LONDRES: Les espoirs d'une résolution pacifique du conflit entre Israël et le groupe militant palestinien Hamas dépendent d'un changement de leadership au sommet de la Knesset, car il semble que le Premier ministre sortant, Benyamin Netanyahou, soit convaincu que la paix n'est pas une option.
C'est du moins l'avis de plusieurs experts, qui estiment que l'obsession de Netanyahou à considérer le conflit vieux de plusieurs décennies entre Israël et les Palestiniens comme quelque chose qui ne peut être que géré, et non pas terminé, a empêché toutes les autres alternatives.
«Netanyahou n'a rien à voir avec la paix», a déclaré à Arab News Yossi Mekelberg, professeur de relations internationales et membre associé du programme MENA à Chatham House, à Londres.
Mekelberg est d'avis qu'Israël devrait «chercher un futur leader», ajoutant que, bien que nous ne soyons pas dans la phase de «paix active» du conflit, cela devrait «commencer bientôt, si nous ne voulons pas d'une autre période prolongée de guerre de faible intensité».
Bien qu'il ait acquis une réputation de survie et de renaissance au cours de ses plus de 20 ans au sommet de la politique israélienne, les sondages indiquent que l'éviction de Netanyahou à court terme est désormais une possibilité très réelle.
Compte tenu des accusations de corruption qui pèsent sur lui une fois qu'il aura été privé de l'immunité juridique que lui confèrent ses hautes fonctions, l'enjeu est particulièrement important.
Selon un récent rapport du Wall Street Journal, les Israéliens ne sont que 18% à souhaiter que Netanyahou reste au pouvoir à long terme, 29% d'entre eux exigeant son départ immédiat et 47% ne voyant pas de place pour lui au gouvernement après la fin de la guerre.
Interviewée par le New Yorker, Dahlia Scheindlin, politologue et experte de l'opinion publique israélienne, a révélé que la popularité de Netanyahou avait atteint son point le plus bas.
«Selon tous les indicateurs possibles, et de nombreux sondages ont été réalisés depuis le 7 octobre, sa popularité est épouvantable», a indiqué Scheindlin. «C'est le pire que je n’aie jamais vu, certainement depuis 2009. J'aimerais dire jamais, mais il faudrait que je vérifie tous les sondages depuis le début des années 90.»
Ce déclin pourrait avoir des conséquences sur la manière dont la guerre à Gaza est menée, la coalition de Netanyahou, formée en 2022, ayant perdu sa majorité, passant de 64 à 32 sièges au parlement.
Pourtant, cette perte de soutien populaire s'explique en partie par la manière dont Netanyahou a cherché à gérer le conflit avec le Hamas, de nombreux Israéliens imputant à son manque de leadership l'attentat qui a déclenché la dernière phase de violence.
Osama al-Sharif, analyste et chroniqueur politique jordanien, estime que le destin politique de Netanyahou est étroitement lié à la manière dont la guerre a été menée.
«Le scénario le plus probable concernant les plans israéliens de démilitarisation de Gaza est que Netanyahou lui-même quitte la scène avant le Hamas, alors que le public commence à se plaindre d'une victoire qui ne viendra peut-être jamais», a expliqué Al-Sharif à Arab News.
Les électeurs israéliens ne sont pas les seuls à être à bout de patience. Le soutien du président américain Joe Biden à Netanyahou et la gestion de la guerre par son gouvernement d'extrême droite l'ont placé en mauvaise posture à l'approche de sa propre année électorale.
Dans des remarques hors caméra rapportées par Axios, Biden aurait déclaré: «Je pense que Netanyahou doit changer, et avec ce gouvernement. Ce gouvernement en Israël lui rend la tâche très difficile.»
Pour Tobias Borck, chargé de recherche principal sur la sécurité au Moyen-Orient au Royal United Services Institute de Londres, Netanyahou a été paralysé dès le départ par sa propre perception du conflit avec les Palestiniens, sa stratégie de «statu quo du conflit gérable» s'est avérée un échec.
«Son intransigeance à ne considérer la Palestine que comme un problème à gérer est ce qui empêche l'émergence de nouvelles idées», a précisé Borck à Arab News.
Cela a créé «cette situation intermédiaire totalement insoutenable: ni un État, ni deux États». Ce n'est pas une solution au problème. C'est une confusion causée par la position adoptée par Netanyahou il y a des décennies. Le fait qu'il n'ait pas trouvé de nouvelles idées n'est pas surprenant.
