Droit et libertés, victimes de la Covid

Les mesures anti-Covid y modifient progressivement l'Etat de droit (Photo, AFP).
Les mesures anti-Covid y modifient progressivement l'Etat de droit (Photo, AFP).
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Publié le Mardi 29 décembre 2020

Droit et libertés, victimes de la Covid

  • L'ONG américaine Freedom House estime pour sa part que «les conditions démocratiques et les droits humains se sont détériorés dans 80 pays»
  • A Paris, Berlin, Londres, les citoyens habitués depuis des décennies à jouir de grandes libertés les voient restreintes

PARIS: La lutte contre la pandémie dans le monde en 2020 a restreint les libertés, fragilisé leurs défenseurs. Elle facilite la mutation de l'Etat de droit occidental vers un nouveau modèle moins permissif.

En Guinée, le gouvernement a interdit toute manifestation jusqu'à nouvel ordre en invoquant la lutte contre la Covid. Alpha Condé a été investi mardi président pour un troisième mandat en présence d'une dizaine de chefs d'Etats africains, après la répression de manifestations pro-démocratiques qui ont fait des dizaines de morts depuis fin 2019.

Au Nigeria, les violences policières ou militaires dans la foulée des mesures sanitaires ont fait plusieurs morts.

Pendant ce temps à Singapour des systèmes de traçage ont permis de suivre les citoyens de manière individualisée, sous prétexte de lutte anti-Covid.

La Bolivie a reporté ses élections générales de plusieurs mois, pour cause de pandémie. En France, les citoyens ont dû pendant des semaines remplir une attestation avant d'avoir le droit de sortir de chez eux.

Fin novembre « plus de la moitié des pays du monde (61%) avaient adopté des mesures de lutte anti-Covid inquiétantes du point de vue de la démocratie et des droits humains », selon l'ONG International Idea.

Pouvoirs supplémentaires

En avril déjà, Michelle Bachelet, Haut-commissaire aux droits de l'Homme de l'ONU, mettait en garde : vu « la nature exceptionnelle de la crise, il est clair que les Etats ont besoin de pouvoirs supplémentaires », mais « la situation d'urgence sanitaire risque de devenir une catastrophe des droits de l'Homme ».

L'ONG américaine Freedom House estime pour sa part que « les conditions démocratiques et les droits humains se sont détériorés dans 80 pays ». Elle dénonce les gouvernements qui en ont profité pour faire taire les critiques et démanteler les contre-pouvoirs, comme le Sri-Lanka, « illustration de la tendance générale », selon elle.

« Au cours des derniers mois le président (Gotabaya Rajapaksa) a consolidé son pouvoir. Profitant des mesures de riposte à la pandémie, mais aussi d'une modification constitutionnelle », a expliqué Bhavani Fonseka, avocat spécialisé dans les droits humains.

En Chine, les autorités ont adopté des mesures extrêmement coercitives, avec confinement strict de zones très larges, dépistage massif, surveillance par drones.

En Egypte, pays « bien connu pour ses pratiques autoritaires et le verrouillage de l'espace politique et civique, la pandémie a simplement offert au Président (Sissi, ndlr) une opportunité pour promulguer et appliquer des normes répressives qui consolident des pratiques déjà établies », dénonce la chercheuse Hafsa Halawa dans un rapport des think tanks américain Atlantic Council et italien Ispi.

Selon Reporters sans frontières, les violations de la liberté de la presse, favorisées par des lois d'exception, ont aussi fait florès. Quatorze journalistes arrêtés pour leur suivi de la pandémie étaient toujours derrière les barreaux mi-décembre en Asie (7 en Chine, 2 au Bangladesh, 1 en Birmanie), au Moyen-Orient (2 en Iran, 1 en Jordanie) et en Afrique (1 au Rwanda).

« Etat d'urgence permanent »

Mais l'impact sur les libertés ne se cantonne pas aux autocraties, régimes totalitaires ou illibéraux. Il se ressent aussi dans les démocraties libérales.

Les mesures anti-Covid y modifient progressivement l'Etat de droit.

Les pouvoirs d'urgence « peuvent subsister dans le cadre juridique national une fois que la situation d'urgence aura pris fin », a mis en garde le Parlement européen en novembre.

