Mali: des frappes aériennes font plusieurs morts dans une ville stratégique, l'armée accusée

Un policier de l'ONU escorte un véhicule blindé de la Mission des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), lors d'une patrouille à Tombouctou, le 8 décembre 2021 (Photo de FLORENT VERGNES / AFP).
Un policier de l'ONU escorte un véhicule blindé de la Mission des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), lors d'une patrouille à Tombouctou, le 8 décembre 2021 (Photo de FLORENT VERGNES / AFP).
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Publié le Mercredi 08 novembre 2023

Mali: des frappes aériennes font plusieurs morts dans une ville stratégique, l'armée accusée

  • L'armée malienne a confirmé sur les réseaux sociaux avoir procédé à des frappes
  • Anticipant le départ de la Minusma, un important convoi de l'armée est parti le 2 octobre en direction de Kidal

BAMAKO: Des frappes aériennes de l'armée malienne ont fait plusieurs morts, dont des enfants selon des résidents, mardi à Kidal, possible préfiguration de la bataille à venir pour ce bastion de la rébellion touareg et enjeu majeur de souveraineté pour l'Etat central.

Le Cadre stratégique permanent (CSP), une alliance de groupes armés à dominante touareg, a fait état dans un communiqué de 14 morts, dont huit enfants regroupés devant une école et six notables, tués selon le CSP par des drones de fabrication turque de l'armée malienne.

Des résidents et des témoins s'exprimant pour la plupart sous le couvert de l'anonymat pour leur sécurité ont parlé de six, sept ou neuf morts, sans disposer pour chacun d'eux d'une vue d'ensemble.

L'armée malienne a confirmé sur les réseaux sociaux avoir procédé à des frappes, mais a assuré avoir visé des "cibles terroristes" dans l'ancien camp de la mission de l'ONU (Minusma), et avoir "neutralisé plusieurs pick-ups".

Elle a appelé la population "à ne pas céder à la propagande des terroristes visant à ternir la réputation des forces armées maliennes".

"Six personnes dont des enfants ont été tués par des frappes aériennes de l'armée malienne. A l'hôpital, nous avons des blessés", a dit un agent de santé. Une vidéo consultée par l'AFP montre six dépouilles allongées les unes auprès des autres.

L'armée avait déjà indiqué samedi avoir "neutralisé" la veille avec ses moyens aériens un certain nombre de cibles qui préparaient des opérations à l'intérieur du camp récemment évacué par la Minusma.

Les actes de guerre de mardi, les premiers meurtriers à Kidal même depuis que la rébellion touareg a repris les hostilités avec l'Etat en août, confirment les craintes d'une confrontation à laquelle les quelques dizaines de milliers d'habitants de la ville, foyer historique des insurrections indépendantistes et carrefour sur la route de l'Algérie, se préparent depuis quelque temps.

L'insoumission de Kidal et de sa région, où l'armée a subi d'humiliantes défaites entre 2012 et 2014, est un vieux motif d'irritation à Bamako.

Les colonels qui ont pris la tête du pays par la force en 2020 ont fait de la restauration de la souveraineté territoriale leur mantra.

Or Kidal est contrôlée par les rebelles qui, après s'être soulevés en 2012 et avoir accepté de cesser le feu en 2014, viennent de reprendre les armes.

Le soulèvement indépendantiste de 2012 avait coïncidé avec l'entrée en action de groupes islamistes radicaux. Les djihadistes n'ont jamais cessé de combattre l'Etat et toute présence étrangère, plongeant le Mali dans une crise sécuritaire, politique et humaine qui s'est propagée au Burkina Faso et au Niger voisins.

Appel à la Turquie

Le nord est à nouveau le théâtre depuis août d'une escalade entre les acteurs présents (armée régulière, rebelles, djihadistes). Le retrait de la Mission de l'ONU, poussée vers la sortie par la junte, a déclenché une course pour le contrôle du territoire, les autorités centrales réclamant la restitution des camps, les rebelles s'y opposant et les djihadistes tâchant d'en profiter pour affermir leur emprise.

L'évacuation par la Minusma de son camp de Kidal s'annonçait comme la plus inflammable.

Anticipant le départ de la Minusma, un important convoi de l'armée est parti le 2 octobre en direction de Kidal.

