PARIS: A la veille de sa conférence de presse, Emmanuel Macron a appelé lundi ses troupes à "garder" leur "unité" et à se "mobiliser" pour les élections européennes autour du gouvernement de Gabriel Attal, déjà aux prises avec une polémique de taille et des tiraillements internes.
"2023 vous a collectivement mis à rude épreuve et je ne l'ignore pas", a déclaré le chef de l'Etat devant les parlementaires de son camp et les ministres réunis à huis clos à l'Elysée, évoquant le débat sur la loi immigration, qui a divisé la Macronie, et l'adoption dans la douleur de la réforme des retraites.
Il a remercié une nouvelle fois Elisabeth Borne "pour l'action qui a été conduite", dont il s'est dit "fier", sous des applaudissements nourris, selon des propos rapportés par plusieurs participants. L'ex-Première ministre n'était pas présente.
Mais le président a aussitôt tourné cette page, comme il s'y emploie depuis qu'il a nommé la semaine dernière Gabriel Attal à Matignon, pour souhaiter une année 2024 pleine "d'audace et d'action collective".
Il a exhorté sa majorité, qui souffre de n'être que relative à l'Assemblée nationale, à "garder" son "unité", ainsi que son "esprit de dépassement" du clivage droite-gauche, marque de fabrique initiale du macronisme. Il a jugé que "réactiver tous les clivages" serait la "pire des choses", car synonyme d'"impossibilité d'agir", de "défaite assurée" et de "triomphe des extrêmes".
"Ce n'est pas un changement de cap, ce n'est pas un changement d’orientation, c’est la poursuite du dépassement", a martelé M. Macron, alors que l'inflexion à droite du remaniement a créé des turbulences dans la majorité.
Sur l'immigration, il a prédit qu'après la décision du Conseil constitutionnel, qui pourrait invalider plusieurs parties de la loi le 25 janvier, la droite et l'extrême droite risquaient de demander de "changer la Constitution ou de sortir des traités" européens. "C'est là qu'il faudra se battre et pas en nous divisant", a-t-il martelé.
Alors que le camp présidentiel est largement distancé dans les sondages par le Rassemblement national pour les européennes, il a appelé tous ses élus et responsables à se "mobiliser dans la bataille" car c'est selon lui le "seul" bloc qui "s'engage uni" avec "une vision claire pour l'Europe".
Emmanuel Macron n'a pas évoqué la première crise qui sape déjà la "régénération" voulue après les débuts poussifs du second quinquennat, au sujet de la scolarisation dans le privé des enfants de la nouvelle ministre de l'Education Amélie Oudéa-Castéra.
«Réarmement civique»
L'aile gauche, dont il est membre, ne cache pas non plus ses doutes face à un gouvernement qui fait la part belle aux ministres venus de la droite, avec la sarkozyste Rachida Dati en invitée surprise à la Culture.
Le président du Rassemblement national, Jordan Bardella, a sauté sur l'occasion pour appeler lundi les électeurs et adhérents des Républicains ulcérés par ce débauchage à rejoindre son parti d'extrême droite, qui a déjà le vent en poupe pour les élections européennes de juin.
Emmanuel Macron va donc "mobiliser" députés et sénateurs, mais aussi "appeler à l'unité" et à la "fin des états d'âme" de "tous les pseudo frondeurs", croit savoir un responsable parlementaire. Il pourrait aussi "serrer les boulons" du côté des alliés, notamment le Modem.
Après avoir partagé publiquement ses "interrogations" sur "l'expérience" de Gabriel Attal, devenu à 34 ans le plus jeune Premier ministre français, le patron des centristes François Bayrou s'est muré dans un silence qui en dit long. Mais dans ses rangs, on critique un exécutif qui penche "nettement à droite", selon les termes du député Jean-Louis Bourlanges.
Un ténor du camp présidentiel redoute aussi que, passé le "choc d'opinion" que représente le profil du chef du gouvernement, ce dernier n'ait pas vraiment d'autorité sur des ministres dotés de "places fortes".
En attendant, cette semaine doit mettre Emmanuel Macron sur le devant de la scène. Mardi soir, depuis la salle des fêtes de l'Elysée et en "prime time" à la télévision, il tiendra une grande conférence de presse, exercice auquel il ne s'est pas prêté depuis cinq ans, hors campagne pour sa réélection.
Présenté par son entourage comme une "nouvelle étape" de son "rendez-vous avec la Nation" inauguré par la nomination de Gabriel Attal, l'échange avec les journalistes sera l'occasion de faire des "annonces concrètes", notamment sur le "réarmement civique" esquissé lors des voeux pour 2024.
Mercredi, le président mettra l'accent sur le "réarmement économique et industriel" lors d'une intervention devant le Forum de Davos, en Suisse, avant les voeux aux armées vendredi à Cherbourg.
Ce n'est que la semaine prochaine que Gabriel Attal prononcera sa déclaration de politique générale devant le Parlement, qu'il doit préparer lors d'une réunion gouvernementale mercredi après-midi. Un délai prévu pour minimiser les accusations d'un président qui ferait déjà de l'ombre à son Premier ministre.
Emmanuel Macron s'inscrira dans "le temps long" et aura un "propos de sens et de mobilisation", assure un conseiller, quand le chef du gouvernement déclinera, lui, sa feuille de route.