Le conflit entre Israël et le Hamas favorisera-t-il une nouvelle course au réarmement?

Auparavant, il y avait une dépendance à l’égard de la puissance militaire américaine, mais les experts affirment qu’il y aura de plus en plus de coopération en matière de défense, les pays arabes étant moins redevables à une seule superpuissance pour leurs besoins de protection et d’armement. (AFP)
Auparavant, il y avait une dépendance à l’égard de la puissance militaire américaine, mais les experts affirment qu’il y aura de plus en plus de coopération en matière de défense, les pays arabes étant moins redevables à une seule superpuissance pour leurs besoins de protection et d’armement. (AFP)
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Publié le Dimanche 05 novembre 2023

Le conflit entre Israël et le Hamas favorisera-t-il une nouvelle course au réarmement?

  • Alors qu’un conflit met déjà à rude épreuve la posture de défense de l’Otan, l’éruption d’une deuxième guerre ouverte ailleurs dans le monde aggrave les préoccupations en matière de sécurité
  • Un récent rapport, publié par le Wall Street Journal, met en lumière les défis de taille auxquels les pays situés dans des zones politiquement conflictuelles pourraient être confrontés dans les prochains jours

LONDRES: Les planificateurs militaires réévaluent leurs arsenaux et leurs politiques d’approvisionnement à la lumière du conflit entre Israël et le Hamas, alors que les experts annoncent la fin de l’ancien ordre mondial. Ainsi, les futures menaces à la sécurité mondiale semblent beaucoup plus amorphes et les besoins en armement beaucoup moins certains.

À la suite des attaques menées par le Hamas contre le sud d’Israël le 7 octobre, le gouvernement israélien a rapidement lancé des frappes de représailles contre les bastions du groupe militant palestinien dans la bande de Gaza, en parlant dès le départ d’une offensive terrestre totale.

Les porte-parole de l’armée israélienne ont suggéré très tôt que le Hamas serait rapidement mis en déroute et que les combats prendraient fin dans un intervalle de trois mois. Cette confiance initiale s’est toutefois avérée de courte durée, à mesure que la réalité du conflit commençait à être exposée.

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Des chars de combat jordaniens participent à un exercice militaire tactique le 11 septembre 2023. (Photo fournie par le palais royal jordanien/AFP)

Chaque jour qui passe montre que l’armée israélienne s’implique sur le long terme – une situation qui génère de l’anxiété dans les arcanes du pouvoir chez les alliés occidentaux d’Israël, conscients du potentiel d’escalade régionale.

À cette préoccupation s’ajoute le fait que le conflit entre Israël et le Hamas ne se déroule pas en vase clos. Depuis plus de dix-huit mois, les munitions européennes et américaines affluent en Ukraine pour soutenir sa lutte contre la Russie.

Jens Stoltenberg, le secrétaire général de l’Otan, a déclaré, fin octobre, lors du Forum Otan-Industrie à Stockholm que bon nombre de ceux qui soutenaient l’Ukraine avaient «considérablement épuisé» leurs stocks.

«Nous devons désormais augmenter notre production pour répondre aux besoins de l’Ukraine mais aussi renforcer notre propre dissuasion et notre défense», déclare-t-il.

Alors qu’un conflit met déjà à rude épreuve la posture de défense de l’Otan, le déclenchement d’une deuxième guerre ouverte ailleurs dans le monde aggrave les préoccupations en matière de sécurité.

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Les militaires arabes se préparent à faire face, à gauche, aux menaces provenant de missiles guidés antichars portables et de roquettes antichars produites localement. (AFP)

Pour Julia Roknifard, professeure adjointe à l’École de politique, d’histoire et de relations internationales à l’université de Nottingham, les marchés publics de défense sont de plus en plus influencés par la façon dont les États se perçoivent par rapport à l’ordre de l’après-Seconde Guerre mondiale qui a abouti à la création de l’ONU.

«Je pense qu’avant d’en arriver au point de discuter des armes et des idées de prolifération nucléaire et de course aux armements, il est essentiel de reconnaître à quel point le contexte fait évoluer tout cela», dit-elle à Arab News.

