KHAN YOUNES: A chaque jour, son nouvel épisode macabre. Des dizaines de personnes non identifiées ont été enterrées mercredi dans une fosse commune d'un cimetière de Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza.
Plus de 80 cadavres, enroulés dans des bâches bleues, certains correspondant à la taille d'enfants, ont été déposés, parfois depuis un brancard maculé de sang, dans une fosse sableuse, agrandie au fur et à mesure par une pelleteuse.
"Comme ces martyrs n'ont personne pour leur dire adieu, nous avons creusé une fosse commune pour les enterrer. Ce sont des martyrs inconnus", explique à l'AFP Bassem Dababesh, membre du comité d'urgence du ministère des Affaires religieuses du Hamas.
Les bâches sont numérotées, sans patronyme. Selon des membres du comité, les dépouilles se trouvaient dans le nord du territoire, à l'hôpital indonésien ainsi qu'à l'hôpital al-Chifa.
Le premier, situé en bordure du camp de réfugiés de Jabaliya, qui avait été touché par des frappes israéliennes, avait été partiellement évacué lundi, selon le porte-parole du ministère de la Santé du Hamas, Ashraf al-Qidreh.
«Des corps partout»
"Il y avait des corps partout. Si je ne l'avais pas vu de mes propres yeux, je ne l'aurais pas cru", a raconté à l'AFP Oum Mohammed al-Ran, une femme évacuée de l'hôpital indonésien vers Rafah (sud).
"On a vu des blessés mourir devant nous parce qu'ils se vidaient de leur sang. L'odeur des corps était partout dans l'hôpital, les malades criaient de douleur et réclamaient des antalgiques et les médecins ne pouvaient pas leur en donner".
Elle montre une vidéo filmée avec son téléphone. On y voit un patient avec une plaie infectée à une jambe et de laquelle sortent des vers.
La situation est similaire dans le plus grand hôpital du territoire, al-Chifa.
Mi-novembre, en parallèle d'une opération militaire israélienne de grande envergure, le directeur de l'établissement avait affirmé que 179 corps avaient été enterrés dans une fosse commune. Dont sept bébés prématurés, morts faute d'électricité alimentant leurs couveuses.
Les corps arrivés à Khan Younès auraient été "détenus" par Israël et rendus grâce à l'intervention de "pays tiers et des Nations unies", a précisé le comité du ministère des Affaires religieuses.
Le directeur d'une société de transport, Khalil Siam, a affirmé à un journaliste de l'AFP sur place que les corps étaient arrivés la veille dans la nuit, précisant qu'il ignorait "s'ils étaient en état de décomposition ou pas".
Contactées, l'armée israélienne et plusieurs agences de l'ONU opérant à Gaza n'avaient pas répondu mercredi soir.
Choc
Alors que les morts se comptent par milliers à Gaza, la question des obsèques est de plus en plus dramatique et choque profondément.
Dès le début de la guerre, des Palestiniens avaient dû inhumer leurs proches à la hâte sur des parcelles privées ou même un terrain de football, quand les cimetières étaient pleins ou inaccessibles en raison des combats.
Dès le 15 octobre, le chef de l'agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens (Unrwa), Philippe Lazzarini, avait dénoncé un début de pénurie de sacs mortuaires.
La guerre a été déclenchée par l'attaque sanglante du Hamas sur le sol israélien le 7 octobre, où 1.200 personnes, en grande majorité des civils, ont été tuées selon les autorités et près de 240 prises en otage.
En représailles, Israël a juré d'"anéantir" le Hamas et pilonne sans relâche Gaza. Selon le gouvernement du mouvement islamiste, plus de 14.000 personnes ont été tuées dans les bombardements israéliens, dont plus de 5.500 enfants.
Des milliers d'entre eux devraient encore être coincés sous les décombres.