Les opérations d'Air France en Afrique perturbées par les changements diplomatiques et les problèmes sécuritaires

Air France a célébré le 80e anniversaire de la liaison Bamako-Paris en 2017. Shutterstock.
Air France a célébré le 80e anniversaire de la liaison Bamako-Paris en 2017. Shutterstock.
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Publié le Samedi 21 octobre 2023

Les opérations d'Air France en Afrique perturbées par les changements diplomatiques et les problèmes sécuritaires

  • Cette suspension est particulièrement douloureuse pour Air France, sachant que les vols entre Paris et Bamako représentent sa troisième ligne la plus fréquentée en Afrique subsaharienne
  • Air France, de son côté, tente de dédramatiser la situation, affirmant qu'elle devrait soumettre une nouvelle demande d'autorisation lors de la reprise des vols

RIYAD: La décision du ministère français des Affaires étrangères de placer sous «alerte rouge» les pays d'Afrique de l'Ouest ayant connu des coups d'État, une mesure visant initialement à garantir la sécurité des ressortissants de ce pays européen, a pris une tournure inattendue, affectant négativement les compagnies aériennes opérant dans la région.

Cette suspension est particulièrement douloureuse pour Air France, sachant que les vols entre Paris et Bamako, la capitale du Mali, représentent sa troisième ligne la plus fréquentée en Afrique subsaharienne, après Abidjan et Dakar. L'arrêt soudain de ces vols porte non seulement un coup dur à Air France mais ouvre également des opportunités aux concurrents.

Cette crise marque un tournant dans les relations de l’opérateur avec l’Afrique, touchant 14% de son chiffre d’affaires. Cela met en évidence les problèmes plus importants auxquels sont confrontées les compagnies aériennes opérant dans des régions politiquement instables, et souligne la nécessité d’un équilibre délicat entre la sécurité et les intérêts commerciaux dans le secteur aéronautique.

L’Afrique a connu sept coups d’État depuis août 2020, le plus récent ayant eu lieu au Gabon, précédé par le Niger, le Burkina Faso, la Guinée, le Soudan et le Mali. Le bras de fer diplomatique entre la France et les juntes militaires de la région n’a cependant pas joué en sa faveur.

Le président Emmanuel Macron vient de se désengager du Niger, rappelant son ambassadeur et promettant de retirer ses troupes d’ici la fin de l’année. Cela marque un tournant important dans l’approche de la France à l’égard de la région ouest-africaine du Sahel.

Air France a célébré le 80e anniversaire de la liaison Bamako-Paris en 2017, affirmant son engagement dans la région, malgré les conflits et les défis sécuritaires. En dépit des interruptions qui se sont produites pendant la pandémie de la Covid-19, l’Afrique subsaharienne est restée une région solide pour la compagnie, représentant près de 18% des revenus de son réseau en 2021.

Cependant, ce chiffre est tombé à 14% en 2022, alors que d’autres destinations, notamment en Asie, commençaient à connaître une reprise. La crise actuelle a donc des implications à la fois immédiates et à long terme sur la présence d’Air France en Afrique, ainsi que sur la situation globale de ses revenus.

Les conséquences de la suspension des vols s'étendent au-delà de la compagnie aérienne elle-même, touchant les relations diplomatiques et offrant de nouvelles opportunités aux concurrents. Alors que la compagnie fait face aux complexités de la reprise de ses opérations, elle est non seulement confrontée à un défi logistique, mais également à la tâche de rétablir la confiance avec les autorités locales et les passagers de ces pays africains.

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Ovigwe Eguegu. (Photo fournie)

«Ces pays d’Afrique de l’Ouest sont en train de redéfinir leurs liens avec la France, et même si les préoccupations de sécurité de la France sont compréhensibles, cela n'avait pas de sens sur le plan commercial de les mettre sur liste noire», a indiqué à Arab News Ovigwe Eguegu, analyste politique nigérian.

«La possibilité qu'Air France perde des parts de marché au profit de Turkish Airlines est réelle, car au-delà de l'aviation, la Turquie s'efforce de renforcer sa présence dans la région et la France vient peut-être d’offrir une autre opportunité à Ankara», a-t-il ajouté.

Cela met en évidence le paysage concurrentiel du secteur aéronautique, où des décisions hâtives peuvent conduire à un remodelage de la dynamique du marché. Turkish Airlines ainsi que d'autres transporteurs aériens ambitieux voient désormais une opportunité d'étendre leur présence en Afrique aux dépens d'Air France.

