Le gouvernement libanais a annoncé avoir convoqué lundi l'ambassadrice des Etats-Unis après ses propos virulents contre le puissant mouvement armé Hezbollah, qui ont fait l'objet d'une injonction controversée par un juge local.
Selon l'agence nationale d'information ANI dimanche, le chef de la diplomatie Nassif Hitti a reçu dans l'après-midi Dorothy Shea, qui a accusé le Hezbollah "d'organisation terroriste" et d'avoir "siphonné des milliards de dollars qui auraient dû aller dans les coffres du gouvernement".
Cette affaire a provoqué une polémique au Liban après qu'un juge des référés, Mohamed Mazeh, a décidé samedi d'interdire, sous peine de sanctions, aux médias libanais et étrangers travaillant au Liban d'interviewer, durant un an, Mme Shea, ou de publier ses déclarations au sujet du Hezbollah chiite.
Plusieurs médias n'ont pas respecté cette injonction en y voyant une pression politique sur la justice et une atteinte à la liberté d'expression. Une source judiciaire a dit à l'AFP que M. Mazeh avait "dépassé ses prérogatives" et la ministre de l'Information Manal Abdel Samad a souligné la nécessité de respecter la liberté de la presse.
Fondé et financé par l'Iran, le Hezbollah domine la vie politique au Liban. Depuis octobre 2019, il est souvent conspué dans la rue, au même titre que les autres forces politiques du pays, accusées de corruption et d'incompétence dans un pays effondré économiquement.
Il est la seule faction à ne pas avoir abandonné les armes après la guerre civile (1975-1990). Il est inscrit sur la liste noire américaine et est classé "organisation terroriste" par d'autres pays occidentaux et des pays arabes du Golfe.
Lors d'un entretien vendredi avec une chaîne de télévision saoudienne, Mme Shea a également accusé le Hezbollah "d'entraver certaines réformes économiques dont le Liban a désespérément besoin", pour sortir du gouffre.
Critiquant ces propos, un député du Hezbollah, Hassan Fadlallah, a appelé les autorités libanaises à "prendre des mesures immédiates pour contraindre cette ambassadrice à respecter le droit international".
Dimanche, des centaines de partisans du Hezbollah ont manifesté dans la banlieue sud de Beyrouth, fief du mouvement, en brandissant des pancartes sur lesquelles était écrit "Nous sommes tous Mohamad Mazeh" ou "Nous sommes prêts à mourir mais pas à être humiliés".
En réaction à l'injonction du juge, le département d'Etat américain a dénoncé une tentative "pathétique" de "censure" de la part du Hezbollah.
Le juge Mazeh a réitéré sa "conviction totale" du bien-fondé de sa démarche.
Le Hezbollah, dont les membres combattent au côté du régime en Syrie voisine, a accusé récemment les Etats-Unis de chercher à affamer les Syriens et les Libanais et d'interdire l'afflux de dollars, monnaie sur laquelle est indexée la livre libanaise.