PARIS: En France une cinquantaine d'organisations de défense de la liberté de la presse appellent le président Emmanuel Macron à ne pas "torpiller" le secret des sources, dénonçant le "lobbying" de la France à Bruxelles pour autoriser "l'espionnage" des journalistes au nom de "la sécurité nationale".
Cet appel intervient alors que les négociations autour de la "loi européenne sur la liberté des médias" doivent aboutir vendredi : gouvernements des États membres de l'UE, eurodéputés et Commission Européenne doivent trouver un compromis sur ce texte.
Or ce dernier, s'il "comporte une très grande majorité de dispositions renforçant la liberté de la presse", contient "aussi quelques dispositions liberticides", s'alarment les signataires de la lettre ouverte, parmi lesquels les syndicats SNJ, CGT, CFDT et FO, les sociétés de journalistes (SDJ) de nombreux médias (AFP, Le Figaro, Mediapart...), l'association Acrimed ou encore la cellule investigation de Radio France.
"Sans protection des sources, pas de journalisme, pas de démocratie", estiment-ils.
Au cœur de leurs craintes, les dérogations réclamées par plusieurs pays, dont la France, à l'interdiction de l'utilisation de logiciels-espions, au nom de la sécurité nationale.
"Concrètement, les appels, les e-mails et les échanges sécurisés entre les journalistes et leurs sources liées à ces enquêtes pourraient être interceptés en toute légalité par les services de renseignement", s'alarment les signataires.
"Nous appelons solennellement le président Emmanuel Macron et le gouvernement français, à retirer cette dérogation au titre de la 'sécurité nationale'", ajoutent-ils.
Utilisation «abusive»
De son côté, Reporters sans frontières (RSF) s'inquiète "du maintien de l'exception de sécurité nationale, à l'insistance de la France", redoutant une utilisation "abusive".
"Outre la Finlande et la Suède, la France est rejointe sur cette position par des États où la liberté de la presse connaît des vicissitudes et où, parfois, les journalistes ont pu être inquiétés par les autorités : la Hongrie, l'Italie, la Grèce, Chypre et Malte", déplore l'ONG sur son site.
Révélant une contribution aux débats datée du 6 novembre et issue des ministères français des Armées et de l'Intérieur, RSF assure que ces derniers "veulent garder la possibilité de surveiller des journalistes notamment pour identifier des agents étrangers".
Pour l'ONG, c'est donc "la violation du secret des sources des journalistes à des fins de renseignement" qui est réclamée.
Elle "renouvelle sa demande que la France renonce à cette exception de sécurité nationale et demande d'urgence une réunion" avec le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin pour que le ministère clarifie ses intentions en matière de surveillance des journalistes.