En termes de nombre de sièges, la situation était similaire pour le Niger et le Burkina Faso, avec chacune de ces destinations disposant de 4 000 sièges en août 2022. L'arrêt brusque des services d'Air France, à partir du 27 juillet pour Niamey et du 7 août pour Ouagadougou, a entraîné une perte collective de plusieurs milliers de sièges, représentant un manque à gagner estimé à 3,2 millions de dollars selon les calculs d'Arab New.

En août 2022, il y avait plus de 10 000 sièges disponibles pour les vols entre Paris et Bamako, ce qui en fait la troisième destination d'Afrique subsaharienne en termes de capacité, selon le fournisseur de données aéronautiques OAG. Cependant, l’année suivante, ce nombre a chuté considérablement pour tomber à moins de 5 000 sièges.

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Turkish Airlines devrait reprendre une partie des parts de marché à Air France. (Shutterstock)

Les experts estiment que la compagnie turque, connue pour sa stratégie ambitieuse d'expansion mondiale, est idéalement placée pour tirer parti de l'absence d'Air France. Cependant, elle n'est pas la seule actrice sur la scène. «Les transporteurs africains, dont Air Sénégal, doté d'une flotte d'A330, et Corsair, qui maintient ses vols vers Bamako malgré les recommandations du ministère français des Affaires étrangères, sont également dans la course», a déclaré Alain Kazadi, expert congolais de l'aviation, à Arab News

«Corsair, en particulier, a fait preuve de ténacité, poursuivant ses services même pendant les périodes difficiles. Elle prévoit d’opérer davantage de vols, renforçant ainsi sa présence sur le marché africain», a ajouté Alain Kazadi.

La situation met également en lumière la complexité des accords aériens et la souveraineté des nations sur leur espace aérien. «Chaque État détient le pouvoir d'accorder ou de refuser l'autorisation aux compagnies aériennes, et ces décisions peuvent avoir des conséquences importantes pour les transporteurs», a indiqué Alain Kazadi, soulignant le fait que, même si les accords bilatéraux sont courants dans le secteur de l'aviation, ils peuvent être sujets à un changement à tout moment.

«Dans le domaine de l’aviation, le bilatéralisme est privilégié, mais les accords sont souvent confidentiels et peuvent être remis en question à tout moment», a affirmé Ovigwe Eguegu, commentant le fait que l'Agence malienne de l'aviation civile est même allée jusqu'à annuler l'autorisation d'exploitation de vols d'Air France.

Air France, de son côté, tente de dédramatiser la situation, affirmant qu'elle devrait soumettre une nouvelle demande d'autorisation lors de la reprise des vols, ce qui constitue selon elle une procédure courante.

L’Afrique a la particularité d’être le continent qui compte le plus faible nombre de passagers aériens chaque année, représentant environ 2% seulement du trafic aérien mondial, englobant à la fois le transport de passagers et de marchandises. Le principal moteur du transport aérien en Afrique est traditionnellement le tourisme international.

Cependant, la croissance rapide de la population et des revenus du continent offre depuis longtemps la promesse de nouvelles opportunités dans ce secteur, ce qui rend de plus en plus important le fait de développer en profondeur le marché africain de l’aviation. L’un des obstacles les plus importants auxquels sont confrontées les compagnies aériennes opérant en Afrique est le coût exorbitant des activités commerciales, qui dépasse de loin celui des autres régions.

En 2021, les dépenses en kérosène et en pétrole représentaient environ 31,2 % des coûts globaux des transporteurs africains. Alors que la flambée des prix mondiaux du pétrole a affecté l’ensemble du secteur, le kérosène reste de 12% plus cher en Afrique que dans d’autres régions.