«Pour comprendre cela, nous devons commencer par la restructuration et le raffinement du système international depuis le 24 février 2022», le jour où la Russie a lancé son invasion, à grande échelle, de l’Ukraine.

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La préoccupation principale des pays du Moyen-Orient est davantage liée à un approvisionnement efficace en armements, ce qui peut signifier acheter moins auprès de fournisseurs américains et davantage auprès de l’Europe, de la Chine ou même de la Russie. (AFP)

«Si l’invasion de l’Ukraine a montré que l’ordre international ne fonctionnait pas, la réponse occidentale aux représailles d’Israël après les attaques du Hamas a montré qu’on ne pouvait plus croire  à cet ordre.»

«Non seulement le système international est divisé en matière de valeurs mais il n’est également plus unifié sur les règles selon lesquelles les pays s’engageaient, ou du moins semblaient s’engager, auparavant.»

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Une photo fournie par le bureau de presse de l’armée iranienne le 28 octobre 2023 montre des missiles lancés lors d’un exercice militaire dans la province d’Ispahan, dans le centre de l’Iran. (AFP)

Au milieu de l’effondrement perçu de cet ordre international dirigé par les États-Unis, le rôle de Washington en tant que garant de la sécurité mondiale fait l’objet d’un examen de plus en plus minutieux. Cela a entraîné une hausse marquée des dépenses de défense parmi les États qui étaient auparavant disposés à s’appuyer sur leurs alliances avec les États-Unis.

Cela est clairement mis en évidence par l’augmentation des dépenses de défense des États du Moyen-Orient et de la Turquie.

Les chiffres de l’Institut international de recherche sur la paix, de Stockholm, montrent que les dépenses mondiales moyennes consacrées à la défense par rapport au produit intérieur brut étaient de 2,2% l’année dernière. Ces mêmes chiffres montrent que les dépenses de défense au Moyen-Orient ont dépassé 3,9% du PIB – bien au-dessus de la moyenne mondiale.

DÉPENSES MILITAIRES DANS LA RÉGION MENA

Monde – 2 210 milliards de dollars

Israël – 23,41 milliards de dollars

Turquie – 10,64 milliards de dollars

Iran – 6,8 milliards de dollars

Liban – 4,74 milliards de dollars

Irak – 4,68 milliards de dollars

Égypte – 4,65 milliards de dollars

Syrie – 2,49 milliards de dollars

Jordanie – 2,32 milliards de dollars

Source: Banque mondiale, SIPRI Yearbook: Armement, désarmement et sécurité internationale

 

«Je pense que cela est en partie lié à l’idée selon laquelle on ne fait pas confiance aux puissances mondiales», soutient Julia Roknifard. «Ce que vous voyez, c’est que l’une d’elles se range du côté d’un camp et cela ne se fera pas discrètement. Ensuite, une autre en fera de même.»

«Cela illustre ce que les observateurs reconnaîtront non pas comme une décision morale, mais une décision fondée sur l’intérêt pur et sur l’équilibre des pouvoirs. Il est difficile d’avoir confiance en Washington tant qu’il est aussi partial.»

«Prenons le reste du monde par exemple, pas seulement le monde musulman. Le monde non musulman considère la lutte en Palestine comme une cause nationaliste contre l’oppression.»

 

PERSONNEL MILITAIRE DANS LA RÉGION MENA

Iran - 575 000

Égypte – 450 000

Maroc – 200 000

Irak – 200 000

Israël – 173 000 (et 360 000 réservistes)

Algérie – 130 000

Syrie – 100 000

Jordanie – 90 000

Liban – 80 000

Source: Statista, Reuters

Amer al-Sabaileh, chercheur non-résident au Stimson Center, un groupe de réflexion sur la sécurité basé à Washington, estime que le fait de ne plus recourir aux superpuissances est, en partie, le résultat de la nature changeante du conflit.

Alors que l’ancien modèle d’approvisionnement en matière de défense était structuré autour de notions d’hostilités entre États, M. Al-Sabaileh affirme qu’il a évolué vers des modèles de guerre plus asymétriques, en particulier au Moyen-Orient.

