GAZA: À la veille de l'Aïd Al-Adha, Saeed Zeitawi, à court d'argent, se désole de ne pas avoir pu acheter d’animal à sacrifier pur la fête musulmane, pour la première fois en 20 ans.
Le Palestinien âgé de 49 ans, qui fait vivre une famille de huit personnes, a déclaré à Arab News que la fête de l'Aïd de cette année ne valait pas la peine d'être célébrée dans ces conditions. « Il ne sert à rien de faire l'Aïd sans sacrifice d’animaux. La joie de l'Aïd cette année est partie. Le sacrifice est le rituel le plus important de la fête. Cela apporte de la joie dans le cœur des enfants et rend tout le monde heureux », se lamente-t-il.
Les éleveurs de bétail en Palestine, où sont vendus les animaux destinés aux sacrifices sacrés souffrent beaucoup cette année, en raison d’une série de facteurs: la crise financière de l’Autorité palestinienne (AP), le blocus israélien renforcé dans la bande de Gaza, auxquels se sont ajoutées les conséquences économiques liées à la pandémie de covid-19.
Les marchands de bétail proposent aux potentiels acheteurs des paiements échelonnés, afin de les encourager à acheter les animaux sacrificiels. Zeitawi, qui vit en Cisjordanie, a déclaré qu'il avait procédé par versements différés l'année dernière, mais que cette option n’était plus envisageable aujourd’hui.
Employé par l'AP, son salaire mensuel a diminué de plus de moitié et son salaire a été versé de manière irrégulière. « Le salaire que nous recevons est à peine suffisant pour subvenir à nos besoins de base », raconte-t-il.
Le sacrifice d’un animal: un luxe pour beaucoup de Palestiniens
Beaucoup, dans la bande de Gaza - où vivent 2 millions de personnes - se trouvent dans une situation similaire. Abed Rabbo Odwan, âgé de 45 ans, a acheté un veau sacrificiel l'année dernière avec cinq amis. Ils l'ont acheté ensemble en payant par versements échelonnés. Auparavant, il achetait de l’agneau. Désormais, même acheter un veau à plusieurs n’est « plus une option. »
Odwan, directeur d'école qui pendant des années n'a reçu que 40% de son salaire total, précise qu'il fait vivre une famille de neuf personnes, dont quatre étudient à l'université, et qu’il peut désormais à peine les nourrir. Alors évidemment, un animal sacrificiel pour l'Aïd est devenu un luxe qu'il ne peut plus se permettre.
Abdel Aziz Afanah, dont la famille possède l'une des plus grandes fermes d'élevage de Gaza, a expliqué à Arab News que l'activité saisonnière de l'Aïd était la « pire » qu’il avait connu depuis des années. « La situation ne cesse de se détériorer depuis l'imposition du blocus (israélien), et la saison a été plombée par l’arrivée de la pandémie et la crise des salaires. La majorité des habitants de Gaza ont été affectés financièrement », a-t-il affirmé.
Selon les estimations officielles, environ 53% de la population de la bande de Gaza vit dans la pauvreté.
Issam Asida, un marchand de bétail en Cisjordanie, raconte que cette année, ses affaires ont baissé en raison d’une forte offre d’animaux sur le marché, qui a dépassé la demande. Bien que les prix soient identiques, sinon inférieurs à ceux de l'année dernière, Asida a expliqué à Arab News que ses ventes n'avaient même pas atteint 20% de celles réalisées en 2019.
Des estimations non officielles indiquent que les Palestiniens sacrifient environ 100,000 moutons et veaux par an.
Samir Abu Mudalleh, professeur d'économie à l'Université Al-Azhar de Gaza, affirme que la plupart des Palestiniens subissent de graves pressions économiques. En raison des baisses de salaire, le pouvoir d'achat des travailleurs a considérablement diminué. « La plupart des secteurs économiques sont en crise, et si la situation continue de se détériorer, elle pourrait conduire à un effondrement généralisé sans précédent. »
Ce texte est la traduction d’un article paru sur ArabNews.com