Entre 2010 et 2019, le supplément s’est élevé à 18%, pour atteindre environ 40% en 2022. Les défis infrastructurels et logistiques propres à l’Afrique ont conduit ses transporteurs aériens à assumer un supplément exceptionnellement élevé dans le secteur aéronautique mondial.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com

 


Espagne: la maison mère de Paco Rabanne et Jean Paul Gaultier se lance en Bourse

 Les marques Nina Ricci, Paco Rabanne et Jean Paul Gaultier font vendredi leur entrée sur les marchés financiers avec l'introduction en Bourse à Madrid de leur maison mère, le groupe espagnol Puig, en pleine expansion dans le secteur du luxe. (AFP).
Les marques Nina Ricci, Paco Rabanne et Jean Paul Gaultier font vendredi leur entrée sur les marchés financiers avec l'introduction en Bourse à Madrid de leur maison mère, le groupe espagnol Puig, en pleine expansion dans le secteur du luxe. (AFP).
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  • Cent dix ans après sa création, la maison de beauté catalane va connaître une petite révolution avec cette opération, censée lui donner les moyens de concurrencer les grands noms du secteur
  • C'est "une étape décisive" qui "nous permettra d'être plus compétitifs sur le marché international de la beauté", soulignait dans un récent communiqué le PDG de l'entreprise, Marc Puig

MADRID: Les marques Nina Ricci, Paco Rabanne et Jean Paul Gaultier font vendredi leur entrée sur les marchés financiers avec l'introduction en Bourse à Madrid de leur maison mère, le groupe espagnol Puig, en pleine expansion dans le secteur du luxe.

Cent dix ans après sa création, la maison de beauté catalane va connaître une petite révolution avec cette opération, censée lui donner les moyens de concurrencer les grands noms du secteur comme Estée Lauder, Hermès, Kering et LVMH.

C'est "une étape décisive" qui "nous permettra d'être plus compétitifs sur le marché international de la beauté", soulignait dans un récent communiqué le PDG de l'entreprise, Marc Puig, en assurant viser une "approche de long terme".

Fondé en 1914 à Barcelone par l'entrepreneur Antonio Puig Castellò, le groupe de parfums et cosmétiques espagnol s'est fait une place ces dernières années parmi les géants du luxe et de la mode, en multipliant les acquisitions de marques de prestige.

La maison catalane contrôle ainsi les griffes Paco Rabanne, Nina Ricci, Charlotte Tilbury, Carolina Herrera, Dries Van Noten et Jean Paul Gaultier. Il a également noué des contrats de licence avec Prada, Christian Louboutin et Comme des Garçons.

Contrôle familial

L'introduction en Bourse de Puig se fera vendredi au prix de 24,50 euros par action. Elle est présentée par les analystes comme le plus gros lancement boursier de l'année en Espagne et comme l'un des principaux en Europe.

Le montant fixé pour l'action Puig valorise le groupe barcelonais à près de 14 milliards d'euros. Cela lui permettra d'intégrer directement l'Ibex 35, indice vedette regroupant les 35 plus grosses entreprises espagnoles.

Cette opération d'envergure se déclinera en deux phases: une émission de nouvelles actions, devant rapporter 1,25 milliard d'euros, et la vente de parts détenues par Exea, la holding de la famille Puig, pour près de 1,36 milliard d'euros.

Cette double opération pourrait être complétée par une vente de titres réservée à certains investisseurs pour un total de 390 millions d'euros, selon le groupe. De quoi lever au total quelque 3 milliards d'euros.

Malgré cette opération, la famille Puig assure qu'elle restera l'actionnaire majoritaire de l'entreprise avec 71,7% des parts. Elle conservera, en outre, une très large majorité des droits de vote (92,5%) au sein de son conseil d'administration.

« Muscle financier »

L'introduction en Bourse du groupe catalan avait été officialisée le 8 avril, après avoir été évoquée pour la première fois le 20 octobre par Marc Puig en personne dans un entretien au quotidien économique Financial Times.

Le PDG de 62 ans avait alors estimé qu'elle permettrait d'imposer une "discipline" de marché à l'entreprise et d'éviter les possibles "difficultés" auxquelles les sociétés familiales sont confrontées lors du passage de témoin entre générations.

Il arrive, en effet, "que les entreprises familiales perdent leur position sur le marché. Elles peuvent commencer à mourir lentement et personne au sein de l'entreprise n'en est conscient", avait insisté le petit-fils d'Antonio Puig, à la tête du groupe depuis 2004.

Selon Javier Cabrera, analyste chez XTB, ce lancement boursier devrait permettre à la maison de beauté catalane d'acquérir du "muscle financier", en profitant de la "bonne dynamique boursière du secteur".

De fait, le contexte est actuellement porteur pour le luxe, dont les poids lourds ont enregistré des niveaux de ventes record en 2023, malgré un léger ralentissement après deux années de croissance à deux chiffres.