«Le style de conflit au Moyen-Orient n’est pas traditionnel – il s’agit uniquement d’un conflit par procuration», affirme-t-il. «Même l’Iran ne s’intéresse pas au conflit ouvert, mais au conflit par procuration qui lui permet de rester à l’abri d’un conflit ouvert.

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Des combattants du Hezbollah libanais défilent dans le village d’Aaramta, au sud du Liban, le 21 mai 2023, à l’approche de le la commémoration du retrait des troupes israéliennes du Liban. (AFP)

«Mener ces guerres asymétriques n’est pas facile. Daech a incité de nombreuses armées à repenser la manière dont elles interagissent avec ces acteurs non étatiques – en libérant les otages et en combattant dans ces zones restreintes. L’évolution des capacités des acteurs non étatiques et la multiplication des conflits par procuration ont contraint les armées traditionnelles à repenser leurs rôles et leurs ressources.»

Un récent rapport, publié par le Wall Street Journal sur la guerre entre Israël et le Hamas, met en lumière les défis de taille auxquels les pays situés dans des quartiers politiquement conflictuels pourraient être confrontés dans les prochains jours, aux mains de milices hostiles et d’acteurs non étatiques.

«En 2014, le Hamas s’appuyait principalement sur des projectiles de l’ère soviétique, sans système de guidage, datant d’aussi loin que 1969. Dans cette guerre, le Hamas a publié des vidéos de tirs sur les troupes israéliennes avec des munitions larguées depuis des drones, une innovation sur le champ de bataille à la manière de l’Ukraine, endommageant deux chars et plusieurs véhicules militaires», peut-on lire dans le rapport.

«Les forces israéliennes ont également affronté des attaquants équipés de roquettes à fragmentation F7 hautement explosives de fabrication nord-coréenne; de missiles guidés antichars portables Kornet, un modèle développé en Russie, mais souvent copié par l’Iran et de roquettes antichars Al-Yassin produites localement.»

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Cette photo prise le 26 octobre 2023 montre des armements récupérés par les troupes israéliennes dans les zones touchées par les militants du Hamas lors de leur attaque du 7 octobre contre des communautés du sud d’Israël. L’armée israélienne a déclaré que certaines des armes utilisées par le Hamas étaient fabriquées en Iran et en Corée du Nord. (AFP)

L’Inde figure parmi les pays qui se sont empressés d’adapter leur posture de défense à la suite de l’attaque du 7 octobre en Israël.

Ayant elle-même été prise de court par le passé à la suite d’agressions perpétrées par des acteurs non étatiques – notamment l’attaque de Mumbai en 2008 qui a fait plus de 160 morts –, l’Inde met actuellement en place un système de surveillance par drone le long de sa frontière pour parer aux surprises, selon un récent rapport de Bloomberg.

Des discussions sont en cours pour déployer des «pseudo-satellites à haute altitude» alors même que l’armée indienne prévoit de déployer des systèmes de surveillance par intelligence artificielle le long de ses frontières afin de détecter les intrusions et de classer les cibles.

M. Al-Sabaileh ne trouve pas surprenant que de nombreuses armées se sentent menacées. «Ces acteurs non étatiques apparaissent avec une identité inconnue et des capacités supérieures à celles prévues. Cela a été un signal d’alarme pour de nombreux pays», ajoute-t-il.

«Il ne s’agit pas simplement de milices combattantes, mais de groupes bien entraînés et dotés de technologies qu’ils savent utiliser. Ils les mélangent aussi avec des modes traditionnels et non traditionnels. Par exemple, venir en parachute – cela avait déjà été fait contre Israël dans le sud du Liban dans les années 1980, mais c’était une idée régénérée. Ensuite, il y a les drones. Les militaires doivent désormais s’attendre à beaucoup de choses.»

Interrogé sur ce qu’il considère comme le plus grand changement, M. Al-Sabaileh répond que «là où il y avait avant de la dépendance, il y aura de la coopération», avec des pays moins redevables à une seule superpuissance pour leurs besoins de protection et d’armement.

Selon lui, cela se reflète dans la tendance à la diversification des sources d’approvisionnement en armes.

