Qui a tué Sayyed Reza Mousavi, agent du CGRI, en Syrie, et pourquoi?

Sayyed Reza Mousavi est mort lors d'un tir de missile israélien à Sayyida Zeinab, une ville du sud de Damas. (Photo, Tasnim News/AFP).
Sayyed Reza Mousavi est mort lors d'un tir de missile israélien à Sayyida Zeinab, une ville du sud de Damas. (Photo, Tasnim News/AFP).
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Publié le Mercredi 27 décembre 2023

Qui a tué Sayyed Reza Mousavi, agent du CGRI, en Syrie, et pourquoi?

  • Sayyed Reza Mousavi, commandant du Corps des gardiens de la révolution islamique, assassiné, supervisait le vaste réseau de milices iraniennes en Syrie et dans l’ensemble du Levant
  • Israël a refusé de confirmer ou de nier son rôle, comme c'est souvent le cas lorsqu'on lui attribue des frappes contre des cibles liées à l'Iran

IRBIL, Kurdistan irakien/DJEDDAH: Un membre important des forces paramilitaires du Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI) d'Iran est mort en Syrie lundi. Il s'agit probablement de l'assassinat ciblé le plus important que la région ait connu depuis que le «commandant de l'ombre» Qassem Soleimani a été éliminé par une frappe de drone américaine à Bagdad en janvier 2020.

Les médias publics iraniens ont décrit Sayyed Reza Mousavi comme «l'un des plus anciens conseillers du CGRI en Syrie» et proche de Soleimani, qui a dirigé la Force Al-Qods du CGRI, qui organise les opérations extraterritoriales de Téhéran dans tout le Moyen-Orient, en armant et en finançant de nombreuses milices mandataires qui font le travail de l'Iran contre ses ennemis.

«Je dirais que Moussavi est le deuxième Qassem Soleimani. Il connaissait tout le monde, avait de bons contacts avec les gens sur le terrain, les milices et les chefs de groupes», a déclaré à Arab News le Dr Mohammed al-Sulami, fondateur et président de l'Institut international d'études iraniennes (Rasanah) à Riyad.

Il a révélé que Mousavi avait «une meilleure connaissance des réalités sur le terrain» en Syrie que n'importe qui d'autre, en particulier son patron et actuel commandant de la Force Al-Qods, Esmail Qaani, qui, selon Al-Sulami, connaît mieux d'autres pays et régions comme l'Afghanistan et l'Asie centrale que la Syrie et le Moyen-Orient.

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Sayyed Reza Mousavi (à gauche), avec Qassem Soleimani, assassiné à Bagdad en janvier 2020 par les États-Unis (Photo, Tasnim News/AFP).

«Lorsqu'il s'agit du Moyen-Orient, c'était Qassem Soleimani et Reza Mousavi, le deuxième Qassem Soleimani», a-t-il précisé. «C'est donc une très grande perte pour l'Iran et un grand succès pour ceux qui tentent de minimiser la présence des milices en Syrie.»

L'ambassadeur d'Iran en Syrie a déclaré que Mousavi travaillait à l'ambassade d'Iran en tant que diplomate officiel et qu'il est mort lors d'un tir de missile israélien à Sayyida Zeinab, une ville située au sud de Damas.

Les médias du CGRI en Iran ont indiqué que Mousavi avait le grade de général de brigade. Il aurait vécu en Syrie pendant trente ans et aurait eu un bureau au ministère syrien de la Défense.

Israël a refusé de confirmer ou de nier son rôle dans l'assassinat, comme c'est souvent le cas lorsqu'on lui attribue des frappes contre des cibles liées à l'Iran en Syrie.

Al-Sulami n'est pas surpris que le principal suspect ait obtenu les renseignements dont il avait besoin pour cette élimination très médiatisée.

«Je pense que les services de renseignement de pays importants comme le Royaume-Uni, les États-Unis et, surtout, Israël, connaissent très bien l'importance de ces personnes en Syrie, même si elles essaient d'être très discrètes et de garder un profil bas», a-t-il expliqué.

