PARIS: Désertification médicale, permanence des soins... Le Sénat a débuté mardi l'examen d'un texte sensible sur l'accès aux soins, des débats scrutés avec inquiétude par les syndicats de médecins, rassurés dans la soirée par le rejet de mesures visant à réguler leur installation sur le territoire.
Alors que les médecins libéraux sortent à peine d'un mouvement de grève, suspendu la semaine dernière après le lancement par le gouvernement de nouvelles négociations sur une revalorisation tarifaire, le Parlement débat du vaste sujet de leur responsabilité territoriale.
La proposition de loi du député Frédéric Valletoux (Horizons), adoptée en juin par l'Assemblée nationale, est surveillée comme le lait sur le feu par les praticiens, qui craignent un texte coercitif.
Le Parlement imposera-t-il aux soignants des cliniques privées de réaliser des permanences de nuit ou de week-ends à l'hôpital public ? La liberté d'installation des praticiens sera-t-elle réformée pour lutter contre les déserts médicaux ?
Le Sénat a déjà apporté une réponse à la deuxième question, en rejetant mardi soir plusieurs amendements visant à "flécher" l'établissement des médecins vers les territoires mal pourvus.
Des sénateurs de tous les bords politiques ont tenté, contre l'avis du gouvernement, d'inclure un dispositif visant à conditionner l'installation d'un praticien dans les zones déjà bien pourvues en soignants au départ d'un confrère. Une manière de lutter contre la désertification médicale.
Découragement
Une proposition transpartisane similaire avait déjà beaucoup fait parler à l'Assemblée nationale au mois de juin mais a elle aussi été rejetée.
Le ministre de la Santé Aurélien Rousseau, en pleines négociations conventionnelles avec les syndicats, avait exprimé son désaccord avec ces amendements: "J'ai confiance dans le sens des responsabilités des professionnels et je l'oppose à la volonté d'imposer des mesures de coercition", avait-il dit, les jugeant "contreproductives" malgré la désertification médicale qui touche 87% du territoire.
La régulation de l'installation des médecins figurait au programme d'Emmanuel Macron en 2022 et plusieurs parlementaires ne se sont pas privé de le rappeler.
"Je ne comprends pas que le Sénat, chambre des territoires, soit en retrait par rapport à l'Assemblée sur la défense de l'accès aux soins en zone rurale", a pour sa part pesté le sénateur Hervé Maurey (groupe centriste).
"C'est la meilleure façon de décourager les étudiants en médecine", a rétorqué Corinne Imbert (apparentée Les Républicains), désignée rapporteure. "Si vous obligez un étudiant à s'installer au fin fond du Finistère, il arrivera en faisant la gueule", a renchéri Bruno Belin (LR).
L'autre point d'irritation vis-à-vis des médecins concerne les permanences de nuit ou de week-ends, et un article visant à permettre aux directeurs des agences régionales de santé (ARS) de solliciter les établissements privés et leurs soignants pour qu'ils en assurent.
Option santé au lycée
Pris à partie sur ce sujet, le gouvernement a revu sa copie et propose une clarification de ce rééquilibrage entre public et privé: il souhaite que celui-ci se fasse en premier lieu sur la base du "volontariat", avec une désignation d'autorité seulement "en dernier recours" en cas de carence dans la permanence des soins. Le Sénat n'a pas encore débattu de cet article.
Le Sénat a fait un autre pas vers les syndicats de médecins en supprimant leur adhésion automatique à des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), censées faciliter la coordination à l'échelle du territoire.
Dans une logique de simplification, la chambre haute a par ailleurs voté pour le remplacement du certificat médical pour congé enfant malade par une attestation sur l'honneur, et pour le remplacement d'un certificat médical de non contre-indication à la pratique sportive par un "questionnaire simplifié".
Le Sénat s'apprête par ailleurs à adopter d'autres mesures: l'expérimentation d'une option santé au lycée dans les déserts médicaux pour encourager les vocations, ou le renforcement de l'accompagnement "physique et mental" des étudiants en médecine dans leurs stages.
Avant l'adoption définitive, il faudra que sénateurs et députés trouvent un compromis lors d'une commission mixte paritaire dont la date reste à définir.