Puig a, pour sa part, réalisé l'an dernier un chiffre d'affaires de 4,3 milliards d'euros et dégagé un bénéfice net de 465 millions d'euros, en hausse de 16% sur un an. Et cette dynamique pourrait s'accélérer.

Les acquisitions réalisées ces dernières années permettent "une forte croissance" et une "diversification des revenus" du groupe, observe Javier Cabrera, qui insiste sur ses bons résultats en Chine, marché devenu incontournable pour le secteur du luxe.


Liban: l'Union européenne annonce une aide d'un milliard d'euros pour soutenir l'économie

Le Premier ministre libanais Najib Mikati (au centre) pose pour une photo avec la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen et le président chypriote Nikos Christodoulides lors de leur rencontre au siège du gouvernement du Grand Sérail à Beyrouth (Photo, AFP).
Le Premier ministre libanais Najib Mikati (au centre) pose pour une photo avec la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen et le président chypriote Nikos Christodoulides lors de leur rencontre au siège du gouvernement du Grand Sérail à Beyrouth (Photo, AFP).
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  • Le président chypriote s'était déjà rendu au Liban le 8 avril pour discuter avec M. Mikati de la question des réfugiés
  • Le Liban, frappé par une crise économique depuis 2019 dit accueillir près de deux millions de réfugiés syriens

BEYROUTH: La cheffe de la Commission européenne a annoncé jeudi à Beyrouth une aide d'un milliard d'euros pour soutenir la "stabilité socio-économique" du Liban et appelé ce pays à bien coopérer dans la lutte contre l'immigration clandestine.

Les fonds seront "disponibles à partir de cette année jusqu’en 2027. Nous voulons contribuer à la stabilité socio-économique du Liban", a déclaré Ursula von der Leyen, ajoutant "compter sur une bonne coopération" des autorités libanaises dans la lutte contre l'immigration clandestine vers l'Europe.

Le Liban, frappé par une crise économique depuis 2019 dit accueillir près de deux millions de réfugiés syriens, soit le plus grand ratio par habitant au monde.

Le petit pays méditerranéen, frontalier de la Syrie, n'a de cesse d'exhorter la communauté internationale de les rapatrier, les armes s'étant tues dans plusieurs régions syriennes.

Les migrants, demandeurs d'asile et réfugiés qui quittent le Liban par bateau à la recherche d'une vie meilleure en Europe se dirigent souvent vers Chypre qui affirme être en première ligne face aux flux migratoires au sein de l'UE.

"La réalité actuelle de cette question est devenue plus grande que la capacité du Liban à la traiter", a déclaré le Premier ministre libanais Najib Mikati, lors d'une conférence de presse en présence de Mme. von der Leyen et du président chypriote Nikos Christodoulides.

Augmentation des ressortissants syriens à Chypre 

"Nous renouvelons notre demande à l'UE, (...) d’aider les personnes déplacées dans leur pays (d'origine et non au Liban), pour les encourager à rentrer volontairement", a-t-il poursuivi.

De son côté, Chypre, qui fait état d'une augmentation des arrivées de ressortissants syriens, estime que la guerre entre Israël et le Hamas à Gaza, qui a déclenché des violences à la frontière israélo-libanaise, a affaibli les efforts de Beyrouth pour empêcher les départs.

De janvier à avril 2024, plus de 40 bateaux transportant environ 2.500 personnes ont accosté à Chypre, a indiqué à l'AFP l'agence de l'ONU pour les réfugiés (HCR).

Chypre avait conclu il y a des années avec le Liban un accord pour le retour de migrants en situation irrégulière.

Le président chypriote s'était déjà rendu au Liban le 8 avril pour discuter avec M. Mikati de la question des réfugiés et de la manière de contrôler le flux migratoire vers son pays.


TotalEnergies: le gouvernement remonté contre un possible transfert de sa cotation à New York

Le ministre français de l'Économie Bruno Le Maire (Photo, AFP).
Le ministre français de l'Économie Bruno Le Maire (Photo, AFP).
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  • Aujourd'hui, TotalEnergies a déjà des titres inscrits à Londres et à New York, mais de manière secondaire
  • M. Pouyanné avait notamment évoqué la frilosité de l'Europe vis-à-vis de sa stratégie qui consiste à continuer d'investir dans les énergies fossiles

PARIS: Confronté à la réflexion de TotalEnergies quant au transfert de la cotation principale du groupe à New York, le ministre de l'Economie et des Finances Bruno Le Maire a affirmé jeudi qu'il comptait se battre pour que ce déménagement de la Bourse de Paris "n'ait pas lieu".