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Cette photo, prise le 28 octobre 2019, montre des bombes aériennes fabriquées aux Émirats arabes unis lors de l’exposition et de la conférence internationale sur la défense à Manama. L’évolution des capacités des acteurs non étatiques et la multiplication des conflits par procuration ont contraint les armées traditionnelles du Moyen-Orient à repenser leurs rôles et leurs ressources. (AFP)

«On remarque qu’il y a moins de dépendance dans les pays arabes du Golfe. Mais on constate également que les gouvernements tentent de diversifier leurs sources d’approvisionnement en armes», indique M. Al-Sabaileh.

«La préoccupation principale des pays du Moyen-Orient est davantage liée à un approvisionnement efficace en armements, ce qui peut signifier acheter moins auprès de fournisseurs américains et davantage auprès de l’Europe, de la Chine ou même de la Russie. Il s’agit de rechercher ce qui est nécessaire à vos besoins particuliers et de faire en sorte que l’offre réponde à la demande – même en essayant de s’approvisionner sur les marchés intérieurs.»

Al-Sabaileh et Roknifard n’accordent peut-être que peu d’importance aux suggestions selon lesquelles les combats entre le Hamas et Israël pourraient s’étendre et englober le monde entier. Mais pour l’Otan, les inquiétudes sont suffisamment fortes pour que Stoltenberg lui-même incite l’industrie de défense à augmenter sa production.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Abbas appelle le Hamas à libérer les otages à Gaza, frappes israéliennes meurtrières

Le président palestinien Mahmoud Abbas a appelé mercredi le Hamas à libérer les derniers otages retenus à Gaza, où des frappes israéliennes ont fait 25 morts, selon les secours, laissant des "corps calcinés" et des victimes ensevelies sous les décombres. (AFP)
Le président palestinien Mahmoud Abbas a appelé mercredi le Hamas à libérer les derniers otages retenus à Gaza, où des frappes israéliennes ont fait 25 morts, selon les secours, laissant des "corps calcinés" et des victimes ensevelies sous les décombres. (AFP)
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  • Le président palestinien a affirmé mercredi depuis Ramallah, en Cisjordanie occupée, que le Hamas avait fourni à Israël "des prétextes pour commettre ses crimes dans la bande de Gaza, le plus flagrant (de ces prétextes) étant la détention d'otages"
  • "C'est moi qui en paie le prix, notre peuple en paie le prix, pas Israël (...) Libérez-les", a déclaré Mahmoud Abbas, qui n'exerce plus d'autorité sur Gaza depuis que le Hamas y a pris le pouvoir en 2007

GAZA: Le président palestinien Mahmoud Abbas a appelé mercredi le Hamas à libérer les derniers otages retenus à Gaza, où des frappes israéliennes ont fait 25 morts, selon les secours, laissant des "corps calcinés" et des victimes ensevelies sous les décombres.

Rompant une trêve de deux mois, Israël a repris le 18 mars son offensive sur le territoire palestinien, affirmant vouloir contraindre le mouvement islamiste à libérer les otages qu'il retient depuis l'attaque du 7 octobre 2023.

Le président palestinien a affirmé mercredi depuis Ramallah, en Cisjordanie occupée, que le Hamas avait fourni à Israël "des prétextes pour commettre ses crimes dans la bande de Gaza, le plus flagrant (de ces prétextes) étant la détention d'otages".

"C'est moi qui en paie le prix, notre peuple en paie le prix, pas Israël (...) Libérez-les", a déclaré Mahmoud Abbas, qui n'exerce plus d'autorité sur Gaza depuis que le Hamas y a pris le pouvoir en 2007.

Après plus de 18 mois de guerre, l'ONU a fait état de cas de "malnutrition aiguë sévère" parmi les 2,4 millions d'habitants du territoire, dont la plupart ont été déplacés par les combats.

Selon un responsable du mouvement, une délégation du Hamas se trouve actuellement au Caire pour discuter avec les médiateurs de "nouvelles idées" visant à rétablir un cessez-le-feu.

"Vivre comme les autres" 

Mercredi, la frappe israélienne la plus meurtrière a détruit une école qui abritait des déplacés dans la ville de Gaza, dans le nord, faisant onze morts et 17 blessés, "y compris des femmes et des enfants", a déclaré à l'AFP le porte-parole de la Défense civile palestinienne, Mahmoud Bassal.

