BERNE: Le président français Emmanuel Macron a appelé à "préserver la paix et la démocratie jamais acquises" au début de sa visite d'Etat en Suisse mercredi, quand la guerre fait rage sur le Vieux Continent, dans le Caucase et au Proche-Orient.
Le conflit entre Israël et le Hamas s'est invité dès le premier bain de foule à Berne. "Cessez-le-feu à Gaza M. Macron, on compte sur vous!", lance un jeune homme.
"On ne peut pas le faire tout seul, mais c'est clair", répond le chef de l'Etat, reçu chaleureusement par les badauds dans la capitale helvétique.
Pour sa première visite d'Etat dans le pays alpin -qui incarne la neutralité-, le président français s'est félicité du choix de Berne de condamner sans tarder l'invasion de l'Ukraine par la Russie et l'adoption de toutes les sanctions économiques imposées à Moscou par l'Union européenne.
Mais, a-t-il prévenu: "nous devons maintenant aller plus loin, chacun selon ses moyens" pour éviter que la Russie ne puisse contourner ces mesures punitives.
L'Europe
Il n'a pas perdu de temps pour aborder un sujet difficile pour les Suisses: le rapport à l'Union européenne.
"Il nous faut redéfinir une relation fondée sur une forte volonté politique entre la Suisse et l’Union européenne", car "l’Union européenne a besoin de la Suisse et la Suisse, je le crois profondément, a besoin de l’Union européenne", a argumenté Emmanuel Macron, au Palais fédéral.
Le gouvernement suisse vient d'annoncer qu'un mandat de négociation avec l'UE serait prêt en décembre.
La Confédération semble donc en passe de renouer avec les Vingt-Sept, deux ans après avoir choqué Bruxelles en décidant brutalement de mettre fin à de longues années de pourparlers.
M. Macron s'est dit désireux que les discussions avec la Commission européenne -qui a le soutien de la France- "puissent continuer d’avancer."
Israël-Hamas: Macron condamne «avec la plus grande fermeté» les bombardements d'infrastructures civiles
Le président français Emmanuel Macron a "condamné avec la plus grande fermeté" mercredi les bombardements d'infrastructures civiles dans la guerre qui oppose Israël au Hamas, lors d'une conférence de presse à Berne.
"Nous condamnons avec la plus grande fermeté tous les bombardements de civils en particulier d'infrastructures civiles qui doivent être protégées au titre de notre droit international et du droit humanitaire", a dit le président lors du premier jour de sa visite d'Etat en Suisse, répondant à une question sur la situation de l'hôpital al-Chifa, le plus important de la bande de Gaza.
Il a insisté sur le fait que cela valait "pas seulement pour les bâtiments mais les personnes qui y soignent", rappelant que des dizaines d'humanitaires et de fonctionnaires internationaux avaient trouvé la mort dans les bombardement intensifs que mène Israël dans l'enclave palestinienne depuis l'attaque sans précédent du mouvement islamiste Hamas le 7 octobre sur le territoire israélien.
L'opération de l'armée israélienne dans l'hôpital al-Chifa, abritant selon elle une base stratégique du Hamas, a suscité vives inquiétudes et condamnations mercredi de la part d'acteurs de la communauté internationale.
Avant le président, la diplomatie française avait dit sa "très vive préoccupation" sur cette opération estimant que la population palestinienne n'avait "pas à payer pour les crimes du Hamas".
Le président français a également été interpellé sur un manque de clarté concernant la guerre entre Israël et le Hamas que lui reprochent certains.
Il a affirmé défendre une position "équilibrée" et qui n'a "jamais varié".
"Nous reconnaissons, de manière complète, le droit d'Israël de se défendre et de lutter contre le terrorisme mais parce qu'Israël est une démocratie (...) ce droit à se défendre doit s'inscrire dans le cadre du droit international humanitaire et en respectant les règles de la guerre (...). Nous n'avons jamais varié", a-t-il lancé.
Cette position "est de ne jamais transiger sur le droit d’Israël de vivre en paix et en sécurité dans la région, et la France a aussi toujours soutenu les aspirations légitimes du peuple palestinien et continuera d’œuvrer pour une solution à deux Etats", a martelé le président.
"Nous n'avons jamais varié", a-t-il insisté.
Il a aussi affirmé "assumer la totalité des propos" tenus dans une interview à la BBC, qui ont incité les Israéliens à demander "une clarification".
"Je revendique et j’assume la totalité des propos que j’ai pu tenir devant vos confrères de la presse anglo-saxonne, parce qu’ils correspondent à cette ligne qui condamne aussi les bombardements contre les populations civiles et qui s'émeut de la même manière d’un enfant qui est tué."
"Il n’y a pas de double standard pour la France", a-t-il dit.
L'attaque du 7 octobre du Hamas a fait environ 1 200 morts, principalement des civils. Les frappes israéliennes sur Gaza ont fait plus de 11 000 morts, là aussi surtout des civils, selon le ministère de la Santé du Hamas.
Visite d'Etat
Le président français et son épouse Brigitte Macron, arrivés en début d'après-midi à Berne, ont droit aux égards réservés aux hôtes les plus importants.
Honneurs militaires, rencontre avec les sept membres du Conseil fédéral, discours au Palais fédéral et dîner de gala marquent la première journée.
Alain Berset, qui terminera à la fin de l'année la présidence tournante de la confédération helvétique avant de dire adieu au Conseil fédéral, a tissé un lien d'amitié avec Emmanuel Macron au plus fort de la pandémie de Covid-19 et les deux hommes se tutoient.
Outre François Hollande, seuls Jacques Chirac en 1998, François Mitterrand en 1983 et Armand Fallières en 1910 avaient fait ce déplacement.
"Chers amis français n'en doutez point, vous serez toujours les bienvenus en Helvétie", a lancé Alain Berset dans son discours de bienvenue.
La visite marque un retour à la normale entre Berne et Paris.
En 2022, la Suisse avait fortement irrité la France en préférant le F-35 américain au Rafale français pour moderniser son armée de l'air, un contrat de plus de 6 milliards d'euros.
Startup et science
Jeudi, la seconde et dernière journée de la visite sera beaucoup moins protocolaire mais toujours placée sous le signe de l'Europe.
Emmanuel Macron ira visiter la Fondation Jean Monnet pour l'Europe à Lausanne avant de rencontrer des étudiants pour parler des "grands enjeux sociétaux" de l'Union européenne. Il a aussi accepté de répondre aux questions du public.
L'économie sera aussi à l'agenda, les deux pays étant d'importants partenaires commerciaux, et la Suisse le troisième investisseur en France.
Après une rencontre avec des responsables économiques à Lausanne, celui qui est parfois décrit en président de la "Start-up Nation" prendra un train spécial pour rallier Genève en compagnie de dirigeants de jeunes pousses.
Le voyage se conclura sur une note de sciences fondamentales avec la visite du CERN, le laboratoire européen pour la recherche nucléaire et la physique des particules, à cheval sur la frontière franco-suisse.
L'occasion d'évoquer le projet pharaonique de Futur Collisionneur Circulaire. Un accélérateur de particules de 100 kilomètres de circonférence, qui ne fait pas l'unanimité au sein de la communauté scientifique mais qui aux yeux de ses défenseurs doit permettre la recherche d'une nouvelle physique.