PARIS: Des progrès, mais beaucoup reste à faire: les émissions brutes de gaz à effet de serre (GES) de la France ont poursuivi leur baisse sur les neuf premiers mois de 2023, cependant la route vers la neutralité carbone est encore longue.
De janvier à fin septembre 2023, les émissions de CO2, méthane et protoxyde d'azote notamment ont diminué de 4,6%, hors puits de carbone comme les sols ou les forêts, par rapport à la même période de 2022, selon les pré-estimations publiées mardi par le Citepa, l'organisme mandaté pour réaliser l'inventaire français des émissions.
Ce recul survient après une baisse de 4,3% déjà observée sur le premier semestre, elle-même consécutive à un repli de 2,7% sur l'ensemble de 2022.
"Trois secteurs participent le plus à cette baisse (sur neuf mois): l'industrie (-9,3%), la production d'énergie (-9,4%) et les bâtiments (-7,5%)", souligne le Citepa dans un communiqué.
Les transports, secteur le plus émetteur, "contribuent plus modestement à cette tendance à la baisse (-1,8%)", ajoute l'organisme.
Crise énergétique et sobriété
"C'est un succès", s'est aussitôt félicitée la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher.
"C'est le résultat concret de la relance du nucléaire (...) et des efforts entrepris pour la décarbonation de l’industrie (...). Ces chiffres montrent aussi que les changements de comportement s’inscrivent dans la durée en faveur de la sobriété et des solutions décarbonées dans le bâtiment et dans le transport routier", a déclaré la ministre.
Pour "atteindre nos objectifs climatiques à 2030, la France doit maintenant garder ce cap et mettre en œuvre de nouveaux leviers de décarbonation", a-t-elle ajouté.
En mai, la France avait annoncé vouloir réduire ses émissions de GES de 50% (-55% en "net", si l'on inclut les puits de carbone) en 2030 par rapport au niveau de 1990, conformément aux engagements européens, ce qui implique de doubler le rythme de baisse des émissions. A l'horizon 2050, elle ambitionne la neutralité carbone.
Par secteur, c'est l'industrie et la production d'énergie qui ont contribué le plus à la diminution des émissions depuis le début de l'année.
Le secteur industriel est "fortement impacté par la crise énergétique en 2023", note le Citepa.
Pour la production d'énergie, la baisse résulte notamment de la progression des moyens de production électrique décarbonés, parmi lesquels les centrales nucléaires (+11,4% liés à la remise en service progressive de centrales) et hydroélectriques, couplée à une baisse de la production des centrales thermiques (-23%).
Pour les GES provenant du bâtiment, le recul des émissions liées au chauffage, déjà observé en 2022, s'est poursuivi en 2023, malgré un hiver légèrement plus rigoureux.
"Les émissions de GES du chauffage, eau chaude sanitaire et cuisson domestique entre les neuf premiers mois 2022 et ceux de 2023 ont baissé de 7,5%, avec notamment une baisse de consommation du gaz naturel", précise le Citepa.
«Marges d'amélioration»
Pour les transports, le rebond post-Covid du transport routier (+12% en 2021, +2% en 2022) a laissé la place à un léger recul (-2,7%) sur les neuf premiers mois de 2023, avec une baisse notable sur septembre (-10%).
En revanche, le transport aérien continue de voir ses émissions augmenter: +21% pour les vols intérieurs sur les neuf premiers mois, et +27% pour les vols internationaux.
Les chiffres publiés mardi par le Citepa ne prennent pas en compte les émissions de l'agriculture, ni l'évolution des puits de carbone, tous deux difficiles à estimer en l'état.
Ces derniers, bien qu'essentiels à la diminution des émissions nettes, connaissent depuis plusieurs années une fragilisation, qui les empêchent d'absorber autant de CO2 qu'auparavant, en lien notamment avec la dégradation de l'état des forêts françaises.
"Beaucoup a été fait, mais beaucoup reste à faire et des marges d'amélioration existent", reconnaît Mme Pannier-Runacher.
En juin, le Haut Conseil pour le climat avait estimé que la baisse des émissions de la France était encore "insuffisante" au regard de ses objectifs et des retard accumulés. Plusieurs associations fustigent également le fait que les diminutions enregistrées depuis un an ne seraient dues qu'à des facteurs conjoncturels (crise en Ukraine, météo clémente, recul du pouvoir d'achat liée à l'inflation) et non à des efforts suffisants de transformations structurelles.