"Le bombardement a provoqué un incendie massif dans le bâtiment et plusieurs corps calcinés ont été retrouvés", a-t-il dit.

Au total, 25 personnes ont été tuées dans les frappes qui ont visé plusieurs secteurs du nord de Gaza ainsi que Khan Younès, dans le sud, selon la Défense civile.

"Nous avons reçu des appels de détresse signalant plusieurs personnes disparues sous les décombres dans différentes zones de la bande de Gaza ", a affirmé Mahmoud Bassal.

Plusieurs corps enveloppés dans des linceuls blancs ont été transportés à l'hôpital al-Chifa, où se recueillaient des femmes éplorées.

"Nous ne voulons rien d'autre que la fin de la guerre pour pouvoir vivre comme le font les gens dans le reste du monde", s'exclamait Walid Al Najjar, un habitant de Khan Younès.

Selon Mahmoud Bassal, les secouristes manquent "des outils et équipements nécessaires pour les opérations de sauvetage et pour récupérer les corps".

L'armée israélienne n'a pas commenté dans l'immédiat.

Mardi, elle avait dit avoir détruit environ "40 engins du génie utilisés à des fins terroristes, y compris lors du massacre du 7 octobre".

Elle affirme que le Hamas utilise ces engins "pour poser des explosifs, creuser des tunnels souterrains, percer des clôtures de sécurité et dégager les gravats pour retrouver des armes et du matériel militaire".

Mesure "intolérable" 

Selon le ministère de la Santé du Hamas, 1.928 Palestiniens ont été tués depuis le 18 mars, portant à 51.305 le nombre de morts à Gaza depuis le début de l'offensive de représailles israélienne.

La guerre a été déclenchée par l'attaque sans précédent du Hamas en Israël le 7 octobre 2023, qui a entraîné la mort de 1.218 personnes du côté israélien, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP basé sur des données officielles.

Sur les 251 personnes enlevées, 58 sont toujours otages à Gaza dont 34 sont mortes, selon l'armée israélienne.

La situation est aggravée par le blocage de l'aide humanitaire imposé par Israël depuis le 2 mars.

Les ministres des Affaires étrangères français, britannique et allemand ont conjointement exhorté mercredi Israël à cesser ce blocage, y voyant une mesure "intolérable" qui expose les civils à "la famine, des épidémies et la mort".

"Plusieurs personnes souffrant de malnutrition aiguë sévère à Gaza ont été admises à l'hôpital cette semaine", a indiqué mardi le bureau des affaires humanitaires de l'ONU (Ocha), ajoutant que ces cas étaient "en augmentation".

"Malgré des approvisionnements extrêmement faibles, environ 180 cuisines communautaires continuent de fonctionner chaque jour. Cependant, beaucoup d'entre elles sont sur le point de fermer car les stocks s'épuisent", a-t-il prévenu.

 


Turquie: puissant séisme de magnitude 6,2 au large d'Istanbul

Un puissant séisme de magnitude 6,2, dont l'épicentre est situé en mer de Marmara, a secoué mercredi Istanbul, sans faire de victime ni de dégât, selon les autorités turques. (AFP)
Un puissant séisme de magnitude 6,2, dont l'épicentre est situé en mer de Marmara, a secoué mercredi Istanbul, sans faire de victime ni de dégât, selon les autorités turques. (AFP)
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  • Deux secousses au moins, à une fraction de seconde d'intervalle, ont été fortement ressenties dans tous les quartiers de l'immense ville de 16 millions d'habitants située sur le Bosphore et la Mer de Marmara
  • Des milliers de personnes se sont jetées dans les rues en proie à la panique

ISTANBUL: Un puissant séisme de magnitude 6,2, dont l'épicentre est situé en mer de Marmara, a secoué mercredi Istanbul, sans faire de victime ni de dégât, selon les autorités turques.

Selon l'Agence nationale de la gestion des catastrophes AFAD et le ministre de l'Intérieur Ali Yerlikaya, "un séisme de 6,2 s'est produit au large de Silivri, en mer de Marmara" peu avant 13H00 (10H00 GMT).