«La plupart des services de renseignement du monde ont leurs propres sources sur le terrain. Il n'y a pas de secret en Syrie, et Mousavi y est depuis au moins trente ans. Il y était actif en coordination avec le CGRI et des milices comme Liwa Zainebiyoun et Liwa Fatemiyoun, originaires de pays comme l'Afghanistan, l'Irak et le Pakistan, ainsi que des groupes venant d'autres pays», a-t-il éclairci.

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Israël a lancé des milliers de frappes aériennes intermittentes contre des cibles dans toute la Syrie depuis 2013 (Photo, AFP).

Mousavi aurait sans aucun doute été une cible de choix pour Israël, puisqu'il aurait commencé à organiser le transfert d'armes et de fonds aux milices iraniennes mandataires en Syrie, ainsi qu'au Hezbollah au Liban, qui a accumulé un important arsenal de missiles au cours des années qui ont suivi la dernière guerre d'envergure contre Israël en 2006.

«Il est évident depuis un certain temps qu'Israël a sérieusement compromis l'appareil international d'espionnage et de terrorisme du CGRI et qu'il dispose d'un très bon accès à l'intérieur même de l'Iran», a déclaré Kyle Orton, analyste indépendant du Moyen-Orient, à Arab News.

«L'erreur de la politique israélienne a été d'accumuler ces victoires tactiques», a-t-il ajouté.

Alors qu'Israël s'efforce de déjouer les complots du CGRI à l'échelle régionale et mondiale, le CGRI poursuit «son avancée stratégique, consolidant son empire régional, qui s'étend par contiguïté sur le nord du Moyen-Orient», a-t-il indiqué.

Israël a lancé des milliers de frappes aériennes intermittentes contre des cibles dans toute la Syrie depuis 2013 dans le cadre de sa campagne de «guerre entre les guerres» avec l'Iran, qui fait elle-même partie d'une guerre de l'ombre plus vaste entre ces deux ennemis.

 

QUI EST SAYYED REZA MOUSAVI?

- Commandant et conseiller principal du Corps des gardiens de la révolution islamique.

- Il a coordonné les relations militaires entre la Syrie et l'Iran.

- Il a vécu en Syrie pendant trente ans et a occupé un poste au ministère syrien de la Défense.

- Responsable du transfert de fonds de l'Iran vers la Syrie et des salaires du Hezbollah.

- Tué le 25 décembre dans un quartier de Damas fréquenté par des milices pro-iraniennes.

Cette campagne aérienne visait à empêcher l'Iran et ses milices de transférer des défenses aériennes sophistiquées et des missiles sol-sol au Hezbollah via la Syrie, une activité dans laquelle Mousavi aurait joué un rôle clé.

«L'élimination de Reza Mousavi, si elle est effectuée par Israël, constituerait un changement important pour un pays qui a généralement pris pour cible les infrastructures physiques du CGRI en Syrie et évité de prendre pour cible le personnel», a clarifié Orton.

Il a ajouté que le «défaut» de la stratégie israélienne précédente était la rapidité avec laquelle les bases du CGRI pouvaient être reconstruites après ces frappes, ce qui nécessitait des frappes répétées contre les mêmes cibles.

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Israël a mené des frappes aériennes en Syrie dans le cadre de sa campagne de «guerre entre les guerres» contre l'Iran (Photo, AFP).

Entre-temps, le CGRI a poursuivi le «travail crucial» consistant à «ancrer l'influence de l'Iran» dans la région en entretenant et en développant des réseaux humains grâce à un système de «formation militaire et d'endoctrinement idéologique».

Comme après la mort de Soleimani, Al-Sulami de Rasanah pense que la perte de Mousavi entraînera une plus grande fragmentation des groupes soutenus par l'Iran en Syrie dans un avenir proche. Toutefois, il doute qu'il y ait une escalade majeure entre l'Iran et Israël dans un avenir proche.

«Je pense que l'Iran et Israël suivent la même stratégie, à savoir des confrontations indirectes», a-t-il signalé.

«Israël attaque l'Iran en Syrie et ailleurs, mais évite de mener des opérations militaires directes à l'intérieur de l'Iran pour éviter toute escalade. Pour l'Iran, c'est la même chose. Ils essaient d'attaquer les Israéliens à Chypre, en Grèce et dans d'autres pays. Cette situation perdurera peut-être pendant des années encore», a précisé Al-Sulami.

