L'UE s'apprête à conclure une grande réforme de ses règles budgétaires

Le ministre français des Finances Bruno Le Maire participe à la 3ème édition des «Rendez-Vous de Bercy» sur le thème de la croissance et du climat, au ministère français de l'Economie et des Finances, à Paris, le 5 décembre 2023. (Photo de Thomas SAMSON / AFP)
Le ministre français des Finances Bruno Le Maire participe à la 3ème édition des «Rendez-Vous de Bercy» sur le thème de la croissance et du climat, au ministère français de l'Economie et des Finances, à Paris, le 5 décembre 2023. (Photo de Thomas SAMSON / AFP)
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Publié le Jeudi 21 décembre 2023

L'UE s'apprête à conclure une grande réforme de ses règles budgétaires

  • Tout en confirmant ces seuils emblématiques, le nouveau texte doit rendre plus flexible et réaliste l'ajustement réclamé aux pays de l'UE en cas de déficits excessifs
  • Bruxelles propose que les Etats présentent leur propre trajectoire d'ajustement sur une période d'au moins quatre ans afin d'assurer la soutenabilité de leur dette

BRUXELLES: Les Vingt-Sept espèrent conclure mercredi un accord sur une réforme des règles budgétaires de l'UE, permettant un équilibre acceptable par tous entre rigueur et flexibilité, après un rapprochement franco-allemand crucial annoncé mardi soir à Paris.

Les ministres des Finances de l'Union européenne se réunissent à partir de 16H00 (15H00 GMT) en visioconférence pour tenter de trouver un compromis sur ce dossier qui divise le bloc depuis deux ans.

Le ministre français Bruno Le Maire a annoncé mardi soir "un accord à 100%" entre la France et l'Allemagne, longtemps aux antipodes sur le sujet, ouvrant la voie à une position commune de l'UE, à l'issue d'une réunion à Paris avec son homologue allemand Christian Lindner. Il a souligné que l'Italie était aussi "exactement sur la même ligne".

"Nous sommes d'accord sur les éléments clés", a confirmé Christian Lindner sur X (anciennement Twitter), évoquant "une chance pour un accord politique"  lors de la réunion de mercredi.

La réforme doit moderniser et assouplir le Pacte de stabilité, un "corset budgétaire" créé à la fin des années 1990 qui limite en théorie pour chaque pays le déficit des administrations publiques à 3% du PIB et la dette à 60%.

Tout en confirmant ces seuils emblématiques, le nouveau texte doit rendre plus flexible et réaliste l'ajustement réclamé aux pays de l'UE en cas de déficits excessifs. Jugé trop drastique, il n'a jamais vraiment été respecté.

Si tout le monde s'accorde sur un besoin de modernisation, les pays endettés du sud de l'Europe, à l'instar de la France, insistent sur des flexibilités supplémentaires afin de protéger l'investissement nécessaire pour la transition verte et les dépenses militaires engendrées par l'invasion de l'Ukraine par la Russie.

A l'inverse, les pays dits "frugaux" du nord, derrière l'Allemagne, réclament des contraintes pour atteindre un désendettement effectif dans l'ensemble de l'UE.

Le temps presse pour conclure les débats. Le pacte de stabilité a été désactivé depuis début 2020 pour éviter un effondrement de l'activité économique touchée par la pandémie de Covid puis par la guerre en Ukraine.

Il sera réactivé au 1er janvier. Une absence d'accord sur les nouvelles règles avant cette date affecterait la crédibilité de l'UE vis-à-vis des marchés financiers.

«Accord satisfaisant pour tous»

Les Vingt-Sept espèrent aussi pouvoir conclure le processus législatif avant les élections européennes de juin sur ce texte qui doit encore être négocié avec le Parlement européen.

"Nous nous rapprochons d'un accord satisfaisant pour toutes les parties concernées", a confirmé mardi soir un diplomate européen à Bruxelles. "Ce que nous avons sur la table aujourd'hui est une approche équilibrée. Nous pensons qu'il y a une chance (mercredi) de verrouiller cet accord politique", a-t-il dit.

Le projet de texte prévoit des règles plus adaptées à la situation particulière de chaque pays. Les trajectoires budgétaires seraient ainsi à la fois plus réalistes et mieux appliquées.