Deux secousses au moins, à une fraction de seconde d'intervalle, ont été fortement ressenties dans tous les quartiers de l'immense ville de 16 millions d'habitants située sur le Bosphore et la Mer de Marmara.

Des milliers de personnes se sont jetées dans les rues en proie à la panique, ont constaté les journalistes de l'AFP.

"J'ai senti la secousse je me suis jeté dehors" confie un peintre, rencontré près de la Tour de Galata après avoir dévalé ses quatre étages.

Les autorités n'ont pas fait état de victimes ni de dégâts.

Le président Recep Tayyip Erdogan a indiqué "suivre les développements de près".

"Tous nos services d'urgence sont en état d'alerte. Aucun bâtiment ne s'est effondré selon les informations dont nous  disposons à ce stade. Nous poursuivons les recherches", a indiqué le gouvernorat d'Istanbul qui appelle "les citoyens à ne pas s'approcher de bâtiments endommagés".

La municipalité indique elle aussi suivre la situation, précisant qu'"aucun cas grave n'a été sigalé jusqu'à présent".

La hantise du "Big one" 

Outre le séisme principal, l'AFAD précise avoir enregistré trois autres secousses de magnitude 3.9 à 4.9 dans la même zone.

La Turquie est traversée par deux failles qui ont causé de nombreux drames par le passé.

Istanbul vit dans la hantise du "Big one": elle est située à 20 km de la faille nord-anatolienne et les plus pessimistes des experts prévoient un séime de magnitude 7 au moins d'ici à 2030, qui provoquerait l'effondrement partiel ou total de centaines de milliers d'édifices.

Le sud-est du pays a subi un violent tremblement de terre en février 2023 qui a fait au moins 53.000 morts et dévasté la cité antique d'Antakya, l'ex Antioche.

Le district de Silivri abrite notamment l'une des principales prisons du pays, où se trouvent notamment incarcérés le maire d'oppposition d'Istanbul Ekrem Imamoglu et le mécène et philanthrope Osman Kavala.

C'est également là qu'ont été conduits de très nombreux manifestants interpellés lors de la vague de contestation qui a suivi l'arrestation de M. Imamgolu le 19 mars, incarcéré à Silivri six jours plus tard.

Le réseau d'entraide des parents des jeunes détenus a affirmé sur X que l'établissement n'avait pas subi de dégâts.

 


1978 - Les Accords de Camp David: Un chemin trompeur vers la paix

Anouar el-Sadate (gauche) serre la main de Menahem Begin en présence du président américain Jimmy Carter. (AFP)
Anouar el-Sadate (gauche) serre la main de Menahem Begin en présence du président américain Jimmy Carter. (AFP)
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  • Si les accords ont valu à Sadate et Begin le prix Nobel, ils n'ont que peu contribué à l'établissement d'une paix durable au Moyen-Orient
  • En 1978, la population de colons ne comptait que 75,000 personnes. En 1990, elle avait triplé pour atteindre 228,000. Aujourd'hui, plus d'un demi-million de colons israéliens occupent au moins 370 colonies

CHICAGO — En se rendant à Jérusalem, le président égyptien Anouar el-Sadate poursuivait une vision ambitieuse: prévenir tout nouveau conflit et résoudre la crise israélo-arabe par voie diplomatique. Sa démarche reposait sur la conviction profonde qu'une paix véritable ne pourrait être fragmentaire. Elle devait, selon lui, englober non seulement l'Égypte et ses voisins arabes — Jordanie, Syrie et Liban — mais s'articuler essentiellement autour d'un engagement formel d'Israël à se retirer des territoires occupés et à permettre l'émergence d'un État palestinien souverain.

Face aux parlementaires israéliens réunis à la Knesset, Sadate a prononcé un discours-fleuve dont l'une des déclarations les plus marquantes résonne encore aujourd'hui : "Mon voyage n'a pas pour objectif un accord bilatéral isolant l'Égypte... Car même si tous les États du front parvenaient à un accord avec Israël, cette paix resterait fragile et illusoire tant qu'une solution équitable à la question palestinienne ne sera pas trouvée. C'est cette paix juste et pérenne que la communauté internationale appelle unanimement de ses vœux."