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Mousavi est mort lors d'un tir de missile israélien à Sayyida Zeinab, une ville du sud de Damas (Photo, AFP).

Orton doute que l'élimination de Mousavi ait à elle seule «beaucoup d'impact» sur le contrôle de l'Iran en Syrie.

«Les Iraniens appliquent le modèle de la révolution islamique à la Syrie à très haute intensité depuis plus de dix ans et, comme l'atteste l'histoire personnelle de Mousavi, le programme est en cours depuis bien plus longtemps que cela», a-t-il indiqué.

«Si l'assassinat de Mousavi n'est pas un cas isolé et qu'Israël est passé à une politique de ciblage des hauts responsables du CGRI en Syrie, cela peut avoir un impact cumulatif sur la déstabilisation du projet iranien dans ce pays», a signalé Orton.

Un tel changement de politique pourrait amener le CGRI à décider de tirer des missiles depuis le Yémen, voire le Liban.

Les Houthis, soutenus par l'Iran, ont déjà multiplié les attaques contre la navigation commerciale en mer Rouge et tiré sur les navires de guerre américains qui s'y trouvent. Les États-Unis ont également accusé directement l'Iran d'être responsable d'une attaque menée samedi contre un chimiquier dans l'océan Indien, au cours de laquelle un drone d'attaque à sens unique a touché le navire à 200 milles nautiques de la côte indienne, loin de la mer Rouge.

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Cette campagne aérienne vise à empêcher le transfert de défenses aériennes sophistiquées et de missiles sol-sol au Hezbollah via la Syrie (Photo, AFP).

Orton est lui aussi sceptique quant à une escalade majeure qui irait au-delà de ces incidents, car les services de renseignement israéliens ont «gravement infiltré» les réseaux du CGRI, ce qui rend improbable une riposte «spectaculaire» de la part de ce puissant groupe paramilitaire.

Il a rappelé que l'Iran s'était «engagé publiquement» à venger de cette manière l'assassinat de Soleimani en 2020. L'Iran a d'abord réagi à sa mort en tirant des missiles balistiques sur une base aérienne irakienne accueillant des troupes américaines, ce qui a provoqué des lésions cérébrales traumatiques chez plusieurs soldats américains.

Par ailleurs, les forces américaines au Kurdistan irakien ont été attaquées lundi par un drone de milice chargé d'explosifs, peu après l'assassinat de Mousavi. L'attaque a blessé trois soldats, dont l'un dans un état critique.

Les États-Unis ont lancé des frappes aériennes de représailles contre les milices en Irak, ce qui accroît une fois de plus le risque d'escalade dans ce pays instable et peut-être au-delà.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Le Parlement libanais approuve un projet de loi sur le secret bancaire

Le Parlement a adopté des amendements à "la loi relative au secret bancaire" et à la législation monétaire, selon le bureau de son président, Nabih Berri. (AFP)
Le Parlement a adopté des amendements à "la loi relative au secret bancaire" et à la législation monétaire, selon le bureau de son président, Nabih Berri. (AFP)
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  • La communauté internationale exige depuis longtemps d'importantes réformes pour débloquer des milliards de dollars afin d'aider à la relance de l'économie libanaise, plongée depuis 2019 dans une profonde crise
  • Selon le groupe de défense des droits libanais Legal Agenda, les amendements autorisent "les organes de contrôle et de régulation bancaire (...) à demander l'accès à toutes les informations" sans fournir de raison particulière

BEYROUTH: Le Parlement libanais a approuvé jeudi un projet de loi sur la levée du secret bancaire, une réforme clé réclamée par le Fonds monétaire international (FMI), au moment où des responsables libanais rencontrent à Washington des représentants des institutions financières mondiales.

Le Parlement a adopté des amendements à "la loi relative au secret bancaire" et à la législation monétaire, selon le bureau de son président, Nabih Berri.

La communauté internationale exige depuis longtemps d'importantes réformes pour débloquer des milliards de dollars afin d'aider à la relance de l'économie libanaise, plongée depuis 2019 dans une profonde crise imputée à la mauvaise gestion et à la corruption.

La récente guerre entre Israël et le Hezbollah a aggravé la situation et le pays, à court d'argent, a désormais besoin de fonds pour la reconstruction.