Mais la mission de l'ONU, contrainte par la dégradation sécuritaire, a accéléré son désengagement et a quitté la semaine passée son camp de Kidal. La rébellion séparatiste en a aussitôt pris le contrôle, devançant l'armée.

La précipitation du décrochage de la Minusma a irrité la junte qui voulait faire concorder ce départ avec l'arrivée sur place de l'armée. Les entraves mises par la junte à l'évacuation ont forcé la Minusma à détruire une partie de son matériel faute de pouvoir l'emporter, a dit la mission. Mais elle en a aussi laissé sur place.

Un résident ayant travaillé pour la Minusma a indiqué que parmi les victimes de mardi figuraient des habitants qui s'étaient regroupés devant le camp pour récupérer du matériel.

Le CSP a assuré pour sa part qu'une des frappes de drone avait atteint un groupe d'enfants devant une école proche du camp.

Le CSP a dit demander aux autorités turques "de revoir leur politique de vente de drones à la junte" et au groupe paramilitaire russe Wagner avec lequel elle coopère selon le CSP.

La Minusma, dont les effectifs ont tourné autour des 15 000 soldats et policiers et dont plus de 180 membres ont été tués dans des actes hostiles, est censée être partie d'ici au 31 décembre. Depuis juillet, elle a retiré du Mali près de 6 000 membres du personnel civil et en uniforme.


Cyberattaques : Berlin a rappelé «pour consultations» son ambassadeur en Russie

L'ambassadeur allemand en Russie, Alexander Graf Lambsdorff  (Photo, AFP).
L'ambassadeur allemand en Russie, Alexander Graf Lambsdorff (Photo, AFP).
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  • Une cyberattaque a notamment ciblé des adresses email de responsables du SPD, le parti social-démocrate du chancelier Olaf Scholz
  • Les pays occidentaux sont depuis le début de l'invasion russe en Ukraine, en février 2022, en alerte maximum contre le risque d'attaques informatiques massives

BERLIN: Berlin a indiqué lundi avoir rappelé pour consultations son ambassadeur en Russie, Alexander Graf Lambsdorff, après avoir accusé vendredi un groupe de hackeurs russes contrôlé par Moscou d'une récente campagne de cyberattaques.

L'ambassadeur "restera une semaine à Berlin puis retournera à Moscou", a indiqué lors d'un point presse régulier la porte-parole du ministère allemand des Affaires étrangères, Kathrin Deschauer, ajoutant que le gouvernement prenait "très au sérieux" cet "acte contre (notre) démocratie".

Les gouvernements allemand et tchèque ont accusé vendredi le groupe APT28, dirigé par les services de renseignement de la Russie, d'une récente campagne de cyberattaques dans leur pays respectif. Des accusations jugées "infondées" par la Russie.

Attaques ciblées 

Une cyberattaque a notamment ciblé des adresses email de responsables du SPD, le parti social-démocrate du chancelier Olaf Scholz, selon le gouvernement.

Berlin a annoncé vendredi la convocation du chargé d'affaires de l'ambassade de Russie, "pour faire comprendre au gouvernement russe que nous n'acceptons pas ces actions".

Les pays occidentaux sont depuis le début de l'invasion russe en Ukraine, en février 2022, en alerte maximum contre le risque d'attaques informatiques massives et d'opérations de désinformation orchestrées par la Russie.


Exercice américano-philippin contre une «invasion» en mer de Chine

Le président philippin Ferdinand Marcos Jr. a quant à lui assuré lundi que son pays n'entendait pas "faire monter la tension" en mer de Chine méridionale (Photo, Fournie).
Le président philippin Ferdinand Marcos Jr. a quant à lui assuré lundi que son pays n'entendait pas "faire monter la tension" en mer de Chine méridionale (Photo, Fournie).
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  • Ces incidents font craindre un conflit plus large qui pourrait impliquer les Etats-Unis, allié des Philippines
  • La semaine dernière, les forces américaines participant à Balikatan avaient tiré des roquettes de précision Himars depuis l'île occidentale de Palawan

LAOAG: Les troupes américaines et philippines ont tiré lundi des obus et des missiles sur une force d'"invasion" imaginaire pendant des exercices en mer de Chine méridionale, dans le nord des Philippines où les deux pays ont récemment accusé la Chine de "conduite dangereuse et déstabilisante".