Sadate n'aura pas vécu assez longtemps pour constater à quel point il avait raison:  l'obstination israélienne à maintenir son emprise sur les territoires occupés allait effectivement déclencher un engrenage fatal. Cette politique d'occupation a progressivement nourri les courants extrémistes, multipliés les cycles de violence, fragilisée la stabilité de l'Égypte elle-même, et fait voler en éclats tout espoir d'une réconciliation durable dans la région.

L'objectif unique du Premier ministre israélien Menahem Begin était d'éliminer la menace militaire égyptienne, de diviser les "États du front" arabes et de bloquer les revendications en faveur d'un État palestinien.

Sadate fut naïf de faire confiance à Begin, l'un des terroristes les plus impitoyables du Moyen-Orient. Begin avait orchestré certaines des atrocités civiles les plus odieuses durant le conflit israélo-arabe de 1947-1948, notamment le massacre de près de 100 civils dans le petit village palestinien de Deir Yassine. 

Légende: La une du journal relatait l'avancement des accords, notant que le sommet avait atteint "une étape décisive".
Légende: La une du journal relatait l'avancement des accords, notant que le sommet avait atteint "une étape décisive".

Ce massacre, au cours duquel des femmes enceintes furent sauvagement assassinées et leurs corps jetés dans le puits du village, a profondément choqué la population arabe de Palestine, provoquant un exode massif de réfugiés terrorisés. Avant son discours à la Knesset, Sadate avait visité le mémorial de l'Holocauste Yad Vashem qui, ironie du sort, est édifié sur les vestiges de Deir Yassine.

Déroulé tapis rouge par Israël et les États-Unis, Sadate se vit propulsé au rang de chef d'État modèle pour son audace pacificatrice. Sa tournée américaine de 1978 prit des allures de triomphe: banquets somptueux et réceptions officielles dans les métropoles du pays. À Chicago, pourtant, un autre accueil l'attendait. J'étais là, mêlé à une foule de 500 Américains d'origine arabe, scandant notre opposition à ce que nous considérions comme une véritable reddition diplomatique.

Les Accords de Camp David ont valu à Sadate et Begin le Prix Nobel de la paix 1978, mais aussi l'opprobre du monde arabe. La Ligue arabe réagit en excluant l'Égypte et en transférant le siège de l'organisation du Caire à Tunis.

La stratégie d'Israël était transparente pour tous, sauf pour Sadate. Il signa les accords après 12 jours d'intenses négociations en 1978, du 5 au 17 septembre. Mais quelques semaines auparavant, Begin avait inauguré la colonie d'Ariel, sur des terres confisquées en Cisjordanie à plus de 16 kilomètres à l'est de la Ligne verte, devenue depuis un symbole de la guerre continue d'Israël contre l'État palestinien et le centre de l'expansion des colonies israéliennes.

Malgré cette réalité troublante sur le terrain, Sadate signa un traité de paix formel avec Israël à la Maison Blanche le 26 mars 1979, mettant officiellement fin au conflit entre les deux pays.

Dates clés

14 février 1977
Le président américain Jimmy Carter écrit à son homologue égyptien Anouar el-Sadate et au Premier ministre israélien Yitzhak Rabin pour exprimer son engagement à trouver "un règlement de paix durable au Moyen-Orient".

 21 octobre 1977
Dans une lettre manuscrite, Carter fait appel à Sadate: "Le moment est venu d'avancer, et votre soutien public précoce à notre approche est extrêmement important — peut-être vital".

 11 novembre 1977
Après l'annonce par Sadate de son intention de visiter Israël, le nouveau Premier ministre israélien, Menahem Begin, s'adresse au peuple égyptien depuis Jérusalem en plaidant pour "plus de guerres, plus d'effusion de sang".

3 août 1978
Carter adresse des lettres confidentielles à Sadate et Begin, leur proposant une rencontre.

5 septembre 1978
Sadate et Begin arrivent à Camp David pour dix jours de pourparlers.

