait aujourd'hui que c'est le moment où Arnaud Beltrame a crié "attaque, assaut, assaut". Mais "sur le coup", avec la "saturation" de la ligne, les gendarmes ne l'entendent pas, avait expliqué la veille le chef-négociateur à la barre. Ils pensent à des coups sur "une armoire métallique", que les cris sont ceux de l'assaillant qui "s'énerve".

"Sinon, on serait intervenu immédiatement".

«La suite»

Dans la salle d'audience où chacun sait ce qu'il doit entendre, les 10 minutes qui suivent, entrecoupées des râles d'Arnaud Beltrame qui vient probablement d'être blessé au cou à coups de couteau - que les négociateurs ne perçoivent pas comme tels non plus - paraissent alors incroyablement longues et pénibles.

Quand on sait ce qui va être dit, ce qu'il se passe, l'écoute est "biaisée", avait aussi prévenu le chef négociateur la veille, comme pour s'excuser de la suite de l'enregistrement.

"Radouane, vous m'entendez ?"

"J'entends du bruit dans la pièce, Arnaud, c'est vous ?"

"Arnaud ou Radouane, est-ce que vous m'entendez ?".

Toujours le silence, les râles.

Un son de voix étouffé quelques minutes plus tard: "assaut". Puis, à peine audible: "attaque".

A l'autre bout de la ligne, le négociateur s'adresse à Radouane Lakdim : "comment tu vois la suite, dans cinq minutes, 30 minutes, une heure, qu'est-ce qui va se passer ?"

Nouveaux râles.

"Arnaud c'est toi qui fais ces bruits ? Tu es blessé ? Arnaud, grogne un coup si c'est toi, un coup franc maintenant".

Toujours rien. Puis un énorme vacarme, des cris, des coups des feu: il est 14H27, les gendarmes viennent de donner l'assaut. Radouane Lakdim est abattu.

On devine dans l'enregistrement les gendarmes se précipitant vers Arnaud Beltrame. "Secours, secours vite, médic, médic, médic !"

"Tenez le coup mon colonel, respirez mon colonel, allez mon colonel ça va aller... on s'accroche mon colonel". Fin de l'enregistrement.

Arnaud Beltrame décèdera dans la nuit à l'hôpital. La veille, le chef négociateur avait reconnu que la séquence "avait duré trop longtemps".

Le président suspend l'audience. Sur son banc, l'ex-otage Julie L. reste prostrée, en larmes.


Pluies en Ardèche: « Du jamais vu de mémoire d'homme », selon la ministre de la Transition écologique

Selon la ministre, le sud de la France fait face à "trois épisodes météorologiques différents: un épisode cévenol dans l'Ardèche, un épisode méditerranéen dans les Alpes-Maritimes et une dépression qui est en train de remonter des Pyrénées-Atlantiques vers le nord et qui pourrait atteindre l'Île-de-France dans la soirée". (AFP)
Selon la ministre, le sud de la France fait face à "trois épisodes météorologiques différents: un épisode cévenol dans l'Ardèche, un épisode méditerranéen dans les Alpes-Maritimes et une dépression qui est en train de remonter des Pyrénées-Atlantiques vers le nord et qui pourrait atteindre l'Île-de-France dans la soirée". (AFP)
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  • L'Ardèche, tout comme le Rhône, la Haute-Loire, la Loire, la Lozère et les Alpes-Maritimes, ont été placés en vigilance rouge aux inondations ou aux crues par Météo-France
  • Le sud de la France fait face à "trois épisodes météorologiques différents: un épisode cévenol dans l'Ardèche, un épisode méditerranéen dans les Alpes-Maritimes et une dépression qui est en train de remonter des Pyrénées-Atlantiques vers le nord

PARIS: La ministre de la Transition écologique Agnès Pannier-Runacher a qualifié jeudi l'épisode des pluies torrentielles qui frappent certaines zones de l'Ardèche d' "absolument massif" et a évoqué une "situation inédite".

"Nous faisons face à une situation qui est inédite par son ampleur. 600 millimètres d'eau sur l'Ardèche, c'est du jamais vu de mémoire d'homme", a indiqué la ministre lors d'un point presse. "600 millimètres, c'est plus de 60 centimètres d'eau qui sont tombés en 48 heures. C'est absolument massif."

L'Ardèche, tout comme le Rhône, la Haute-Loire, la Loire, la Lozère et les Alpes-Maritimes, ont été placés en vigilance rouge aux inondations ou aux crues par Météo-France.

Selon la ministre, le sud de la France fait face à "trois épisodes météorologiques différents: un épisode cévenol dans l'Ardèche, un épisode méditerranéen dans les Alpes-Maritimes et une dépression qui est en train de remonter des Pyrénées-Atlantiques vers le nord et qui pourrait atteindre l'Île-de-France dans la soirée".