Selon le groupe de défense des droits libanais Legal Agenda, les amendements autorisent "les organes de contrôle et de régulation bancaire (...) à demander l'accès à toutes les informations" sans fournir de raison particulière.

Ces organismes pourront avoir accès à des informations telles que les noms des clients et les détails de leurs dépôts, et enquêter sur d'éventuelles activités suspectes, selon Legal Agenda.

Le Liban applique depuis longtemps des règles strictes en matière de confidentialité des comptes bancaires, ce qui, selon les critiques, rend le pays vulnérable au blanchiment d'argent.

En adoptant ce texte, le gouvernement avait précisé qu'il s'appliquerait de manière rétroactive pendant 10 ans. Il couvrira donc le début de la crise économique, lorsque les banquiers ont été accusés d'aider certaines personnalités à transférer d'importantes sommes à l'étranger.

Le feu vert du Parlement coïncide avec une visite à Washington des ministres des Finances, Yassine Jaber, et de l'Economie, Amer Bisat, ainsi que du nouveau gouverneur de la Banque centrale, Karim Souaid, pour des réunions avec la Banque mondiale et le FMI.

M. Jaber a estimé cette semaine que l'adoption des amendements donnerait un "coup de pouce" à la délégation libanaise.

En avril 2022, le Liban et le FMI ont conclu un accord sous conditions pour un programme de prêt sur 46 mois de trois milliards de dollars, mais les réformes alors exigées n'ont pour la plupart pas été entreprises.

En février, le FMI s'est dit ouvert à un nouvel accord avec Beyrouth après des discussions avec M. Jaber. Le nouveau gouvernement libanais s'est engagé à mettre en oeuvre d'autres réformes et a également approuvé le 12 avril un projet de loi pour restructurer le secteur bancaire.


Syrie: Londres lève ses sanctions contre les ministères de la Défense et de l'Intérieur

Abdallah Al Dardari, chef régional pour les Etats arabes au Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), lors d'une interview avec l'AFP à Damas le 19 avril 2025. (AFP)
Abdallah Al Dardari, chef régional pour les Etats arabes au Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), lors d'une interview avec l'AFP à Damas le 19 avril 2025. (AFP)
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  • "Les entités suivantes ont été retirées de la liste et ne sont plus soumises à un gel des avoirs: ministère de l'Intérieur, ministère de la Défense", indique notamment le communiqué du département du Trésor
  • Des agences de renseignement sont également retirées de la liste. La totalité d'entre elles ont été dissoutes par les nouvelles autorités en janvier

LONDRES: Le Royaume-Uni a annoncé jeudi avoir levé ses sanctions contre les ministères syriens de l'Intérieur et de la Défense ainsi que contre des agences de renseignement, qui avaient été imposées sous le régime de Bachar al-Assad.

"Les entités suivantes ont été retirées de la liste et ne sont plus soumises à un gel des avoirs: ministère de l'Intérieur, ministère de la Défense", indique notamment le communiqué du département du Trésor.

Des agences de renseignement sont également retirées de la liste. La totalité d'entre elles ont été dissoutes par les nouvelles autorités en janvier.

Ces autorités, issues de groupes rebelles islamistes, ont pris le pouvoir le 8 décembre.

Le Royaume-Uni avait début mars déjà levé des sanctions à l'égard de 24 entités syriennes ou liées à la Syrie, dont la Banque centrale.

Plus de trois cents individus restent toutefois soumis à des gels d'avoirs dans ce cadre, ainsi qu'une quarantaine d'entités, selon le communiqué du Trésor.

Les nouvelles autorités syriennes appellent depuis la chute d'Assad en décembre dernier à une levée totale des sanctions pour relancer l'économie et reconstruire le pays, ravagé après 14 années de guerre civile.


1983 – L'attaque contre les Marines américains à Beyrouth

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  • Les dégâts sont énormes au quartier général des Marines
  • Quatre couches de ciment s'étaient effondrées pour former des tas de décombres, des incendies brûlaient et l'on entendait beaucoup de cris au milieu du sang

BEYROUTH: Le 23 octobre 1983, aux alentours de 6h25, une violente déflagration secoue Beyrouth et sa banlieue, jusque dans les hauteurs montagneuses. Le souffle, sourd et diffus, fait d’abord penser à un tremblement de terre.

