PARIS: Un président happé par un sommet du G20 en visio, des édiles frustrés : l'absence d'Emmanuel Macron au grand rendez-vous annuel des maires a une nouvelle fois mis en lumière une relation compliquée entre le chef de l'Etat et les élus les plus proches des Français.
S'il recevra bien 1.000 d'entre eux mercredi soir à l'Elysée, le président a finalement fait l'impasse sur le Salon des maires, qui réunit des exposants travaillant avec les municipalités, auquel il était attendu dans la journée, comme en 2022.
Au même moment, un sommet des Vingt pays les plus industrialisés a été convoqué par l'Inde, avec en toile de fond le conflit entre Israël et le Hamas.
Le chef de l'Etat n'ira pas non plus au 105e Congrès de l'Association des maires de France (AMF), un rendez-vous qu'il esquive régulièrement, à la différence de son prédécesseur François Hollande.
Eric Pancioli, adjoint sans étiquette au maire de Baratier (Hautes-Alpes), aurait pourtant "bien aimé y voir le président".
"Ca aurait été plus simple qu’il se déplace et vienne expliquer des choses, qu’on lui pose des questions. Quand le dialogue est court-circuité, c'est jamais très bon", pointe l'élu de la petite commune rurale.
"Surtout après ce qu'on a vécu en juillet avec les émeutes, au moment d’une crise sociale sans précédent", renchérit le maire socialiste d'Alfortville (Val-de-Marne), Luc Carvounas.
«Les yeux dans les yeux»
Le Congrès se tient en outre sur fond de hausse sans précédent des violences verbales et physiques à l'encontre des maires et d'une vague de démissions d'élus.
"J’y vois un petit peu plus d’abandon des maires de la part de l’Etat", déplore Martine Mattei, maire sans étiquette de Viviers (Ardèche), jugeant ces élus "bien souvent très seuls face aux conflits".
Du côté de l'exécutif, on réfute toute mésentente avec les maires et toute méconnaissance de leurs défis au quotidien.
Au fil de ses déplacements, Emmanuel Macron a constuit une "relation de confiance, républicaine" avec ces élus de terrain, assure-t-on dans son entourage.
Plus que les grand-messes, il "apprécie les échanges les yeux dans les yeux", justifie-t-on également. Il va ainsi discuter trois heures avec les 1.000 élus de toutes étiquettes et tous horizons conviés à l'Elysée.
Ce sera d'ailleurs le plus grand événement annuel au Palais, précise l'a présidence. Pas moins d'une quinzaine de ministres seront aussi présents, outre la cheffe du gouvernement Elisabeth Borne.
Plus largement, il "faut distinguer les relations avec les maires et celles avec les associations d'élus", qui sont "dans des débats davantage politiciens", considère un conseiller de l'exécutif.
«Posture jacobine»
Le président de l'AMF, maire Les Républicains (LR) de Cannes, David Lisnard, qui reproche régulièrement au chef de l'Etat "l'extrême centralisation" de ses décisions, ne cache pas ses ambitions pour la présidentielle de 2027.
"Nous passons à une recentralisation galopante", accuse aussi le maire socialiste d'Issoudun (Indre) et vice-président de l'association, André Laignel, qui dénonce un "étouffement financier" des communes.
Le parti présidentiel peine aussi à s'imposer à l'échelon municipal. Aux élections de 2020, La République en marche (LRM, aujourd'hui Renaissance) n'a remporté aucune grande ville.
Ces tensions ne datent pas d'hier. En 2017, Emmanuel Macron, accusé de vouloir contrôler les budgets des collectivités, avait été hué et sifflé à son arrivée au Congrès des maires.
"Le premier quinquennat a démarré par un jupitérisme stratosphérique, une espèce de technolibéralisme, une posture très jacobine", rappelle Romain Pasquier, professeur à Sciences-Po Rennes et spécialiste des collectivités.
Avec la crise des "gilets jaunes", Emmanuel Macron a été "à la pêche au soutien des maires" pour ses grands débats, une "alliance de circonstance" s'est alors construite, dit-il.
Lors de sa dernière prise de parole au Congrès des maires en 2021, le chef de l'Etat avait d'ailleurs concédé "des malentendus" et des "préjugés".
Mais les signaux sont restés depuis "contradictoires", ce qui est perçu comme "une forme d'indifférence", sinon de "condescendance" présidentielle, relève Romain Pasquier.