Concrètement, Bruxelles propose que les Etats présentent leur propre trajectoire d'ajustement sur une période d'au moins quatre ans afin d'assurer la soutenabilité de leur dette.

Les efforts de réformes et d'investissements seraient récompensés par la possibilité d'allonger cette période d'ajustement budgétaire à sept ans, afin qu'il soit moins brutal.

Surtout, le pilotage porterait essentiellement sur l'évolution des dépenses, un indicateur jugé plus pertinent que les déficits qui peuvent fluctuer selon le niveau de croissance.

Afin de satisfaire l'Allemagne, il est cependant prévu que tous les pays en déficits excessifs soient contraints à un effort minimum de réduction du ratio de déficit de 0,5 point par an. Paris a cependant obtenu de Berlin un assouplissement de cet effort sur 2025-2027: il sera tenu compte sur cette période de la hausse du coût de la dette liée aux taux d'intérêt élevés.

"Cette flexibilité transitoire va nous permettre d’atteindre nos objectifs d'investissements", affirme-t-on au ministère français des Finances.

Hors procédure pour déficits excessifs, l'Allemagne a obtenu l'ajout d'un objectif de déficit public structurel (hors impact de la conjoncture) à 1,5% du PIB assigné à tous les Etats membres, afin de préserver une marge de sécurité par rapport au plafond de 3%.

Pour l'atteindre, sera exigé un ajustement d'au moins 0,4 point par an, qui peut être réduit à 0,25 point en cas de réformes et d'investissements. De plus, la dette devra baisser de 1 point par an en moyenne sur 4 ou 7 ans.

Par rapport aux anciennes règles, "l'objectif de déficit est moins contraignant, le rythme pour l'atteindre est plus progressif et récompense l'investissement", fait-on valoir à Bercy.


La plateforme Booking épinglée en France pour «pratiques restrictives de concurrence»

La plateforme de réservation en ligne Booking a été épinglée en France pour "pratiques restrictives de concurrence" envers les hôteliers français par la Répression des fraudes, qui lui ordonne sa mise en conformité d'ici fin 2025, a annoncé cette dernière jeudi dans un communiqué. (Photo capture d'écran Booking)
La plateforme de réservation en ligne Booking a été épinglée en France pour "pratiques restrictives de concurrence" envers les hôteliers français par la Répression des fraudes, qui lui ordonne sa mise en conformité d'ici fin 2025, a annoncé cette dernière jeudi dans un communiqué. (Photo capture d'écran Booking)
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  • Booking a jusqu'au 31 décembre au plus tard pour mettre en conformité les "clauses et pratiques non conformes" dans ses contrats avec les hôteliers, sous peine d'une "astreinte financière journalière "
  • Cette décision s'appuie sur une législation européenne, le règlement P2B, qui oblige les plateformes à davantage de transparence envers les entreprises, ainsi que sur le code du commerce français

PARIS: La plateforme de réservation en ligne Booking a été épinglée en France pour "pratiques restrictives de concurrence" envers les hôteliers français par la Répression des fraudes, qui lui ordonne sa mise en conformité d'ici fin 2025, a annoncé cette dernière jeudi dans un communiqué.

Booking a jusqu'au 31 décembre au plus tard pour mettre en conformité les "clauses et pratiques non conformes" dans ses contrats avec les hôteliers, sous peine d'une "astreinte financière journalière dont le montant total pourra atteindre 69,35 millions d'euros", précise dans son communiqué la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).

Cette décision s'appuie sur une législation européenne, le règlement P2B, qui oblige les plateformes à davantage de transparence envers les entreprises, ainsi que sur le code du commerce français.

Selon la DGCCRF, les conditions générales de prestations (CGP) de Booking "comportent des clauses manifestement déséquilibrées au détriment des hôteliers français".

La Répression des fraudes souligne que, selon le code du commerce, "il est interdit de tenter de soumettre ou de soumettre l'autre partie à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties". Or, "le fait d'entraver la liberté commerciale et tarifaire des hôteliers contrevient notamment à cet article", note-t-elle.

Le règlement P2B, lui, oblige les plateformes à "garantir l'accessibilité des conditions générales, lesquelles doivent être rédigées de manière claire et compréhensible", et à "notifier aux entreprises utilisatrices, sur un support durable, tout changement envisagé de leurs conditions générales".