Plus de 16.700 soldats américains et philippins participent à ces manoeuvres annuelles navales, terrestres et aériennes organisées jusqu'au 10 mai dans une zone où les incidents à répétition entre embarcations chinoises et philippines font craindre un conflit plus large.

Les soldats américains massés sur les dunes de la côte nord-ouest des Philippines, près de la ville de Laoag, à 400 kilomètres au sud de Taïwan, ont tiré plus de 50 obus de 155 millimètres sur des cibles flottantes à environ cinq kilomètres de la côte, ont constaté des journalistes de l'AFP.

Les troupes philippines ont enchaîné avec des tirs de roquettes vers les attaquants factices, avant que les deux forces ne finissent l'exercice avec des mitrailleuses, des missiles Javelin et d'autres salves d'artillerie.

Cet exercice à munitions réelles, baptisé "Balikatan" ("Epaule contre épaule" en tagalog, la langue philippine), vise à "se préparer au pire", a déclaré aux journalistes le commandant de la Première force expéditionnaire des Marines des Etats-Unis, Michael Cederholm.

"Il est conçu pour repousser une invasion", a-t-il ajouté sur le site de l'exercice, débuté le 22 avril dans plusieurs endroits des Philippines. "Notre flan nord-ouest est plus exposé", a détaillé à l'AFP le général philippin Marvin Licudine, dirigeant l'exercice pour la partie philippine. "A cause des problèmes régionaux, nous devons dès maintenant nous entraîner sur notre propre sol".

Pékin revendique la quasi-totalité de la mer de Chine méridionale, une importante route commerciale. Elle ignore un arbitrage international qui lui a donné tort en 2016, et y fait patrouiller des centaines de navires des garde-côtes et de la marine.

La semaine dernière, Manille a accusé les garde-côtes chinois d'avoir endommagé un bateau des garde-côtes philippins et un autre du bureau des pêches en tirant dessus au canon à eau près du récif de Scarborough, contrôlé par la Chine mais revendiqué par les Philippines.

Des exercices en forme de dissuasion 

Ces incidents font craindre un conflit plus large qui pourrait impliquer les Etats-Unis, allié des Philippines, et d'autres pays de la région, dans une période où la Chine renforce sa pression diplomatique et militaire autour de Taïwan.

La semaine dernière, les ministres de la Défense des Philippines, des Etats-Unis, du Japon et de l'Australie ont, à l'issue d'une réunion dans l'archipel américain d'Hawaï, publié un communiqué conjoint dénonçant la "conduite dangereuse et déstabilisante" de Pékin en mer de Chine méridionale.

"Les actions de la Chine dans les mers de Chine orientale et méridionale sont légitimes, légales et irréprochables", avait auparavant affirmé le 12 avril le ministère chinois des Affaires étrangères.

La semaine dernière, les forces américaines participant à Balikatan avaient tiré des roquettes de précision Himars depuis l'île occidentale de Palawan, face aux îles Spratleys également disputées.

Selon l'armée américaine, il s'agissait d'une répétition du déploiement rapide du système Himars sur les côtes philippines bordées par la mer de Chine méridionale afin de "sécuriser et de protéger le territoire, les eaux territoriales et les intérêts de la zone économique exclusive des Philippines".

"Les exercices militaires sont une forme de dissuasion", a déclaré le ministre philippin des Affaires étrangères, Enrique Manalo, dans un discours prononcé en son nom par un assistant lors d'un atelier public vendredi. "Plus nous simulons, moins nous agissons."

Le président philippin Ferdinand Marcos Jr. a quant à lui assuré lundi que son pays n'entendait pas "faire monter la tension" en mer de Chine méridionale.

"Nous ne suivrons pas les garde-côtes chinois et les navires chinois dans cette voie", a-t-il dit. "Nous n'avons pas l'intention d'attaquer qui que ce soit avec des canons à eau ou tout autre équipement offensif", a-t-il poursuivi, ajoutant que Manille continuera à utiliser exclusivement la voie diplomatique pour régler les différends avec Pékin.