Après une trêve de sept jours, au cours de laquelle le Hamas a libéré plusieurs otages en échange de Palestiniens détenus dans les prisons israéliennes, la campagne de bombardements des forces de défense israéliennes (FDI) a repris, portant le nombre de civils tués à Gaza à plus de 18 000, selon le ministère de la Santé dirigé par le Hamas.
Dans ce contexte, plusieurs sources anonymes qui ont parlé aux médias américains ont déclaré que Washington pourrait essayer de forcer la main d'Israël et d'imposer la fin des violences d'ici Noël. Borck a signalé avoir entendu ces rumeurs, mais n'est pas convaincu de leur véracité.
Ce qui est devenu très clair, c'est que «le ton américain est en train de changer et de passer d'une attitude ouverte à une volonté d'en finir», a-t-il déclaré.
«Il est possible de suivre l'évolution de la situation au cours des deux derniers mois. Cette évolution se poursuit et le point final est inévitable: Cessez-le-feu maintenant. Tout ce qui compte, c'est ce que les Américains perçoivent comme le fait que les Israéliens ont atteint leurs objectifs de guerre. N'oubliez pas que des Américains sont toujours retenus en otage», a-t-il souligné.
Borck ne s'attend pas à ce que les Israéliens déposent simplement les armes dès que Washington leur criera «cessez le feu maintenant». Il s'attend plutôt à ce qu'ils contestent et condamnent ce qu'ils perçoivent comme une ingérence des États-Unis.
Toutefois, le changement de ton de Washington pourrait bien être la meilleure chance de survie politique de Netanyahou. Reuters a cité des sondages récents qui indiquent un soutien massif de l'opinion publique à la guerre, malgré le nombre de victimes civiles à Gaza.
Un ancien ambassadeur israélien à Washington, Itamar Rabinovich, a déclaré au New York Times que Netanyahou se concentrait autant sur les prochaines élections que sur la guerre.
«Il envisage une campagne électorale potentielle dans quelques mois. Ce sera son programme: Je suis le leader qui peut tenir tête à Biden et empêcher la création d'un État palestinien», a éclairci Rabinovich.
Biden semble vouloir dissocier le soutien à Israël du soutien à Netanyahou. En début de semaine, le président américain a déclaré qu'Israël perdait le soutien de la communauté internationale en raison de ses bombardements aveugles.
De son côté, Netanyahou semble vouloir s'opposer à Biden en déclarant récemment: «Nous continuerons jusqu'à la fin, il n'y a pas de doute. Je le dis même si la douleur est grande et si la pression internationale est forte. Rien ne nous arrêtera.»
Ahron Bregman, chargé de cours au département des études sur la guerre du King's College de Londres, a déclaré à Arab News qu'il hésitait à faire une croix sur Netanyahou pour l'instant, notant qu'après 30 ans de rédaction de nécrologies politiques, il est encore trop tôt pour se prononcer.
Faisant écho à d’autres qui ont parlé à Arab News, Bregman est également sceptique quant au fait qu’un changement de direction au sommet de la politique israélienne entraînerait un changement significatif pour les Palestiniens.
«Cela n’a pas vraiment d’importance, car celui qui le remplacera poursuivra probablement la même politique, à savoir le recours à la force brutale pour réprimer les Palestiniens à Gaza et en Cisjordanie. Israël n’a pas de chance dans la mesure où, à ce moment critique, il n’a pas de (David) Ben Gourion», a-t-il indiqué, faisant référence au fondateur et Premier ministre d’Israël.
Bregman a ajouté: «Il arrive souvent dans l’histoire des nations que, dans les moments critiques, lorsqu’on a besoin de dirigeants courageux, audacieux et capables de sortir des sentiers battus, ils ne soient pas là.»
Bregman a soutenu que cela place les Palestiniens dans une position peu enviable, mais a suggéré que ceux qui soutiennent leur cause seraient les mieux placés pour consacrer leurs énergies. «Pas tant pour une solution à long terme que pour garantir que les Israéliens quittent la bande de Gaza, une fois cette guerre terminée.»
Cela signifiait également s’assurer que si Israël veut une zone tampon le séparant de Gaza, elle devra être construite à l’intérieur d’Israël, a-t-il estimé.
Si, comme certains l’ont suggéré, l’armée israélienne envisage la possibilité de transformer le nord de Gaza en zone tampon, Bregman a conclu que toute présence israélienne dans la «petite» bande de Gaza, même si elle n’est que «temporaire», ne servirait qu’à retarder encore davantage une solution à long terme au conflit.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com