Le philosophe italien Giorgio Agamben décèle lui « les signes d'une expérimentation plus large, dans laquelle est en jeu un nouveau paradigme de gouvernement des hommes et des choses ».

Couvres-feux, interdiction de se réunir, commerces fermés. A Paris, Berlin, Londres, les citoyens habitués depuis des décennies à jouir de grandes libertés les voient restreintes, après de premières entailles, liées à la lutte anti-terroriste.

« Ce qui se passe aujourd'hui marque la fin de l'Etat de droit et des démocraties bourgeoises, qui d'ailleurs étaient déjà profondément transformées », juge Giorgio Agamben. Il estime dans le livre II de son « Homo Sacer » (Seuil) que « la création volontaire d'un état d'urgence permanent (même s'il n'est pas déclaré au sens technique) est devenue l'une des pratiques essentielles des Etats contemporains, y compris ceux que l'on appelle démocratiques ».

En France par exemple, avec l'état d'urgence sanitaire, « on a un processus assez analogue à l'état d'urgence en matière de sécurité », explique Laureline Fontaine, professeure de droit public et constitutionnel à l’université Sorbone Nouvelle : les normes sont modifiées « de manière durable et pérennisée ».

« Les discours politiques tendent à nous assurer du caractère exceptionnel de l'Etat d'urgence. En revanche, le processus à l'œuvre est une modification du droit qui elle n'est pas provisoire », explique-t-elle.

« Mépris pour le droit »

De plus, les outils de contrôle ne remplissent pas toujours leur rôle.

Comme par exemple quand, le 26 mars, le Conseil constitutionnel français a décidé à propos d'une loi votée pour lutter contre la Covid, qu'il fallait s'affranchir du respect d'un article de la Constitution « compte tenu des circonstances particulières ».

« C'est inédit dans l'histoire de la Ve République », dénonce Fontaine.

« Nous nous sommes habitués à vivre sans la liberté » pense-t-elle. Face à la pandémie, « il y a une adhésion générale de principe à l'objectif poursuivi », « une forme de mépris pour le droit face à l'action », qui gagne du terrain depuis 20 ans.

Giorgio Agamben est encore plus pessimiste : « Il va sans dire que les gouvernements préparent un monde encore plus inhumain, encore plus injuste ».


Londres: manifestation propalestinienne à la veille de la trêve à Gaza

Des manifestants et des contre-manifestants se rassemblent à Whitehall, dans le centre de Londres, lors d'une manifestation nationale pour la Palestine, le 18 janvier 2025. (Photo BENJAMIN CREMEL / AFP)
Des manifestants et des contre-manifestants se rassemblent à Whitehall, dans le centre de Londres, lors d'une manifestation nationale pour la Palestine, le 18 janvier 2025. (Photo BENJAMIN CREMEL / AFP)
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  • des milliers de manifestants propalestiniens se sont rassemblés dans le centre de Londres samedi, à la veille de l'entrée en vigueur de la trêve conclue entre Israël et le Hamas, espérant plus qu'un « répit temporaire ».
  • Les participants ont brandi des pancartes sur lesquelles on pouvait lire « Arrêtez d'armer Israël » ou « Gaza, arrêtez le massacre ». Certains ont chanté : « De la rivière à la mer, la Palestine sera libérée. »

LONDRES : Il faut continuer à « mettre la pression » : des milliers de manifestants propalestiniens se sont rassemblés dans le centre de Londres samedi, à la veille de l'entrée en vigueur de la trêve conclue entre Israël et le Hamas, espérant plus qu'un « répit temporaire ».

« Nous voulons être optimistes » concernant ce cessez-le-feu, et « nous devons être dans la rue pour nous assurer qu'il tienne », affirme à l'AFP Sophie Mason, une Londonienne de 50 ans, habituée des manifestations propalestiniennes dans la capitale britannique.

La trêve, qui doit débuter dimanche matin, prévoit la libération d'otages israéliens aux mains du Hamas et de prisonniers palestiniens détenus par Israël, un retrait israélien des zones densément peuplées de Gaza, ainsi qu'une augmentation de l'aide humanitaire.