"Du fait de cette dépression", Météo-France va mettre à 16H00 "neuf départements supplémentaires et Paris petite couronne en vigilance orange", a-t-elle ajouté.

La ministre a ensuite évoqué le cas de la ville ardéchoise d'Annonay, traversée par deux rivières, où les eaux sont montées brusquement jeudi quand le barrage de Ternay, au nord, a débordé.

"Je rappelle qu'Annonay avait fait l'objet d'un plan de prévention des risques renforcé suite à l'inondation de 2014", a indiqué Mme Pannier-Runacher. Mais "tous les calculs, toutes les installations qui visaient à prévenir une inondation ont été dépassées par l'impact des précipitations".

Elle a appelé à "la prudence et au respect des consignes des services de secours". "On observe des cinétiques qui peuvent changer très vite et des cours d'eau qui avaient l'air d'être tranquilles, qui brusquement changent et se gonflent d'eau avec des risques pour vous", a expliqué la ministre.

"J'invite aussi, et c'est un message de la préfecture de l'Ardèche, à attendre que les services de secours vous invitent à le faire pour aller chercher vos enfants dans les écoles", a-t-elle ajouté, affirmant qu'ils étaient "en sécurité".

Agnès Pannier-Runacher a promis par ailleurs de "suivre la situation heure par heure" et que des "décisions rapides pour les déclarations et les reconnaissances catastrophes naturelles" seront prises.


Ballet Macron, Barnier, Le Pen inédit jeudi à Bruxelles

Si chacun est resté dans rôle, la présence de Marine Le Pen, qui a promis de garder le gouvernement Barnier "sous surveillance", notamment sur l'immigration, grâce à son pouvoir de censure, n'est pas passée inaperçue. (AFP)
Si chacun est resté dans rôle, la présence de Marine Le Pen, qui a promis de garder le gouvernement Barnier "sous surveillance", notamment sur l'immigration, grâce à son pouvoir de censure, n'est pas passée inaperçue. (AFP)
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  • Le patron des eurodéputés RN et président des "Patriotes", Jordan Bardella, a de son côté dénoncé le "double discours de Michel Barnier et de son ministre de l'Intérieur (Bruno) Retailleau"
  • Ils multiplient "les annonces très dures sur l'immigration en France sans doute pour faire plaisir" au RN, "à quelques jours du vote du budget et de l'autre se ruent à Bruxelles pour mettre en œuvre le pacte pour les migrations"

BEUXELLES: Le président et le Premier ministre en même temps à Bruxelles, Marine Le Pen pas loin derrière:  un trio français inédit a fait son apparition jeudi dans la capitale de l'UE en marge d'un sommet européen.

Michel Barnier s'est présenté le premier à la réunion du groupe de dirigeants et eurodéputés de sa couleur politique, le Parti populaire européen (PPE, droite), emboîtant le pas à la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen. Le PPE est de nouveau présent en force à la Commission depuis les européennes de juin.

Le chef du gouvernement français, nommé le 5 septembre après le séisme de la dissolution de l'Assemblée, n'a fait aucune déclaration, alors que beaucoup s'interrogent sur le partage des rôles avec Emmanuel Macron concernant les questions européennes dans une situation de semi-cohabitation.

Au même moment, Marine Le Pen, figure emblématique du Rassemblement national, débarquait à la première rencontre au sommet des Patriotes pour l'Europe, le nouveau groupe de droite radicale du Premier ministre hongrois Viktor Orban.

Emmanuel Macron a clos le ballet politique français en passant à la réunion de sa formation, Renew (centre), avant de rejoindre le sommet des Vingt-Sept, où il continuera à représenter seul la France.

A priori, rien que la routine un jour de Conseil européen avec les réunions de groupe en "pré-sommets". Sauf que d'ordinaire seul le président fait le déplacement. Et que la chef de file des députés RN à l'Assemblée n'a pas vocation à venir à chaque occasion à Bruxelles.

Le Premier ministre non plus, sauf cohabitation pure où il détient alors la majorité au Parlement et assiste au côté du chef de l'Etat au sommet européen.

Michel Barnier a donc inauguré une nouvelle formule, non pas au sommet mais à la réunion de groupe, avec sa casquette LR (Républicains).

Si chacun est resté dans rôle, la présence de Marine Le Pen, qui a promis de garder le gouvernement Barnier "sous surveillance", notamment sur l'immigration, grâce à son pouvoir de censure, n'est pas passée inaperçue.

Sur ce sujet, qui sera des gros morceaux du sommet, "il semblerait que face à la réalité" les dirigeants de l'UE "sortent peu à peu du déni", a-t-elle lancé, en défendant la même ligne que Viktor Orban.

Le patron des eurodéputés RN et président des "Patriotes", Jordan Bardella, a de son côté dénoncé le "double discours de Michel Barnier et de son ministre de l'Intérieur (Bruno) Retailleau".

