SAINT-DENIS: Les absents ont définitivement tort : Emmanuel Macron et les chefs de parti réunis vendredi à Saint-Denis ont conclu à l'impossibilité d'organiser en l'état un référendum sur l'immigration, ardemment réclamé par le dirigeant des Republicains Eric Ciotti qui avait décidé de faire l'impasse sur la rencontre.
"Il n'y aura pas de référendum sur l'immigration", a annoncé Marine Tondelier (EELV) à l'issue des deuxièmes "rencontres de Saint-Denis" qui ont duré neuf heures et ont été boudées cette fois par la moitié de l'opposition.
"Un consensus s'est dégagé autour de la table sur le fait qu'il paraissait compliqué d'élargir la possibilité de tenir des référendums sur des sujets sociétaux tels que l'immigration, tellement les sujets sont larges et clivants", a renchéri Fabien Roussel (Parti communiste).
"J'ai été aujourd’hui à Saint-Denis le seul porte-parole de ceux qui veulent maîtriser l'immigration", a constaté avec dépit le président du Rassemblement national Jordan Bardella, favorable à une telle consultation et déterminé à "continuer de porter cette demande".
"Tout ça pour ça !", a répliqué Eric Ciotti par communiqué depuis son fief des Alpes-Maritimes, en appelant à voter la proposition de loi constitutionnelle de son parti pour "stopper l’immigration de masse", à l'agenda de l'Assemblée le 7 décembre.
Plus généralement, les participants n'ont pas réussi à se mettre d'accord sur l'extension du champ du référendum aux questions de société, comme la fin de vie, ou sur l'abaissement des critères permettant d'organiser un référendum d'initiative partagée (RIP).
Le président a "pris acte" de l'absence de majorité pour réviser l'article 11 de la Constitution relatif au référendum, a-t-on indiqué dans son entourage.
Moment important
Sur le RIP, Emmanuel Macron a "beaucoup écouté", "l'idée est de savoir à quel niveau on peut faire descendre les seuils", actuellement fixés à 185 parlementaires et environ 4,7 millions de Français, a résumé le chef des centristes au Sénat, Hervé Marseille, à l'AFP.
Selon le secrétaire général de Renaissance, Stéphane Séjourné, une majorité des participants s'est en revanche prononcée en faveur de propositions pour un mode de scrutin proportionnel.
Suivant sa promesse d'inscrire l'interruption volontaire de grossesse (IVG) dans la Constitution, M. Macron a par ailleurs précisé que le texte de loi serait présenté le 13 décembre en Conseil des ministres, puis atterrira au Parlement au premier trimestre 2024 avant une possible réunion du Congrès en mars, où 3/5e des députés et sénateurs devront avaliser la formulation retenue.
Outre le patron des Républicains, Olivier Faure (Parti socialiste) et Manuel Bompard (La France Insoumise) ont fait défection vendredi, jetant une ombre sur l'avenir de ces consultations.
Cela reste un "moment politique important" dans une "période politique troublée et un moment inédit" avec la guerre en Ukraine et celle entre Israël et le Hamas, s'est-on défendu dans l'entourage d'Emmanuel Macron.
Le président enverra "rapidement un relevé de conclusions détaillé aux participants précisant les prochaines étapes", a-t-on ajouté de même source, sans plus de précisions sur une prochaine rencontre.
Comme le 30 août, rendez-vous avait été donné à la Maison de l'éducation de la Légion d'honneur, à deux pas de la basilique où reposent les rois de France.
Haro sur les LR
Emmanuel Macron a d'abord donné des "informations" sur la situation à Gaza et les négociations "rudes" en cours pour libérer les otages détenus par le Hamas, a indiqué Fabien Roussel.
Comme après l'attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre, il a évoqué la possibilité d'organiser des points réguliers sur la situation internationale dès que l'actualité le nécessite.
Eric Woerth, député Renaissance, a ensuite présenté les grands principes de sa mission sur la décentralisation, éteignant au passage les craintes de supprimer certaines collectivités territoriales, notamment les départements. L'ex-ministre devrait faire un point d'étape dans trois mois sur l'avancée de ses chantiers.
Les absents dénonçaient une opération de communication. "Nous aussi on en fait", a riposté Marine Tondelier. Ils reprochaient aussi au président de chercher ainsi à contourner le Parlement où il n'a plus de majorité absolue.
"Je suis à la tête d'un parti de gouvernement", a de son côté fait valoir Jordan Bardella (RN). "Chaque fois que la République nous convoque, nous répondons présent", a-t-il plaidé, lançant ainsi une pierre dans le jardin des LR.
L'entourage présidentiel a aussi ironisé sur l'absence d'Eric Ciotti, jugeant "difficile de porter une proposition" de référendum sur l'immigration, "de ne pas venir à la réunion durant laquelle on devait en parler et ensuite de regretter le fait que cette proposition n’ait pas pu prospérer".