La marche prévue s'est transformée en un rassemblement statique sur Whitehall, la grande avenue du quartier des ministères, la police ayant rejeté le parcours proposé par le mouvement Palestine Solidarity Campaign, car il passait trop près d'une synagogue.

La police, présente en masse, a annoncé sur X avoir arrêté en fin d'après-midi « entre 20 et 30 manifestants » qui étaient sortis du périmètre autorisé, après avoir déjà procédé à sept autres arrestations un peu plus tôt.

Les participants ont brandi des pancartes sur lesquelles on pouvait lire « Arrêtez d'armer Israël » ou « Gaza, arrêtez le massacre ». Certains ont chanté : « De la rivière à la mer, la Palestine sera libérée. »

« Nous devons mettre la pression pour que ce cessez-le-feu soit respecté et que l'aide internationale arrive à Gaza », affirme Ben, syndicaliste de 36 ans, qui a refusé de donner son nom de famille.

Anisah Qausher, étudiante venue avec sa mère, estime quant à elle que le cessez-le-feu « arrive tard et il est insuffisant ». Si elle espère qu'il « apportera un répit temporaire », elle estime qu'il va falloir « faire beaucoup plus », évoquant le défi de la reconstruction de Gaza.

Selon elle, l'entrée de davantage d'aide humanitaire est « une victoire », mais « cela ne devrait pas être quelque chose soumis à autorisation ». C'est un droit », ajoute-t-elle.

Une manifestation rassemblant une centaine de personnes brandissant des drapeaux israéliens se tenait non loin de là.

L'attaque du 7 octobre a fait 1 210 morts côté israélien, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP basé sur des données officielles. Sur les 251 personnes enlevées ce jour-là, 94 sont toujours otages à Gaza, dont 34 sont mortes selon l'armée.

Au moins 46 899 personnes, en majorité des civils, ont été tuées dans l'offensive israélienne à Gaza, selon les données du ministère de la Santé du Hamas jugées fiables par l'ONU.

Selon l'ONU, la guerre a provoqué un niveau de destructions « sans précédent dans l'histoire récente » dans le territoire palestinien assiégé.


En Espagne, une trentaine de personnes ont été blessées, dont plusieurs sont dans un état grave, dans un accident de télésiège

Drapeau de l'Espagne (Photo iStock)
Drapeau de l'Espagne (Photo iStock)
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  • « Nous sommes en train de parler de 30 à 35 blessés, graves, très graves ou moins graves », a déclaré Miguel Ángel Clavero, directeur des services d'urgence de la région d'Aragon, où se situe la station d'Astún, sur la télévision publique TVE.
  • Tous les skieurs qui étaient restés suspendus dans leur télésiège ont pu être secourus », a-t-il ajouté.

MADRID : Dans une station de ski des Pyrénées, près de la frontière française, dans le nord-est de l'Espagne, un accident de télésiège a fait samedi plus d'une trentaine de blessés, dont plusieurs gravement, ont indiqué les autorités locales.

« Nous sommes en train de parler de 30 à 35 blessés, graves, très graves ou moins graves », a déclaré Miguel Ángel Clavero, directeur des services d'urgence de la région d'Aragon, où se situe la station d'Astún, sur la télévision publique TVE.

« Visiblement, il y a eu un problème au niveau de la poulie de l'un des télésièges, ce qui a entraîné une perte de tension du câble et la chute de certains télésièges », a-t-il expliqué.

Le président régional Jorge Azcón a précisé pour sa part que les trois personnes les plus gravement atteintes avaient été transférées à l'hôpital, l'une d'entre elles, une femme, en hélicoptère.

Les médias locaux ont évoqué un total de neuf blessés très graves, information que M. Azcón n'a pas confirmée.

Tous les skieurs qui étaient restés suspendus dans leur télésiège ont pu être secourus », a-t-il ajouté.

« Nous avons soudainement entendu un bruit et nous sommes tombés au sol, dans le télésiège. Nous avons rebondi cinq fois, en haut, en bas, et nous avons mal au dos et pris des coups, mais il y a des gens qui sont tombés des télésièges », a raconté María Moreno, l'une des victimes, sur la télévision publique.