Ils multiplient "les annonces très dures sur l'immigration en France sans doute pour faire plaisir" au RN, "à quelques jours du vote du budget et de l'autre se ruent à Bruxelles pour mettre en œuvre le pacte pour les migrations qui va accélérer les flux migratoires en Europe", a-t-il asséné.

Les Patriotes constituent désormais la troisième force au Parlement européen derrière la droite pro-européenne (PPE) et les sociaux-démocrates, et devant Renew.


Propos sur la création d'Israël: le sermon de Larcher à Macron, mis sous pression

Le président français Emmanuel Macron prononce un discours lors d'un dîner d'État dans le cadre de la visite d'État du couple royal belge en France, au palais de l'Élysée à Paris, le 14 octobre 2024. (AFP)
Le président français Emmanuel Macron prononce un discours lors d'un dîner d'État dans le cadre de la visite d'État du couple royal belge en France, au palais de l'Élysée à Paris, le 14 octobre 2024. (AFP)
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  • Le président de la République doit répondre jeudi au sermon sans ménagement du président du Sénat Gérard Larcher
  • En déplacement à Bruxelles pour le Sommet de l'Union européenne jeudi, Emmanuel Macron voit la pression monter autour de ses prises de position récentes sur le conflit au Moyen-Orient

PARIS: Emmanuel Macron "a-t-il pris conscience de ce qu'il s'est passé pendant la Shoah ?" Le président de la République doit répondre jeudi au sermon sans ménagement du président du Sénat Gérard Larcher, indigné par les propos attribués au chef de l'État sur la naissance d'Israël.

"Mettre en doute l'existence d'Israël touche pour moi à des questions fondamentales". Sur Europe 1 et CNews, le troisième personnage de l'État s'est emporté, ciblant frontalement le président de la République en l'accusant d'une "méconnaissance de l'histoire de la naissance d'Israël".

En cause, des déclarations du chef de l'État rapportées par des participants au Conseil des ministres mardi: "M. Netanyahu ne doit pas oublier que son pays a été créé par une décision de l'ONU", avait lancé Emmanuel Macron selon ces sources, alors qu'était abordée la guerre à Gaza et au Liban. Il avait aussi exhorté le Premier ministre israélien de manière indirecte à ne pas "s'affranchir des décisions de l'ONU".

En déplacement à Bruxelles pour le Sommet de l'Union européenne jeudi, Emmanuel Macron voit la pression monter autour de ses prises de position récentes sur le conflit au Moyen-Orient.

Car ces déclarations sont un nouveau pas franchi dans les tensions diplomatiques croissantes entre la France et Israël et entre M. Macron et Netanyahu. Ces derniers multiplient les invectives, avec un élément déclencheur: l'appel du dirigeant français à cesser de fournir à Israël des armes servant à pilonner Gaza.

"J'ai été stupéfait que ces propos puissent être tenus", s'est indigné Gérard Larcher en référence aux déclarations de mardi sur la création d'Israël. Selon le président du Sénat, la naissance d'Israël "n'est pas venue comme un acte notarié uniquement constaté par l'ONU".

- Vives réactions -

"Est ce qu'Emmanuel Macron s'est souvenu de la déclaration Balfour ? Est ce qu'il a pris conscience de ce qu'il s'est passé pendant la Shoah et après la Shoah ?", s'est-il emporté, affirmant qu'il y avait "comme un doute" sur le fait que le chef de l'Etat puisse remettre en question la légitimité de l'existence d'Israël.

"Je ne le soupçonne de rien, je dis que le droit à l'existence d'Israël n'est pas discutable ni négociable", a-t-il encore ajouté.

Ce vif sermon rejoint d'autres réactions indignées, observées au sein même du camp macroniste à l'Assemblée nationale, le groupe des députés Ensemble pour la République. L'ancien président du groupe Sylvain Maillard avait en effet confirmé mercredi des "discussions un peu houleuses" en interne sur la boucle de messagerie des députés EPR.

Caroline Yadan, la députée de la 8e circonscription des Français établis hors de France, incluant Israël, avait ainsi fustigé sur X une phrase "indigne".

"Le lien du peuple juif à la terre d'Israël n'a pas eu besoin de l'ONU pour exister, le sionisme est un rêve plusieurs fois millénaire et réduire Israël à une seule décision de l'ONU c'est nier l'histoire du peuple juif et son lien légitime et historique à cette terre", avait-elle affirmé.

Jeudi, la porte-parole du gouvernement Maud Bregeon a néanmoins tenté de contextualiser les propos attribués à Emmanuel Macron, qui s'inscrivaient selon elle "dans un cadre global".

"Il a rappelé la nécessité qu'ont les uns et les autres de respecter les règles internationales. Israël doit les respecter", a-t-elle affirmé sur Sud Radio.

"Je ne laisserais pas dire que le président n'a pas été au côté d'Israël et du peuple israélien depuis un an et depuis ces attentats terroristes du 7 octobre, c'est faux", a-t-elle ajouté.