Mais sept minutes plus tard, une seconde explosion, bien plus puissante, déchire la ville et ses environs, dissipant toute confusion: Beyrouth venait de vivre l’un des attentats les plus meurtriers de son histoire.

Je travaillais alors pour le journal libanais As-Safir en tant que correspondant de guerre. Beyrouth était assiégée, dans sa banlieue sud, dans les montagnes et dans la région du Kharoub, par des affrontements entre le Parti socialiste progressiste et ses alliés d'une part, et les Forces libanaises d'autre part, dans ce que l'on appelait la «guerre des montagnes».

Le sud du pays a également été le théâtre de la résistance armée des combattants libanais contre l'occupation israélienne. Ces combattants étaient liés à des partis de gauche et, auparavant, à des factions palestiniennes.

Des forces multinationales, notamment américaines, françaises et italiennes, avaient été stationnées à Beyrouth après le retrait des dirigeants et des forces de l'Organisation de libération de la Palestine, à la suite de l'agression israélienne contre le Liban et de l'occupation de Beyrouth en 1982.

Quelques minutes après les explosions, la réalité s’impose avec brutalité: le quartier général des Marines américains, situé sur la route de l’aéroport de Beyrouth, ainsi que la base du contingent français dans le quartier de Jnah, ont été ciblés par deux attaques-suicides coordonnées.

Les assaillants, non identifiés, ont lancé des camions piégés – chargés de plusieurs tonnes d’explosifs – contre les deux sites pourtant fortement sécurisés, provoquant un carnage sans précédent.

Comment nous l'avons écrit

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Au lendemain des attentats, Arab News faisait état de 120 morts parmi les Marines et de 20 morts parmi les Français, un chiffre nettement inférieur au décompte final.

L'attaque de la base américaine a tué 241 militaires américains – 220 Marines, 18 marins et trois soldats – et en a blessé des dizaines. Le bombardement du site militaire français a tué 58 parachutistes français et plus de 25 Libanais.

Ces attentats étaient les deuxièmes du genre à Beyrouth; un kamikaze avait pris pour cible l'ambassade des États-Unis à Aïn el-Mreisseh six mois plus tôt, le 18 avril, tuant 63 personnes, dont 17 Américains et 35 Libanais.

Les dégâts sont énormes au quartier général des Marines. Quatre couches de ciment s'étaient effondrées pour former des tas de décombres, des incendies brûlaient et l'on entendait beaucoup de cris au milieu du sang, des morceaux de corps et de la confusion. Voici ce que nous, journalistes, avons pu voir au milieu du chaos qui régnait immédiatement après la catastrophe, et ce qui reste gravé dans ma mémoire plus de 40 ans plus tard.

La nuit précédente, un samedi, les Marines avaient fait la fête, divertis par un groupe de musique qui avait fait le voyage depuis les États-Unis pour se produire devant eux. La plupart dormaient encore lorsque la bombe a explosé.

Aucun groupe n'a revendiqué les attentats ce jour-là, mais quelques jours plus tard, As-Safir a publié une déclaration qu'il avait reçue et dans laquelle le «Mouvement de la révolution islamique» déclare en être responsable.

Environ 48 heures après l’attentat, les autorités américaines pointent du doigt le mouvement Amal, ainsi qu’une faction dissidente dirigée par Hussein al-Moussawi, connue sous le nom d’Amal islamique, comme étant à l’origine de l’attaque.

Selon la presse locale de l’époque, la planification de l’attentat aurait eu lieu à Baalbeck, dans la région de la Békaa, tandis que le camion utilisé aurait été aperçu garé devant l’un des bureaux du mouvement Amal.

Le vice-président américain, George H.W. Bush, s'est rendu au Liban le lendemain de l'attentat et a déclaré: «Nous ne permettrons pas au terrorisme de dicter ou de modifier notre politique étrangère.»

La Syrie, l'Iran et le mouvement Amal ont nié toute implication dans les deux attentats.

