LILLE: La suspension du contrat liant l'Etat au lycée musulman Averroès de Lille est "un détournement de pouvoir manifeste" témoin d'un "deux poids deux mesures par rapport à d'autres établissements" privés, a plaidé mercredi l'avocat du lycée devant la justice administrative.
Georges-François Leclerc, alors préfet des Hauts-de-France, avait décidé en décembre de mettre fin au contrat liant le lycée à l'Etat en raison selon lui d'irrégularités de gestion et d'enseignements qualifiés de contraires aux valeurs de la République, actant dès lors la fin de ses subventions à partir de septembre 2024.
Cette décision est "un détournement de pouvoir manifeste" et "une mesure de police administrative qui vise davantage l'identité de l'établissement" que de potentiels manquements administratifs, a estimé l'avocat du lycée, Vincent Brengarth, devant le tribunal administratif de Lille.
Deux poids deux mesures
"C'est un deux poids deux mesures par rapport à d'autres établissements", a-t-il ajouté, sans faire nommément référence au lycée catholique Stanislas, au centre d'une intense polémique depuis la prise de fonction de la nouvelle ministre de l'Education nationale, Amélie Oudéa-Castéra, qui y a scolarisé ses fils.
"Je ne répondrai pas sur ce dernier point, qui est d'ailleurs contredit par l'actualité", a rétorqué l'avocat de la préfecture, François Pinatel, provoquant les rires d'une partie de l'assistance, composée en grande partie d'élèves et de parents d'élèves.
Me Pinatel a mis en avant une "adhésion matériellement établie" du lycée Averroès "à des doctrines manifestement contraires aux valeurs que doit véhiculer l'enseignement privé sous contrat d'association".
Une inspection de 2015 "avait pointé" des "sources d'inquiétudes" dont les "ambivalences de l'établissement" et "l'omniprésence" du religieux, a-t-il assuré.
Le tribunal est saisi de trois référés-suspension demandant de suspendre la décision du préfet, déposés par l'association gérant le lycée, le personnel de l'établissement, et l'association des parents d'élèves.
Le lycée Averroès, devenu en 2008 le premier lycée musulman de France à passer sous contrat, est depuis régulièrement classé parmi les meilleurs établissements de la région.
La fin des subventions est un "arrêt de mort qui pèse sur l'établissement Averroès" car il ne pourra pas continuer à fonctionner sans elles, a plaidé Vincent Brengarth.
L'établissement compte 61% d'élèves boursiers, a rappelé le conseil de l'association des parents d'élèves du lycée, Lionel Crusoé.
Chaque élève pourra être inscrit dans un établissement à la rentrée de septembre et "dire le contraire est un mensonge car le code de l'éducation ne le permet pas", a répondu Me Pinatel.