"La plateforme se doit d'indiquer et de décrire, dans ses conditions générales, les principaux paramètres déterminant le classement des biens et services proposés en justifiant l'importance relative de ces paramètres par rapport aux autres", indique encore la DGCCRF.

Et "en cas de suspension ou de résiliation du compte d'une entreprise utilisatrice, la plateforme doit systématiquement lui transmettre un exposé des motifs", ajoute l'administration.

L'Umih, principale organisation professionnelle dans l'hôtellerie et la restauration, a salué jeudi dans un communiqué l'"avancée significative" que constitue cette injonction, qui doit permettre "un rééquilibrage des relations entre les plateformes numériques et les professionnels du tourisme".

Booking, dont la maison mère est aux Pays-Bas, a indiqué à l'AFP que "bien que Booking.com soit en désaccord avec les conclusions de l'enquête", l'entreprise s'emploie "activement à dissiper toutes les préoccupations".

Elle assure avoir "collaboré étroitement avec la DGCCRF afin de répondre à ses préoccupations et d'élaborer des solutions qui continuent de stimuler la demande pour (ses) partenaires d'hébergement en France, tout en satisfaisant les besoins des consommateurs".


Tutelle du FMI: «nous n'en sommes pas là», dit le gouverneur de la Banque de France

Une intervention du FMI, comme en Grèce au tournant des années 2010, parait improbable, d'autant que l'Union européenne a depuis mis en place ses propres dispositifs d'intervention d'urgence, à travers le Mécanisme européen de stabilité (MES) et la Banque centrale européenne (BCE). (AFP)
Une intervention du FMI, comme en Grèce au tournant des années 2010, parait improbable, d'autant que l'Union européenne a depuis mis en place ses propres dispositifs d'intervention d'urgence, à travers le Mécanisme européen de stabilité (MES) et la Banque centrale européenne (BCE). (AFP)
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  • Le Fonds monétaire international "intervient dans une situation extrême, quand un pays ne peut plus s'en sortir tout seul. Nous n'en sommes pas là, nous avons dans les mains notre destin, mais c'est maintenant qu'il faut agir"
  • "Je redis avec un peu de gravité, avec toute l'indépendance de la Banque de France, qu'il y a là un sujet d'intérêt national"

PARIS: "Nous n'en sommes pas là", a répondu jeudi le gouverneur de la Banque de France, interrogé sur le risque agité par le gouvernement d'une mise sous tutelle de la France par le FMI en cas de dérive des comptes, à quelques jours de l'annonce d'un grand plan d'économies par Matignon.

Le Fonds monétaire international "intervient dans une situation extrême, quand un pays ne peut plus s'en sortir tout seul. Nous n'en sommes pas là, nous avons dans les mains notre destin, mais c'est maintenant qu'il faut agir", a dit François Villeroy de Galhau en présentant devant la presse le rapport annuel de la balance des paiements à la Banque de France à Paris.

"Je redis avec un peu de gravité, avec toute l'indépendance de la Banque de France, qu'il y a là un sujet d'intérêt national", a affirmé le gouverneur, selon qui "il y a un lien très direct entre le niveau de notre dette et la liberté de la France".

"J'espère que nous n'avons pas besoin du FMI pour réaliser que le sujet est extrêmement sérieux", a-t-il poursuivi, précisant qu'il n'avait lui-même "jamais employé cette expression", à propos du mot tutelle.

La ministre des Comptes publics Amélie de Montchalin a de nouveau pointé mercredi le risque "qu'un jour, les institutions internationales décident pour nous", après avoir à plusieurs reprises ces dernières semaines évoqué le risque d'une "tutelle" des institutions internationales, dont le FMI, en cas de dérive des comptes publics.

Ces mises en garde surviennent avant que le gouvernement annonce, le 15 juillet, un grand plan d'économies qui doit représenter un effort budgétaire de 40 milliards d'euros.

"Il faut évidemment tout faire pour éviter ça, notre destin budgétaire, il est entre nos mains", a dit M. Villeroy de Galhau.

Une intervention du FMI, comme en Grèce au tournant des années 2010, parait improbable, d'autant que l'Union européenne a depuis mis en place ses propres dispositifs d'intervention d'urgence, à travers le Mécanisme européen de stabilité (MES) et la Banque centrale européenne (BCE).