17 septembre 1978
À 21h37, Carter, Begin et Sadate embarquent à bord de l'hélicoptère présidentiel Marine 1 et s'envolent du Maryland vers la Maison Blanche. À 22h31, Begin et Sadate signent un cadre pour la paix.

27 octobre 1978
Sadate et Begin reçoivent conjointement le Prix Nobel de la paix.

26 mars 1979
Sadate et Begin signent le traité de paix égypto israélien à Washington.

6 octobre 1981
Sadate est assassiné au Caire par des extrémistes islamiques opposés au traité de paix.

Si l'on examine les cinq fondements de l'accord, seuls deux ont franchi le cap de la concrétisation. L'Égypte a récupéré le Sinaï, sous conditions de démilitarisation, et la normalisation diplomatique formelle entre Le Caire et Tel-Aviv, mettant officiellement un terme à l'état de belligérance.
 
Les trois autres engagements sont restés lettre morte: les négociations pour résoudre la question palestinienne, avec la participation jordanienne, ont stagné; l'introduction de l'autonomie palestinienne en Cisjordanie et à Gaza dans un délai de cinq ans a échoué; et la fin des colonies israéliennes n'a même jamais été amorcée.

Les accords n'ont jamais été autorisés à entraver les plans visant à renforcer l'emprise d'Israël sur les territoires occupés. Lorsque le président américain Jimmy Carter a perdu sa réélection le 4 novembre 1980, et que Sadate a été assassiné lors d'un défilé militaire le 6 octobre 1981, Begin a reçu carte blanche pour enterrer définitivement le "rêve" de Sadate.

Malgré leurs divergences politiques, le président américain Ronald Reagan tenta de poursuivre la vision de paix au Moyen-Orient portée par Carter et proposa, en août 1982, un "gel" des colonies, exhortant Israël à accorder aux Palestiniens une "autonomie" comme étape vers un État. 

Le Premier ministre israélien Menahem Begin (gauche) et le président égyptien Anouar el-Sadate conversent et plaisantent lors d'une rencontre en juillet 1979 à Alexandrie. AFP
Le Premier ministre israélien Menahem Begin (gauche) et le président égyptien Anouar el-Sadate conversent et plaisantent lors d'une rencontre en juillet 1979 à Alexandrie. AFP

La réaction de Begin fut immédiate. Le 2 septembre 1982, avec Carter et Sadate hors-jeu, il conduisit une initiative à la Knesset pour consolider l'emprise d'Israël sur la Cisjordanie, Jérusalem Est et le plateau du Golan, augmentant la population de colons juifs. Israël, déclara le Cabinet, "se réserve le droit d'appliquer sa souveraineté sur les territoires à l'issue de la période de transition de cinq ans" vers "l'autonomie" palestinienne explicitement envisagée dans les Accords de Camp David.

En 1978, la population de colons ne comptait que 75,000 personnes. En 1990, elle avait triplé pour atteindre 228,000. Aujourd'hui, plus d'un demi-million de colons israéliens occupent au moins 370 colonies ou "avant-postes" en Cisjordanie et à Jérusalem Est.

Cette année, le 20 janvier, premier jour de son second mandat, le président américain Donald Trump a levé les sanctions imposées par l'administration Biden sur des groupes de colons d'extrême droite accusés de violences contre les Palestiniens.

Ironie du sort, alors que les accords de Camp David devaient créer un climat d'espoir et d'optimisme, leur progression limitée au seul retour du Sinaï a engendré un sentiment de fatalisme nourrissant l'extrémisme, comme en témoignent de façon dramatique les attaques meurtrières du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023.

Si le cessez-le-feu entre Le Caire et Tel-Aviv tient toujours, l'incapacité chronique à résoudre la question palestinienne a considérablement affaibli la portée historique des accords. Ce qui devait incarner une paix globale s'est progressivement dégradé en un simple pacte de non-agression formalisé. Aujourd'hui, les relations égypto-israéliennes se résument essentiellement à une collaboration sécuritaire.

Ray Hanania est un ancien journaliste politique primé de la mairie de Chicago. Il est chroniqueur pour Arab News et anime l'émission de radio Ray Hanania. 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com