PARIS: Le ministère de l'Economie et la Banque de France ont ajusté lundi à la marge les règles encadrant le crédit immobilier, pour réveiller un marché en chute libre, et plaidé pour un examen minutieux des refus des banques en la matière.
"J'ai proposé trois ajustements techniques" à l'occasion de la réunion trimestrielle du Haut Conseil de stabilité financière (HCSF) tenue dans la matinée, a expliqué à l'AFP le gouverneur de la Banque de France François Villeroy de Galhau.
"Ces ajustements sont raisonnables: aucun ne touche aux fondamentaux" des règles actuelles encadrant le crédit immobilier, et "aucun ne risque de mettre les ménages en situation de surendettement", a-t-il continué.
Les grands principes restent figés dans le marbre: les banques n'ont pas le droit de signer un crédit immobilier si le montant total des dépenses des emprunteurs liées à l'habitation dépasse 35% de leurs revenus (taux d'effort), ni pour une durée supérieure à 25 ans.
Ces bornes peuvent être contournées dans 20% des cas, à condition que cela concerne en priorité des résidences principales et vise, dans près d'un tiers des cas, des primo-accédants.
Parmi les trois ajustements décidés lundi, les banques pourront déroger à la limite maximale de la durée d'emprunt, pour aller jusqu'à 27 ans, si des travaux représentent 10% du montant total de l'opération.
Le HCSF a également décidé "d'autoriser les établissements de crédit à exclure la charge d'intérêt associée aux prêts relais" dans le calcul du taux d'effort. Le montant du prêt relais ne doit toutefois pas dépasser 80% de la valeur du bien vendu.
Enfin, les banques disposeront de davantage de flexibilité pour déployer leur quota d'exceptions. Elles pourront ponctuellement dépasser la limite de 20% sur un trimestre si elles retombent ce seuil en dessous en comptabilisant les deux trimestres suivants.
Niveau plancher ?
L'objectif du HCSF est de faire repartir la production de crédits immobiliers, passée sous les 10 milliards d’euros mensuels depuis août, selon la Banque de France, du jamais vu depuis plus de 7 ans.
Les ménages sont moins enclins à emprunter à cause de la hausse des taux amorcée par la Banque centrale européenne (BCE) l’an dernier et répercutée par les banques dans leur politique commerciale.
Le taux moyen des nouveaux crédits à l'habitat hors renégociations, qui évoluait sous les 1,1% jusqu’en mars 2022, est passé en un an et demi à 3,73%, selon les données de la Banque de France, pour septembre 2023.
Or dans le même temps les prix de l'immobilier ne s'ajustent que très sensiblement à la baisse.
"Il est souhaitable désormais que la production (de crédits immobiliers) se stabilise puis reparte à la faveur de la stabilisation des taux d'intérêt, et de la stabilisation, voire de la baisse, des prix de l'immobilier", a plaidé M. Villeroy de Galhau.
Interrogé plus tard dans la journée sur le plateau de C à vous, sur France 5, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a évoqué "des mesures d'assouplissement" à la fois "responsables" et "significatives" pour le crédit immobilier.
Elles sont pourtant loin de faire l'unanimité. "Ces règles, d’une complexité croissante au fil des aménagements, et les possibilités dérogatoires millimétriques qui les accompagnent ne sont pas opérationnellement pilotables à l’échelle de réseaux bancaires", a réagi la directrice générale du réseau de courtiers CAFPI Caroline Arnould.
Seconde chance
Le HCSF s'est par ailleurs prononcé en faveur d'un accord de Place pour un deuxième examen des dossiers de crédits immobiliers refusés, une idée lancée par le gouverneur le 17 novembre et reprise par Bruno Le Maire.
Ce dispositif de réexamen "doit être simple, accessible et efficace", a affirmé à l'AFP le gouverneur de la Banque de France.
Il serait "transitoire et temporaire", se ferait au cas par cas, à la demande du candidat à l'emprunt, et entrerait en vigueur début février, selon une source proche du HCSF.
"La profession bancaire réaffirme sa mobilisation pour le financement sain de l'économie française, et ses valeurs d'utilité au quotidien", a réagi la Fédération bancaire française (FBF).
La fédération professionnelle ne reprend cependant pas à son compte l'initiative de cette proposition de réexamen, que lui attribue pourtant le HCSF.