L'économiste en chef de l'institution de Washington, interrogé mi-juin, avait affirmé que "la question pourrait se poser mais, j'ai envie de dire, ni demain ni après-demain. Si vraiment rien n'était fait (...), s'il n'y avait aucune volonté d'infléchir la trajectoire de la dette, évidemment qu'à un moment donné, la question se poserait", avait estimé Pierre-Olivier Gourinchas.


Jusqu'ici épargnée, la restauration rapide inquiète pour sa rentabilité

 Le secteur de la restauration rapide en France, dont la croissance est l'une des plus dynamiques de la restauration, s'inquiète de l'effet cumulé de plusieurs réformes sur sa rentabilité, dont celle des titres-restaurants, et a demandé au cabinet Xerfi d'en évaluer l'impact dans une étude publiée jeudi. (AFP)
Le secteur de la restauration rapide en France, dont la croissance est l'une des plus dynamiques de la restauration, s'inquiète de l'effet cumulé de plusieurs réformes sur sa rentabilité, dont celle des titres-restaurants, et a demandé au cabinet Xerfi d'en évaluer l'impact dans une étude publiée jeudi. (AFP)
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  • Le secteur de la restauration rapide en France, dont la croissance est l'une des plus dynamiques de la restauration, s'inquiète de l'effet cumulé de plusieurs réformes sur sa rentabilité, dont celle des titres-restaurants
  • Si le secteur pèse, selon Xerfi, plus de 50 milliards d'euros de chiffre d'affaires, son résultat net a été divisé par deux entre 2018 et 2023 sous l'effet de la hausse des charges d'exploitation

PARIS: Le secteur de la restauration rapide en France, dont la croissance est l'une des plus dynamiques de la restauration, s'inquiète de l'effet cumulé de plusieurs réformes sur sa rentabilité, dont celle des titres-restaurants, et a demandé au cabinet Xerfi d'en évaluer l'impact dans une étude publiée jeudi.

Commandée par le Syndicat national de l'alimentation et de la restauration rapide (Snarr), cette étude envisage plusieurs scénarios: une hausse de la TVA, un doublement de la "taxe soda" en 2026 (après un doublement déjà acté en 2025), une réduction des allègements de charges sur les petits salaires (déjà acté en 2025) et la réforme des titres-restaurants (dont l'utilisation pour faire toutes ses courses en supermarché devrait être pérennisée).

Si le secteur pèse, selon Xerfi, plus de 50 milliards d'euros de chiffre d'affaires, son résultat net a été divisé par deux entre 2018 et 2023 sous l'effet de la hausse des charges d'exploitation.

"Les taux de défaillance du secteur de la restauration rapide se situent aujourd'hui entre 2% et 2,5%, un taux qui n'est pas alarmiste mais toutefois beaucoup plus important que la moyenne des années précédentes", a indiqué à l'AFP Jérémy Robiolle, directeur du développement chez Xerfi.

"Il y a une accumulation de mesures dans le secteur, comme la loi Agec (qui oblige notamment à utiliser de la vaisselle réutilisable, NDLR), la +taxe soda+ ou la réforme des titres-restaurants et on a voulu objectiver les remontées de terrain qui sont assez négatives", a expliqué à l'AFP Esther Kalonji, présidente du Snarr.

L'utilisation des titres-restaurants pour faire toutes les courses alimentaires en supermarché représente selon Xerfi un manque à gagner de 100 millions d'euros pour la restauration rapide en 2025 et de 195 millions en 2026.

"C'est moins d'emplois soutenus, car un titre-restaurant dépensé en restauration rapide génère plus d'emplois qu'en grande surface", selon Clément Morin, auteur de l'étude.

Le Snarr, comme l'Umih et le GHR, autres organisations patronales de la restauration, s'est retiré des groupes de travail liés aux Assises de la restauration menées à Bercy pour protester contre cette réforme qualifiée par l'Umih de "décision funeste pour le secteur".

Xerfi a également évalué l'impact du doublement de la "taxe soda" en 2025, qui représentera 49,5 millions d'euros pour la restauration rapide et jusqu'à 55,5 millions d'euros en 2026 selon les scénarios.

En cumulant les scénarios, Xerfi estime qu'entre 16.500 et 26.200 entreprises du secteur pourraient basculer dans le rouge en 2026.