 

"Je suis là pour faire en sorte que ça n'ait pas lieu, parce que je pense que c'est une décision qui est grave", a déclaré M. Le Maire sur BFMTV/RMC.

"Est-ce que l'intérêt suprême de la nation est de garder le siège social de Total en France et la cotation principale de Total en France? Oui, et donc je me battrai pour ça", a-t-il ajouté.

"Nous avons besoin de Total", a-t-il souligné, mentionnant le plafonnement à moins de 2 euros du litre du carburant dans ses stations françaises.

L'affaire est partie des déclarations surprises de Patrick Pouyanné à l'agence Bloomberg. Dans un entretien publié le 26 avril, Patrick Pouyanné avait dit réfléchir à une cotation principale à la Bourse de New York. Près de la moitié de l'actionnariat de TotalEnergies est désormais constituée d'actionnaires institutionnels (fonds de pension, gestionnaires d'actifs, assureurs...) nord-américains.

"Ce n'est pas une question d'émotion. C'est une question d'affaires", avait ajouté le dirigeant de l'entreprise, tout en assurant que le siège social de ce fleuron du CAC 40 resterait bien à Paris.

Son argument principal: "une base d'actionnaires américains qui grossit", ce qui amène l'entreprise à s'interroger sur la façon de "donner accès plus facilement aux actions pour les investisseurs américains", a-t-il expliqué aux analystes, le 26 avril.

Appétit américain pour les fossiles 

Las du manque d'appétit des investisseurs européens pour le secteur pétrogazier, alors que le groupe estime investir beaucoup dans les énergies vertes, le PDG chercherait à se rapprocher des investisseurs américains moins contraints par des règles d'investissement durable.

"Les politiques au sens large ESG (environnement, social et de gouvernance, NDLR) en Europe ont plus de poids", a ainsi justifié M. Pouyanné lundi devant des sénateurs français.

Le PDG observe que "la base d'actionnaires européens de TotalEnergies diminue, notamment la base française" qui a reculé de "7% au cours des quatre dernières années, largement à cause des réglementations, de la pression qui est faite sur eux".

En filigrane, le patron pointe du doigt le changement en France du label Investissement socialement responsable (ISR), qui exclut désormais les entreprises exploitant du charbon ou des hydrocarbures non conventionnels, une mesure décidée par Bercy lui-même fin 2023. Ahmed Ben Salem, analyste du groupe financier Oddo BHF, nuance ce point en indiquant que les fonds labellisés ISR représentaient 1,7% de l'actionnariat de TotalEnergies.

Pendant que l'UE muscle sa réglementation pour flécher les investissements vers la transition écologique, aux Etats-Unis la pression de certains Etats, comme le Texas, pour ne pas délaisser les entreprises d'énergies fossiles a poussé de grands gérants d'actifs à abaisser leurs ambitions climatiques.

"Nous observons clairement plus d'appétit pour les actions d'entreprises des secteurs énergétique, pétrole et gaz du côté de l'Amérique du Nord qu'en Europe", a dit M. Pouyanné aux analystes.

Conséquence de ce manque d'appétit: une valorisation moins importante. TotalEnergies avance "exactement les mêmes résultats trimestriels qu'une entreprise comme Chevron". Le groupe énergétique américain est valorisé 300 milliards de dollars en Bourse, contre 175 milliards pour TotalEnergies.

Le mirage d'un marché européen 

La faute au cloisonnement des marchés financiers en Europe, selon M. Le Maire, qui avait dans un premier temps estimé dimanche sur LCI qu'il fallait offrir à TotalEnergies "les moyens de se développer" en accélérant sur l'union des marchés de capitaux (UMC) dans l'UE.

L'UMC permettrait d'augmenter la taille du marché boursier européen pour que les entreprises s'y financent davantage. Ahmed Ben Salem n'est cependant pas convaincu des changements éventuels pour TotalEnergies: "Il faut des acheteurs sur le secteur, pas seulement des liquidités."

La moindre valorisation de TotalEnergies "est aussi subie par les autres majors européennes", explique-t-il à l'AFP, citant l'exemple du britannique Shell qui "est dans la même réflexion" concernant une cotation principale à New York.

Au Sénat, le patron n'a pas exclu de reconsidérer la question si "plus d'actionnaires européens (...) rachètent du TotalEnergies".