« Nous avons eu très peur », a-t-elle ajouté.

Un jeune témoin des faits a déclaré sur TVE avoir vu un câble du mécanisme du télésiège sauter. « Les télésièges se sont mis à rebondir soudainement et les gens ont volé », a-t-il décrit.

Cinq hélicoptères et une quinzaine d'ambulances ont été mobilisés pour évacuer les blessés vers des hôpitaux proches de la station, où a été installé un hôpital de campagne, selon les services de secours.

Dans un message publié sur X, le Premier ministre espagnol Pedro Sánchez a déclaré être « choqué par les informations sur l'accident survenu dans la station d'Astún » et a indiqué avoir « offert tout le soutien » du gouvernement central aux autorités locales.


Iran : deux juges de la Cour suprême assassinés dans leur bureau selon les médias

Des membres de la police se tiennent devant le bâtiment judiciaire après l'assassinat des juges de la Cour suprême Mohammad Moghiseh et Ali Razini à Téhéran, Iran, le 18 janvier. (Reuters)
Des membres de la police se tiennent devant le bâtiment judiciaire après l'assassinat des juges de la Cour suprême Mohammad Moghiseh et Ali Razini à Téhéran, Iran, le 18 janvier. (Reuters)
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  • les juges Ali Razini et Mohammad Moghisseh, ont été tués dans l'enceinte de la Cour suprême, dans le sud de la capitale iranienne, a précisé Mizan Online.
  • e président iranien, Massoud Pezeshkian, a exhorté les forces de l'ordre à « identifier dans les plus brefs délais les commanditaires et les auteurs » du crime.

TEHERAN : Deux juges de la Cour suprême iranienne ont été assassinés samedi dans leur bureau à Téhéran par un homme armé qui s'est ensuite suicidé, a annoncé l'agence officielle de l'Autorité judiciaire, Mizan Online.

Les chefs de la branche 39 et 53 de la Cour suprême, les juges Ali Razini et Mohammad Moghisseh, ont été tués dans l'enceinte de la Cour suprême, dans le sud de la capitale iranienne, a précisé Mizan Online.

Le porte-parole du pouvoir judiciaire, Asghar Jahangir, a déclaré à la télévision que l'assaillant était « entré dans le bureau des deux juges armé d'un pistolet » et les avait tués.

Les motivations de l'auteur des faits n'ont pas été communiquées, mais Mizan Online a précisé qu'il « n'avait pas de dossier devant la Cour suprême ».

L'affaire, très rare en Iran, « fait désormais l'objet d'une enquête », a ajouté Mizan, qualifiant les faits d'acte « terroriste ».

Selon un communiqué publié sur le site de la présidence, le président iranien, Massoud Pezeshkian, a exhorté les forces de l'ordre à « identifier dans les plus brefs délais les commanditaires et les auteurs » du crime.

« Il ne fait aucun doute que le brillant chemin de ces juges, qui ont consacré leur vie à lutter contre les crimes contre la sécurité nationale, se poursuivra avec force », a-t-il ajouté.

Les deux juges tués samedi étaient des hodjatoleslam, un rang intermédiaire dans le clergé chiite, et avaient présidé les audiences d'importants procès ces dernières années.

Mohammad Moghisseh, âgé de 68 ans, a eu une longue carrière au sein de la justice depuis l'instauration de la République islamique en 1979.

Il a été sanctionné en 2019 par les États-Unis pour avoir supervisé « un nombre incalculable de procès inéquitables ».

De son côté, Ali Razini, 71 ans, a occupé des postes importants au sein du système judiciaire comme politique de l'Iran.

En 1998, alors qu'il était à la tête du pouvoir judiciaire de la capitale Téhéran, il avait été la cible d'une autre tentative d'assassinat, selon Mizan.

En 2005, le juge du tribunal révolutionnaire de Téhéran, Massoud (Hassan) Moghadas, avait été assassiné en pleine rue dans la capitale.

En avril 2023, un ayatollah membre de l'Assemblée des experts, le collège chargé de nommer, superviser et éventuellement démettre le guide suprême, a été tué par balles dans le nord de l'Iran.