La mésaventure d'un proviseur américain, cas d'école des dangers de l'IA

Les mots « Intelligence artificielle IA », miniature d’un robot et d’une main jouet sont représentés sur cette illustration prise le 14 décembre 2023 (Photo, Reuters).
Les mots « Intelligence artificielle IA », miniature d’un robot et d’une main jouet sont représentés sur cette illustration prise le 14 décembre 2023 (Photo, Reuters).
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  • Eric Eiswert, proviseur à Pikesville dans le Maryland, près de Washington, s'est retrouvé au coeur d'une violente polémique avec un enregistrement vocal
  • L'affaire, qui survient en pleine année électorale aux Etats-Unis, met en lumière la facilité avec laquelle les outils d'IA générative peuvent être employés pour nuire à tout un chacun

WASHINGTON: Après l'indignation provoquée dans un lycée américain par la diffusion de propos racistes attribués au proviseur, le vertige de découvrir que la bande sonore a été montée de toutes pièces. Cet épisode illustre les dangers d'une intelligence artificielle devenue accessible à tous.

Eric Eiswert, proviseur à Pikesville dans le Maryland, près de Washington, s'est retrouvé au coeur d'une violente polémique avec un enregistrement vocal -- qui se révélera un faux -- lui faisant prononcer des commentaires choquants contre des élèves juifs et des "enfants noirs ingrats".

L'affaire, qui survient en pleine année électorale aux Etats-Unis, met en lumière la facilité avec laquelle les outils d'IA générative peuvent être employés pour nuire à tout un chacun, et les difficultés auxquelles font face les autorités pour lutter contre de telles pratiques.

"Désormais, tout le monde est vulnérable", et non plus seulement les célébrités, alerte Hany Farid, professeur à l'Université de Californie à Berkeley (ouest).

"Il suffit d'une image pour ajouter une personne dans une vidéo, et 30 secondes d'audio pour cloner la voix de quelqu'un", poursuit le spécialiste en détection d'images et d'enregistrements manipulés numériquement, consulté par la police dans cette affaire.

Quand l'enregistrement fuite sur les réseaux sociaux en janvier, il devient rapidement viral. Une publication recueille des milliers de commentaires sur Instagram, et propulse l'école au coeur d'une polémique nationale.

Le militant des droits civiques DeRay McKesson réclame la démission du proviseur sur son compte X, suivi par près d'un million d'internautes. Il admettra s'être fait abuser.

Les messages haineux pleuvent sur les réseaux sociaux et les coups de fil menaçants se multiplient dans l'établissement. Le "monde serait meilleur si vous étiez sous terre", écrit ainsi un internaute au proviseur.

Ce dernier est placé en congés, son domicile mis sous protection. Contacté par l'AFP, il n'a pas répondu.

Vengeance 

"Je continue de m'inquiéter des dégâts provoqués par cette affaire", confie Billy Burke, directeur du syndicat représentant le proviseur.

Fin avril, Dazhon Darien, 31 ans, responsable sportif du lycée, a été arrêté par les autorités, accusé d'être à l'origine du faux. Les enquêteurs sont remontés jusqu'à lui grâce à l'adresse électronique qui a initialement partagé le fichier.

Il aurait agi pour se venger d'une enquête ouverte à son encontre par le proviseur sur des paiements suspects.

Le prévenu a mené des recherches sur des outils d'IA depuis le réseau informatique du lycée, selon l'acte d'accusation.

La bande sonore, selon l'analyse d'un expert consulté par la police, "contient des traces de contenu généré par l'IA, avec un montage humain a posteriori".

Cette affaire démontre la nécessité "d'adapter la loi aux avancées technologiques", a estimé le procureur local, Scott Shellenberger.

Les montages audio sont particulièrement difficiles à déceler. En janvier, un message diffusé par appels téléphoniques automatisés usurpant la voix du président Joe Biden incitait les électeurs démocrates de l'Etat du New Hampshire (nord-est) à s'abstenir lors des primaires pour du parti.

A Pikeville, l'affaire a secoué les habitants, "très proches les uns des autres", raconte Parker Bratton, l'entraîneur de golf du lycée.

"Il y a un seul président, mais il y a un million de proviseurs!", s'inquiète-t-il, "les gens se demandent +Que va-t-il m'arriver si quelqu'un décide tout simplement de détruire ma carrière?+".