En riposte à l’attaque visant leurs soldats, les autorités françaises ont lancé une opération militaire d’envergure: huit avions de chasse ont bombardé la caserne Cheikh Abdallah à Baalbeck, que Paris considérait comme un bastion de présences iraniennes.

À l’époque, les autorités françaises ont affirmé que les frappes avaient fait environ 200 morts.

Un responsable de l'Amal islamique a nié que l'Iran disposait d'un complexe dans la région de Baalbeck. Toutefois, il a reconnu le lien idéologique fort unissant son groupe à Téhéran, déclarant: «L’association de notre mouvement avec la révolution islamique en Iran est celle d’un peuple avec son guide. Et nous nous défendons.»

Le 23 novembre, le cabinet libanais a décidé de rompre les relations avec l'Iran et la Libye. Le ministre libanais des Affaires étrangères, Elie Salem, a déclaré que la décision «a été prise après que l'Iran et la Libye ont admis qu'ils avaient des forces dans la Békaa».

Un rapport d'As-Safir cite une source diplomatique: «Les relations avec l'Iran se sont détériorées en raison des interventions, pratiques et activités illégales qu'il a menées sur la scène libanaise, malgré de nombreux avertissements.»

Les attentats du 23 octobre étaient jusqu'alors le signe le plus évident de l'évolution de l'équilibre des forces régionales et internationales au Liban et de l'émergence d'un rôle iranien de plus en plus important dans la guerre civile.

Le chercheur Walid Noueihed m'a expliqué qu'avant 1982, Beyrouth avait accueilli toutes les formes d'opposition, y compris l'élite éduquée, appelée «opposition de velours», et l'opposition armée, dont les membres étaient formés dans des camps ou des centres d'entraînement palestiniens dans la vallée de la Békaa et au Liban-Sud.

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Vue aérienne de l'ambassade américaine à Beyrouth après l'explosion qui a fait 63 morts, dont 46 Libanais et 17 Américains. (AFP)

Il a indiqué que l'opposition iranienne au chah était présente parmi ces groupes et a décrit Beyrouth comme une oasis pour les mouvements d'opposition jusqu'en 1982. Toutefois, cette dynamique a changé lorsqu'Israël a envahi le Liban et assiégé Beyrouth, ce qui a entraîné le départ de l'OLP en vertu d'un accord international qui exigeait en échange qu'Israël s'abstienne de pénétrer dans Beyrouth.

Si les factions palestiniennes ont quitté le Liban, ce n'est pas le cas des combattants libanais associés à l'OLP, pour la plupart des chiites qui constituaient la base des partis de gauche libanais.

Les attaques contre les bases militaires américaines et françaises ont entraîné le retrait des forces internationales du Liban, explique M. Noueihed, laissant une fois de plus Beyrouth sans protection. Les opérations de résistance se sont multipliées, influencées par des idéologies distinctes de celles de la gauche traditionnelle, des groupes comme l'Amal islamique affichant ouvertement des slogans prônant la confrontation avec Israël.

En 1985, le Hezbollah est officiellement créé en tant qu'«organisation djihadiste menant une révolution pour une république islamique». Il s'est attiré le soutien des partis de gauche libanais et palestiniens, en particulier après l'effondrement de l'Union soviétique.

Selon M. Noueihed, l'émergence du Hezbollah a coïncidé avec le déclin des symboles existants de la résistance nationale, ce qui semble indiquer une intention d'exclure toutes les autres forces du pays du mouvement de résistance, laissant le Hezbollah comme parti dominant.

L'influence iranienne au Liban est devenue évidente lors des violents affrontements entre le Hezbollah et Amal, qui ont fait des dizaines de victimes et se sont terminés par la consolidation du contrôle du Hezbollah au milieu de la présence des forces militaires syriennes.

Beyrouth se vide peu à peu de son élite intellectuelle, a souligné M. Noueihed. Des centaines d’écrivains, d’intellectuels, de chercheurs et de professionnels des médias ont fui vers l’Europe, redoutant pour leur sécurité, laissant derrière eux une ville désertée par ceux qui faisaient autrefois vibrer sa vie culturelle et académique.

Najia Houssari est rédactrice pour Arab News, basée à Beyrouth. Elle était correspondante de guerre pour le journal libanais As-Safir au moment du bombardement de la caserne des Marines américains.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com